samedi 9 mars 2019

David Hamilton (1933 - 2016) Populaire et maudit à la fois...



La roche tarpéienne n'est jamais loin du Capitole lorsque souffle le vent de l'Histoire... Et le photographe le plus populaires depuis les année 1970, dont les livres se sont vendus à des millions d'exemplaires et les posters s'affichaient dans la chambre de toutes les adolescentes de l'époque, est aujourd'hui montré du doigt par ceux là même qui l'ont encensé pendant 40 ans...
  

  


David Hamilton, l'auteur de ces clichés maudits, naquit à Londres le 15 Avril 1933 et passa son enfance dans la capitale anglaise que la Seconde Guerre Mondiale l'obligea à quitter pour trouver refuge avec sa famille dans le comté du Dorset dont les délicats paysages inspirent encore aujourd'hui son oeuvre.

    De retour à Londres à la fin des hostilités il fut attiré un temps par l'architecture et la décoration, mais leur préféra la typographie et la mise en page pour lesquelles ses compétences lui valurent de travailler comme maquettiste pour la revue allemande Twen.
   

 Remarqué pour ses talents artistiques, le futur photographe est par la suite engagé à Paris comme graphiste au magazine Elle, et  finalement "débauché" à Londres par la revue anglaise Queen qui lui offre le poste de directeur artistique alors qu'il n'a pas encore 30 ans. Est ce parce que cette fonction l'amène à critiquer les clichés des autres qu'il achète précisément à ce moment là son premier appareil photo? Nul ne le sait, mais c'est en tous cas à cette époque qu'il fait ses premières expériences d'amateur dans ce domaine. 



    Cependant, si les fonctions qu'il occupe dans la capitale anglaise lui conviennent en tous points, elles ne le satisfont pas pleinement car Paris qu'il a appris à aimer lors de son premier séjour lui manque... Et il choisit d'y retourner dès que l'occasion se présente, c'est à dire lorsque s'offre à lui le poste de directeur artistique des grands magasins du Printemps.

    Un changement qui va affecter son activité de photographe et lui donner une autre dimension, car c'est en France qu'il commence à vendre des clichés et à se faire connaitre dans le milieu de la profession où ses images si particulières lui apporteront très rapidement succès et renommée.




     Car David Hamilton a inventé un style nouveau, reconnaissable entre mille, et tandis qu'il collabore déjà avec Nina Ricci ou Chanel, les plus prestigieux magazines internationaux se disputent ses photos (Réalité, Twen, Photo etc...) dévoilant un monde à la sérénité bucolique, nostalgique, mais éternel.

    Du chaos visuel il choisit ce qui le touche: la pureté, la fraicheur, la simplicité, l'innocence; et qu'il photographie des paysages, des bords de mer, des natures mortes, des fleurs ou des adolescentes, il leur donne à tous cette qualité de rêve, sorte de vision d'un Paradis perdu.




    Dès son premier livre, Rêves de jeunes filles (1971), il dévoile ce style fait de fleurs, de dentelles, de souples capelines et de jeunes filles nimbées de voiles diaphanes, avec un raffinement esthétique qui donne à ses images une qualité intemporelle. Aucune trace du monde moderne ne s'incruste dans ces compositions harmonieuses et ses photos prennent l'apparence de véritables toiles impressionnistes grâce au flou artistique dont il les habille, un effet si souvent imité depuis et qui est resté sa signature.





    (Afin d'obtenir cette ambiance vaporeuse début de siècle on dit qu'il fixait un bas nylon sur l'objectif de son appareil, ce qu'il a toujours persisté à nier... Mais sans jamais rien révéler de son secret... On sait toutefois qu'afin de contrôler parfaitement l'éclairage il travaille à l'aube ou au crépuscule quand la lumière est douce, et en décors naturels).





 Combinaison parfaite de sa maitrise de la lumière et de la couleur, ses images évanescentes ne cessent d'exprimer son admiration de la beauté sous toutes ses formes et font de lui avant tout un esthète projetant sa vision subjective de la réalité: La photo selon lui est issue de la peinture, il tient délibérément à rester dans ce champ et son second album paru en 1972 consacré à la danse lui vaudra même le titre de "Degas de la photographie".








  A travers les étoffes légères et les couleurs pastels La Danse nous fait vivre des moments de rêve avec toujours la même perfection dans l'art d'exprimer l'inexprimable ou d'éterniser l'instant fugitif du mouvement parfait. Car c'est encore une fois pour le grand photographe la même quête de la grâce, de la beauté des corps et de l'expression: "La danse est le langage international. C'est l'ambassade de la paix, se servant du corps et du mime pour parler de l'âme" peut on lire dans la préface de Charles Murand.



    Au rythme d'un livre par an en moyenne, vendu chacun à des millions d'exemplaires (L'Age de l'Innocence paru en 1995 se vendit à 50.000 exemplaires à Londres la semaine de sa sortie), le photographe devient une véritable icône et expose dans tous les hauts lieux dédiés à l'Art, de New York à Tokyo, en passant par Hambourg, Milan et Paris où son oeuvre figure dans la collection de la Bibliothèque Nationale.

    Cartes postales, calendriers, posters, auxquels viennent s'ajouter 5 films et d'innombrables publications dans les magazines, font de lui l'un des artistes les plus populaires du moment, couronné de succès et universellement applaudi et apprécié.



     Mais voilà que 30 ans plus tard certaines de ces photos si admirées font scandale, mises à l'index par ceux qui les ont autrefois portées aux nues... Les très jeunes filles à la silhouette longiligne et au corps d'adolescente que le photographe en quête de beauté et d'innocence est allé chercher pour modèles en Suède, dédaignant les agences de mannequins trop sophistiqués, sont en effet regardées aujourd'hui d'un autre oeil...





   Car l'époque des années 70 où une société débarrassée de ses tabous ose la nudité, surtout pas érotique encore moins pornographique mais simple symbole d'une nouvelle liberté, cette époque qui célèbre avec ivresse un monde dont l'innocence retrouvée en fera un univers de paix et d'amour que reflètent les photos de David Hamilton, est aujourd'hui bel et bien révolue...



    Ces images, conçues et perçues avec enthousiasme lorsque s'ouvrirent ces horizons, ne reçoivent plus du tout aujourd'hui le même accueil... Les regards ont changé, l'oeil s'est perverti et les affaires de pédophilie sont passées par là : Peut on, après les sordides histoires dont nous abreuvent les médias, feindre encore l'innocence d'un temps révolu et partager avec Hamilton ce pudique et candide goût des jeunes filles tout juste en fleur?


  Même si, comme il le fait lui même remarquer, il n'eut jamais aucun problème avec la censure, ses photographies de jeunes blondes dénudées n'en ont pas moins semé leur lot de soupçons, et malheureusement terni sa gloire (Tout en étant de véritables nus artistiques pleins de goût et de délicatesse, ce que l'on ne saurait dire de toutes les images plus ou moins vulgaires qui envahissent notre vie quotidienne apparemment avec l'approbation générale).





 Si en France, pays moins puritain, la réaction est beaucoup plus modérée, la situation en Amérique du Nord et en Grande Bretagne a pris parfois des proportions considérables... Dans les années 1990 aux USA, les conservateurs chrétiens s'en prirent avec violence aux librairies qui vendaient les albums de David Hamilton, l'accusant de pornographie enfantine et de pédophilie, et en 2005, un policier du Surrey alla jusqu'à déclarer officiellement que l'oeuvre du photographe avait été mise à l'index au Royaume Uni et que tout détenteur de l'un de ses livre s'exposait aux sanctions de rigueur... Le journal Le Guardian s'emparant de l'évènement titra dans son édition du 25 Juin 2005 : "Les photos de David Hamilton sont-elles de l'Art ou de la pornographie?"




     (Aucune décision de la sorte n'ayant été bien évidemment prise par un quelconque tribunal, la police du Surrey fut alors forcée de faire, pour les allégations infondées du "constable"  Simon Ledger, des excuses formelles qui parurent dans le British Journal of Photography -Septembre 2005)


     Glen Holland, le porte parole du photographe de 77 ans qui vit aujourd'hui à Saint Tropez répond simplement à tout cela "Nous sommes profondément attristés..."



    Pour ceux qui le croyaient disparu David Hamilton a publié en 2007 un album regroupant 20 ans de photographies qui retracent un paradis perdu, que ce soit des paysages, des natures mortes ou des portraits de jeunes femmes.

  Tous les éditeurs américains refusèrent de publier le livre, ceux là mêmes qui dans les années 1970 les vendaient à plus d'un million d'exemplaires chacun... et en France les éditions La Martinière n'en tirèrent seulement que 8000 copies. 

    A trop vouloir célébrer les Chants de l'Innocence David Hamilton a été rattrapé  par ceux de l'Expérience... Et libre à chacun, en effet, de regarder son oeuvre selon ce qu'il souhaite y voir... Mais, quoi qu'il en soit, celui qui a su capter et maitriser la lumière fixant la fragilité de l'existence grâce à ses images nimbées de flou, renverra toujours avec une extrême sensibilité artistique et une profonde délicatesse à cette même idée de la beauté éternelle, et mérite pleinement la place qu'il s'est acquise auprès des plus grands photographes.

http://leschaussonsverts.eklablog.com/david-hamilton-1933-populaire-et-maudit-a-la-fois-a2077570


C’est le plus dur, avoua Mac. Tout le monde nous hait. L’ennemi, et les nôtres. Si nous remportions la victoire, Jim, les nôtres nous tueraient. Je me demande pourquoi nous insistons ! Dormons, va !

" En un combat douteux " par John Steinbeck ( 1936 )

http://enuncombatdouteux.blogspot.com/2017/08/en-un-combat-douteux-par-john-steinbeck.html

2 commentaires:

Vicky a dit…

J'ai beaucoup apprécié lire ce texte retraçant la vie de Mr David Hamilton dont j'ai collectionné,lorsque j'étais moi même ado à l époque, les posters, les cartes postales, les extraits de revues, les puzzles et autres beaux livres de l'excellent photographe qu il a été. Merci à vous de lui rendre hommage. Vicky

Vicky a dit…

J'ai beaucoup apprécié lire ce texte retraçant la vie de Mr David Hamilton dont, à l'époque lorsque moi même j'étais ado, j'ai collectionné les posters, cartes postales, puzzles, articles de revues et autres beaux livres que je détiens encore dans ma bibliothèque. Alors merci à vous monsieur pour ce beau travail de mémoire. Vicky

Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ?

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Le pessimiste pense que malheureusement c'est vrai.