lundi 3 juin 2019

" surveillance:// Les libertés au défi du numérique " par Tristan Nitot


 Avez-vous déjà imaginé de renoncer à toute informatique pendant un mois ? Pas de mail, pas d’ordinateur, pas de smartphone, pas de wifi ? Pendant un mois entier ? Ou même une semaine ?

Il suffit d’essayer d’imaginer cela pour comprendre à quel point l’informatique et l’internet occupent dorénavant un rôle central dans nos vies. Nous utilisons ces outils pour nous tenir au courant de l’actualité, pour rester en contact avec nos proches même s’ils sont loin, pour nous distraire, pour vérifier la véracité d’une information sur Wikipédia (ou la copier/coller pour un devoir), pour savoir comment aller d’un point à un autre ou pour acheter en ligne.

Le temps où l’ordinateur était une affaire de spécialistes est maintenant bien loin, car l’informatique et internet nous touchent, nous qui sommes équipés, au quotidien. Mieux : il y a quelques années encore, un ordinateur connecté à internet était une grosse boîte métallique avec un câble d’alimentation et un câble réseau. 

Aujourd’hui, il y a de fortes chances, cher lecteur, que vous ayez dans votre poche un ordinateur au moins aussi puissant que ceux de l’époque, alimenté sur batteries et connecté sans fil à internet. C’est de fait un ordinateur, même si on appelle cela plutôt un smartphone. (...)

Pourtant, il y a comme un malaise.
Récemment, j’ai eu une drôle d’impression en retrouvant sur de nombreux sites la photo d’un objet que j’avais envisagé d’acheter, comme si ce dernier me suivait. J’ai appris plus tard que c’était une technique de marketing appelée retargetingou « reciblage publicitaire ». J’ai demandé à Wikipédia, qui m’a expliqué :

Le reciblage publicitaire (en anglais : behavioral retargeting, behavioral search retargetingou simplement retargeting) consiste à afficher des messages publicitaires sous forme de bannières sur des sites internet après qu’un internaute ait fait preuve d’un intérêt particulier pour un produit sur un autre site. 

Ah, quel soulagement, je ne suis donc pas fou ! C’est mon ordinateur qui informe des sites marchands que j’ai déjà été intéressé par certains articles sur d’autres sites marchands… Tout d’un coup, je regarde mon ordinateur d’un œil méfiant.
Les choses se sont aggravées quand un beau jour mon téléphone m’a envoyé une alerte : « Il est temps de partir pour l’événement ». Mon téléphone avait pris l’initiative de regarder dans mon agenda l’heure et le lieu de mon prochain rendez-vous.

Il a ensuite pris l’initiative, sans que je ne lui demande rien, de se renseigner sur les horaires des métros et même le tarif des tickets pour me dire qu’il fallait rentrer chez moi.

 D’un côté c’est pratique, mais c’est aussi surprenant, et je n’ai pas le souvenir de lui avoir donné la permission de faire cela. J’ai effectué quelques recherches pour comprendre et j’ai entendu parler d’un service de Google appelé « Google Location Services ». J’ai cliqué sur le lien http://maps.google.com/locationhistory, et je suis tombé sur la carte suivante :
 Capture d'écran du service d'historique des déplacements de Google Maps, avec l'affichage des trajets de Tristan Nitot effectués le 2 décembre 2014.

La trace que l’on voit sur la carte, ce sont mes déplacements (ici, pour la date du 2 décembre 2014). Mon téléphone, connecté à Google et doté d’un GPS, me piste au quotidien et envoie mes déplacements en permanence quelque part sur un ordinateur chez Google. Mon ordinateur et mon téléphone sont toujours avec moi, savent tout de moi et certains logiciels qu’ils embarquent remontent ces informations à des ordinateurs dont j’ignore tout.

 Je suis surveillé en permanence, aussi bien pour mon usage de l’internet que celui de mon téléphone… sans avoir rien demandé ! Comme je le disais plus haut, je suis passionné d’internet et d’informatique, mais je réalise que ce n’est plus moi qui contrôle mon ordinateur ni mon smartphone.

C’est ce que je voudrais explorer dans ce petit livre : comment saisir le potentiel positif de l’informatique connectée sans devenir victime de la surveillance de masse. Au-delà des dénonciations, il me semble important de comprendre les ressorts de l’usage de nos traces, mais également de montrer les outils et les méthodes qui permettent de conserver une part de libre arbitre dans nos usages numériques. J’ai essayé de produire un ouvrage simple, instructif et compréhensible par tous et toutes. J’espère que vous prendrez plaisir à le lire.

On vient de le voir, mon smartphone laisse fuiter des données (par exemple mes déplacements) et mon ordinateur fait de même avec la liste des pages web que je visite. Ces données sont envoyées à des sociétés que je ne connais pas forcément, et les logiciels que j’utilise font sans mon accord des choses que je ne comprends pas. D’un certain côté, ça tombe bien : même moi qui suis diplômé en informatique, je n’ai guère envie de me plonger dans les entrailles de tous les logiciels que j’utilise. 

En effet, ce qui est important pour moi comme pour l’immense majorité des gens, c’est de pouvoir utiliser mon ordinateur et mon smartphone, pas de les bricoler ! Bien souvent, on se fiche de savoir comment fonctionnent les choses. C’est comme ma voiture : je ne veux pas avoir à soulever le capot. Moins je le fais, mieux je me porte.

Pourtant, je constate dans les sondages que la majorité des internautes s’inquiète de la vie privée en ligne.
Selon un sondage Pew 1, 91 % des internautes américains considèrent qu’ils ont perdu le contrôle sur la façon dont les entreprises collectent leurs données personnelles, et 80 % des utilisateurs de médias sociaux se disent inquiets du fait que des tiers, comme les annonceurs publicitaires ou des entreprises, puissent récupérer les données qu’ils partagent sur ces sites.

Mozilla publiait récemment 2les résultats d’un sondage réalisé dans plusieurs pays du monde, dont la France. Il en ressortait que 74 % des internautes considèrent que leurs informations sont moins protégées aujourd’hui qu’il y a un an. Le même pourcentage d’internautes adultes considère que les sociétés de l’internet en savent trop sur eux.

Clairement, il y a une forte inquiétude de nos contemporains quant au contrôle de nos données personnelles.

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