dimanche 9 juin 2019

L'accident de Three Mile Island : TRANSCRIPTION DES ENTRETIENS DES MEMBRES DE LA N.R.C.


 L'accident de Three Mile Island près de Harrisburg, Pennsylvanie,  s'est déclaré dans les toutes premières heures du mercredi 28 mars 1979. 

La gravité réelle et virtuelle de la situation a poussé la Commission de Réglementation Nucléaire à instaurer une permanence presque aussitôt.
L'atmosphère était plutôt à la confusion.

 La permanence, établie du début à la fin de l'événement, n'a été qu'une succession chaotique informe et souvent interrompue d'entretiens. Par la force des circonstances, bon nombre de réunions spécifiques se sont tenues hors des salles de conférence prévues à cet effet, et où se trouvait le matériel d'enregistrement utilisé d'habitude.

 Les responsables de la NRC et de la centrale allaient et venaient en fonction des tâches qu'ils avaient à accomplir et de l'évolution de la situation sur le site. L'enregistrement des discussions s'est fait principalement sur magnétophone à cassettes. La transcription en est ponctuée de références faites par les transcripteurs à des passages " inaudibles " et " brouillés ".  


Lee Gossick (Chef des Opérations) : " Bill (Dorie, de l'administration), la situation est en train de se dégrader ici, pour ce qui est des dégagements radioactifs. Le gouverneur nous demande de confirmer ce qu'il apprend de la centrale, le chef de la centrale dit qu'il y a une émission incontrôlée d'effluents qui pourrait donner jusqu'à 1200 millirems/h. Ils prévoient de..."

Dorie : " Mr Gossick, pouvez-vous rester en ligne une seconde, que j'aille chercher John ? "

Gossick :" Chercher qui ? "

Dorie : " Je veux juste aller chercher John Austin (Bureau des Etudes Spéciales), une seconde. "

Gossick : " Bon, dépêchez-vous. "

Doris :" Bon. Allez-y. J'enregistre. D'accord ? "

Gossick : " D'accord. Bon, j'ai téléphoné à John Ahearne et j'ai essayé de joindre le Président; il est quelque part en route. Je vais appeler Kennedy. Pouvez-vous en faire part à Gilinsky et à Bradford ? Nous venons de frapper à toutes les portes à la Situation Room (Salle où peuvent se réunir les membres du Gouvernement en cas d'événement imprévu) de la Maison Blanche et au Department of Energy et à tout le monde, O.K. ? "

Dorie : " D'accord, Monsieur, j'ai compris. "

Gossick : " Très bien. Pourriez-vous aussi dire au Congressional Affairs Office (Bureau des Affaires du Congrès.) de se mettre à pied d'oeuvre et de prendre contact avec nous pour qu'ils puissent commencer à avertir la Capitale ? "

Dorie : " Bien. On va le faire. "

Gossick : " Merci. "

(fin de la conversation téléphonique).

(Conversation téléphonique avec Harold Denton, directeur de la Réglementation des Réacteurs Nucléaires, et Lee Gossick, à 9h37 du matin).

Denton : " ils en sont à 63 curies par seconde, et je ne peux pas entrer dans l'explication des calculs mathématiques, mais si ce qu'ils disent est vrai, par comparaison avec ce que nous savions être le débit de rejets au moment de l'arrêt et les mesures effectuées à la porte nord, et ceci remonte à hier, elles étaient du même ordre de grandeur qu'hier, ce qui nous amènerait à quelque chose comme 1200 mrem/h, chiffre que je viens de donner à quelqu'un, il y a un instant. "

Kennedy : " (Commissaire de la NRC). A quel endroit ? "

Denton : " Bon, vous savez ce que c'est que le vent et le débit de dose va diminuer avec la distance; bien sûr, 1200 "

Kennedy : " Ce serait 1200 au pylône ? "

Denton : " Oui, Monsieur, c'est juste. Puis cela diminuerait, bien sûr, en s'éloignant. Nous essayons d'imaginer ce que nous pourrions dire au gouverneur (Thornburg de Pennsylvanie), qui insiste pour avoir des informations précises de la part de la NRC sur les mesures d'évacuation qu'il doit prendre. "

Gilinsky:" (Commissaire de la N.R.C.) Bien, il faut que je vous demande, le fait que vous multipliez (le niveau de rejets) par 20, cela veut-il dire que le niveau de rejets touchant les communes les plus proches soit 20 fois supérieur à ce qu'il était hier dans la centrale ? "

Gossick : "Oui, c'est ce qu'ils disent. " (...)

Joseph Fouchard : " (Affaires Publiques). C'est Joe à l'appareil, Monsieur le Président. Je viens de recevoir une communication de mon correspondant, au bureau du Gouverneur; les informations que celui-ci obtient de la centrale sont ambiguës et il aurait besoin des recommandations de la NRC. "

Denton : " C'est vraiment difficile d'obtenir des données. On a l'impression de les recevoir après coup. Ils ont ouvert les soupapes ce matin, ou le circuit de décharge (du CCV) et ils laissaient s'échapper une activité de 6 curies/sec, avant que quelqu'un ait été informé. Au moment où nous étions prêts à régler le débit, ils avaient apparemment arrêté; il y avait eu un possible relâchement durant environ une heure à une heure et demie. "

Gilinsky : " Ce, à partir de l'enceinte de confinement ? "

Denton : " Disons, c'était de l'eau du réfrigérant primaire provenant de l'enceinte elle a apparemment été rejetée dans la station de traitement des effluents radioactifs ou le bâtiment des auxiliaires nucléaires et elle s'est dégazée avec rejet par le circuit normal. Nous calculons des doses de 170 mrem/h à 1,5 km, de la moitié à 3 km, et d'environ 17 à 8 km. Les rejets ont apparemment cessé maintenant; je dirai pourtant qu'une bouffée de rejets se dirige vers le nord-est; il faut attendre pour voir. Nous avons bien conseillé à la police locale d'évacuer la population à 8 km, mais quant à savoir s'ils y sont vraiment parvenus, il nous faudra..."

Bouchard :" Bon, il faut que le Gouverneur donne son autorisation et il attend de nous des recommandations. "

Ahearne (Commissaire de la NRC) : " Harold, les renseignements que vous avez indiquent qu'il y a eu dégagement pendant deux heures environ et que vous avez mesuré l'activité en curie de l'eau et que tous vos autres calculs sont..."

Denton : " Non, l'activité en curie de l'eau est déduite d'autres mesures, mais le débit de décharge Il est très difficile de savoir quelle quantité d'eau a véritablement été rejetée ou quelle en était la radioactivité. Vu l'eau répandue là-bas, vous pouvez vous attendre à ce que le rejet en résulte. "(...)

 Denton : " Oui, je pense que l'important en matière d'évacuation de population pour devancer le panache serait de s'y mettre au lieu de rester ici à attendre la mort. Même si nous ne pouvons minimiser la dose de rayonnements par individu, il y a peut-être encore une chance de limiter la dose pour la population globale. "

Gilinsky : " Que leur ont-ils dit; c'était pour le secteur nord-est ? "

Hendrie : " Oui. "

Bradford : " Il faudrait préciser que vous ne parlez pas de doses létales. "

Hendrie : " Harold, la recommandation en matière d'évacuation était bien pour cette direction, non? Nord-est ? "

Gossick : " Oui, mais avec un vent très, très léger, il faudrait y regarder de plus près pour trouver de quel secteur il s'agit. "

Denton :" Mais les gens du site sont manifestement mieux placés que nous pour diriger et mettre en oeuvre des mesures d'urgence et j'espère bien que les agents de la centrale et nos collaborateurs surveillent vraiment ce qui se passe là-bas et passent aux actes à tout instant. Le chiffre que nous avons donné était estimé avec un facteur de 60 et établi avec certaines caractéristiques de la centrale.

 J'ai tout l'impression que nous travaillons toujours en seconde ou troisième main, que nous avons toujours une longueur de retard sur eux. Il faudrait presque envisager que le Président parle au propriétaire de la boutique et trouver quelqu'un de la société qui nous informe des événements à l'avance, s'il est en mesure de le faire, et nous dise quelles mesures il va prendre. "

Gilinsky : "J'ai l'impression que nous aurions intérêt à faire en sorte d'obtenir des renseignements plus précis. "

Fouchard : " Le Gouverneur compte bien là-dessus, Monsieur le Président. Je pense que vous devriez appeler le Gouverneur Thornburg pour lui dire ce que nous savons. Je ne sais pas si vous êtes d'ores et déjà prêts à faire une recommandation de la Commission ou non. Les envoyés de la Protection Civile sur les lieux disent que les responsables des State Programs (Programmes d'Etat) ont conseillé l'évacuation sur une distance de 8 km dans la trajectoire du panache. Je pense que la Commission aurait tout intérêt à se mettre en rapport avec le Gouverneur et ce très rapidement. "

Fouchard : "Ne croyez-vous pas que par précaution, il vaudrait mieux évacuer un peu les lieux ? "

Hendrie : " Sans doute, mais je dois avouer que c'est agir totalement à l'aveuglette, et je ne crois pas le moins du monde que, si nous ordonnons une évacuation de la population d'un endroit où ils ont déjà absorbé une dose, les gens aient à se déplacer vers une zone où ils n'en auraient reçu qu'un dixième, mais où ils seront susceptibles d'en recevoir ultérieurement dix fois plus. "

Gilinsky : " Doit-on estimer qu'il faille continuer de procéder à des relâchements répétés, maintenant encore ? "

Denton :" J'ai sans doute tendance à penser que si vraiment ils n'ont pas mis un terme aux émissions de gaz il y a une demi-heure, il est probablement préférable de s'en remettre aux opérateurs du site - le panache n'a-t-il pas eu l'occasion de redescendre à ces niveaux. "

Ahearne :" Mais, Harold - comment peut-on être assuré qu'ils ne s'embarqueront pas dans la même affaire ? "

Denton : Rien ne m'autorise à croire que ce scénario ne puisse se reproduire. Et pourtant je ne comprends pas la raison de ce qui se passe actuellement. " (...)

Fouchard : " Monsieur le Président, je ne crois pas y-a-t'il quelqu'un qui ne soit pas d'accord sur le fait que nous devrions conseiller au Gouverneur ce qu'il y a lieu de faire ? "

Denton : " Pour ma part, je suis d'accord. Simplement à partir de ce que nous savons. C'est une bonne première mesure. "

Hendrie : " On commence à évacuer ?" ( ...)


Bouchard : " J'ai réussi à trouver une ligne libre au bureau du Gouverneur, à partir d'ici; mon correspondant est au bureau de l'attaché de presse. Est-ce que je peux dire - toucher un mot au Gouverneur - qu'il aura de vos nouvelles très bientôt ? "(...)


(On arrive enfin à joindre le Gouverneur Thornburg par téléphone : 1047).

Thornburg : " Président Hendrie. "

Hendrie : " Gouverneur Thornburg, heureux de pouvoir enfin vous joindre. Je suis ici avec les membres de la Commission. Je dois avouer que la qualité de nos informations n'est pas bien meilleure que la vôtre, si j'ai bien compris. Il nous semble qu'il serait souhaitable de suggérer aux gens habitant dans le secteur nord-est, dans un rayon de 8 km à partir de la centrale, de rester chez eux dans la demi-heure qui vient. 

Nous avons un avion de surveillance à l'oeuvre et il semble que nous ayons une ligne disponible pour le joindre nous devrions donc avoir des informations dans les dix ou quinze minutes à venir. Ils pourront nous dire s'il serait avisé de faire procéder à une évacuation de la population dans cette direction. "

Thornburg : " Bon, ce que vous recommandez pour l'immédiat serait que les gens restent chez eux ? "

Hendrie : " Oui, pour ceux qui se trouvent dans la direction nord-est de la centrale. "

Thornburg : " La direction nord-est de la centrale sur une distance de ? "

Hendrie : " Sur une distance d'environ 8 km. "

Dorie : " Gossick est en ligne, il a les tous derniers renseignements. "

Hendrie : " Gouverneur, je viens d'avoir une communication de notre Centre de renseignements. Si nous pouvions rester en communication avec vous, un instant, laissez cette ligne libre pendant que je me branche sur une autre pour voir ce qui arrive." (...)


Coitchlow : " Oui, Tom Jarowsky a déclaré qu'il était apparu une bouffée, il y a environ une heure, et que les doses hors site étaient au maximum de 14 mrem/h. Ces chiffres sont maintenant au dessous de 1,5 mrem/h et continuent à diminuer. Il déclare que les autorités de Washington ont peut-être été mal informées lorsque - avez-vous quelqu'un dans votre entourage du nom de Collins qui a conseillé à notre Directeur de la Protection Civile de faire évacuer la population à 9h15 du matin ? 

Le vent reprend de la force maintenant, selon Jarowsky, et le panache devrait se dissiper pour le moment, il n'estime pas nécessaire d'évacuer. Il nous a déclaré qu'il était maintenant indifférent que les gens restent chez eux ou non. Je crois que c'est la fin. "

Hendrix :" Bien, je pense que vous n'avez sans doute pas tort. Suggérer aux gens de rester chez eux relève sans doute plus de la précaution que de l'impression d'un danger réel. "

Thornburg : " Puis-je vous demander, nous sommes donc aussi sur la même piste ici. Nos renseignements vous viennent-ils d'un certain Dr Galinna du site ? "

Hendrie : " Je ne saurais pas vous dire. Je n'ai pas demandé qui c'était en particulier, Monsieur le Gouverneur. Ce rapport envoyé à nos correspondants sur le site à partir d'un vol de l'ARMS, a été retransféré par une liaison itinérante que notre équipe d'inspection s'était assurée auparavant. Il est passé entre plusieurs mains et je n'ai pas entrepris d'en rechercher le cheminement et d'en retrouver la source. " (...)


Thornburg : " Monsieur Collins, votre agent du centre d'Exploitation avait-il de bonnes raisons de donner l'ordre d'évacuer la population à 9h15 du matin et de le recommander, ou tout ceci n'est-il le fruit que d'informations erronées ? Il est vraiment très important que nous le sachions. "

Hendrie : " Je peux retourner vérifier, Monsieur le Gouverneur, mais je ne peux pas vous répondre pour l'instant. Je ne sais pas. "

Thornburg :" Oui. Nous ne vous demandons pas de porter un jugement. "

Hendrie : " Oui, je ne sais pas. "

Thornburg : " D'accord. Cela nous serait d'un grand secours, car si nous recevons d'autres recommandations de ce genre, il nous faut vraiment savoir sur quoi elle sont fondées. Sait-on l'heure exacte de l'émission de gaz ? "

Hendrix :" Je doute que nous ayons beaucoup de précisions. Cela a dû se passer ici vers 6h40 ce matin. Il y a eu une série de onze ouvertures de soupapes de sûreté et un relâchement par le système de ventilation; au total, tout ceci a constitué les dégagements qui se sont produits. Je pense qu'ils sont censés avoir pris fin depuis quelque chose comme une demi-heure, une heure. "
Thornburg : " Donc, à partir de 6h40, jusqu'à ? "

Hendrix :" Peut-être 8h30 ou quelque chose de ce genre. "

Thornburg : " Avons-nous l'assurance qu'il n'y aura plus du tout d'émissions radioactives ? "

Hendrie : Non, et c'est là un point particulièrement important dont je voudrais vous parler. Pour autant que je puisse en juger à partir du type d'informations qui m'arrivent de la centrale, il n'est pas établi clairement qu'on ne puisse pas se retrouver dans la même situation. Je pense que la situation ne se représentera pas sans que nous le sachions tous à l'avance et soyons prêts à imaginer ce qu'il pourrait y avoir à faire. Mais à mon avis, il n'est pas du tout exclu que cela se reproduise. " (...)

Voix au téléphone : "Voulez-vous rester en ligne pendant que nous allons voir. "

Hendrie : " Bob, pendant que je vous ai au bout du fil..."

(manifestement une autre conversation téléphonique entre le Président et Robert Wallace) 

Hendrix :" Je viens de parler au Gouverneur, il y a quelques minutes, et lui ai recommandé, puisqu'on ne sait toujours pas si les émissions radioactives vont se poursuivre, si des explosions sont possibles, etc. d'évacuer par précaution les enfants d'âge préscolaire et les femmes enceintes, etc. ce qui pourrait être utile sur, ah, disons, 8 km, à partir de la centrale. 

Et je crois qu'ils vont probablement passer aux actes. Ils avaient déjà demandé aux gens de la région de rester chez eux ce matin et arrivaient à un point où ils leur a fallu modifier l'instruction et donner le choix, entre sortir et rester à l'intérieur. J'ai recommandé qu'ils fassent déplacer les enfants et les femmes enceintes et que les autres restent dans leur maison. Donc vous êtes au courant. Vous n'avez rien à faire en la matière, mais..."

Wallace : " O.K. nous essayerons de remettre ça dans quelques minutes. "

(conversation téléphonique entre Denton et les Membres de la Commission).

Denton : " A regarder la quantité de renseignements quand vous vous éloignez de la centrale de 1,5 km environ, les chiffres sont très bas; le rapport de la vitesse du vent y indique une dispersion verticale mais non horizontale. " (...)


Gilinsky : " Pourquoi ne peut-on obtenir de meilleurs renseignements de cet hélicoptères. Est-il en vol ou non ? "

Case :" Je ne sais pas (inaudible). On les a par radiotéléphone. "

Gilinsky : " Et ils les donnent à qui, à nos correspondants au sol ? "

Une voix : " Oui, à notre camionnette. "

Gilinsky : " Et nous sommes en contact avec notre camionnette ? "

Voix : " Oui, nous sommes en contact avec eux. "

Gilinsky : "Alors, pourquoi ne peut-on obtenir directement des relevés au fur et à mesure qu'ils circulent ? "

Voix : " Nous ne sommes pas en liaison directe avec l'avion. Mais nous obtenons les renseignements de la camionnette. Nous les dégrossissons, les inscrivons sur un morceau de papier et nous nous les téléphonons. " (...)


Kennedy : " Et quel serait le résultat ? "

Case :" Le problème, c'est que le coeur de votre réacteur est très endommagé et il va être soumis à de nombreuses forces hydrauliques. "

Kennedy :" Et vous ne savez pas ce qui va en résulter pour tous les autres éléments ? "

Case :" Exactement. "

Gilinsky :" Pourquoi les forces sont-elles plus grandes si vous passez à un autre mode de refroidissement ? "

Case : " Parce que vous ouvrez la soupape de décharge et que vous introduisez autant d'eau que possible là-dedans. Or, l'un des problèmes est de savoir dans quelle mesure vous pourriez commander ce mode de fonctionnement. Il n'est pas prévu pour être commandé; il est conçu pour fonctionner à plein débit. Le mode choisi pour le coeur n'est pas celui pour lequel il a été conçu. "


(Puis une discussion eut lieu entre diverses personnes pour savoir qui se rendrait sur le site de Three Mile Island par hélicoptère ou par avion, et qui serait le plus apte à prendre les dispositions pour le transport).


(Début d'une autre conversation téléphonique entre la Commission et le Directeur de la Division des Systèmes de Sécurité, Roger Mattson, 12 h 40).

Hendrie : " Roger! "

Mattson : " J'ai Ed (Case) sur une autre ligne. Allez-y. "

Hendrie : " Bon, vous pouvez me dire ce que c'est que ce transfert? "

Matsson : " D'accord. On est apparemment stabilisé pour le moment à une pression de 1000 PSI, un peu plus, 280° pour la température d'admission. Les thermocouples sont...

Hendrie :  " Relève-t-on les mêmes mesures à la sortie du réacteur? "

Mattson : " Nous n'avons pas de mesures à la sortie du réacteur et ce, depuis deux jours. Tout ce que nous avons, ce sont les thermocouples au-dessus du coeur, nous en avons 52 moins deux qui sont hors échelles. Ceux-ci, j'étais en train de vous le dire, marchent très bien, mais après avoir oscillé ils semblent s'être stabilisés au cours des douze dernières heures et nous pouvons dire que tous les thermocouples dont on a relevé les mesures, soit 50 sur 52, sont, soit en train de baisser, soit stationnaires. 

L'un d'eux continuait à monter, il y a encore six heures environ, et a approché le point maximum d'enregistrement du système, puis il s'est brusquement remis à osciller. Ceci demeure l'assemblage le plus chaud dont nous ayons une mesure. Ceci montre que la température mesurée par le thermocouple - et nous avons tendance à leur faire crédit - est de 100° au-dessus de la dénaturation. "

Hendrie : " Est-ce le relevé maximal? "

Mattson : " oui, c'est le maximum. "

Hendrie :  " Qu'en est-il des deux autres hors mesure. Y-a-t'il eu..."

Matsson : " La demande faite aux agents de la centrale d'essayer de prendre des relevés potentiométriques sur ces thermocouples, cette demande est restée en suspens pendant, je ne sais pas, quinze heures, et on n'en entend plus parler. "

Hendrie :  " Ils semblent plutôt occupés. "

Mattson :  " Il y a un problème, entre parenthèses, pour trouver trace de ces foutues mesures sur le tableau arrière, et ils ne les retrouvent pas. On trouve donc des gens occupés à autre chose et le travail n'est pas fait. C'est le seul assemblage, pour l'instant, qui ait dépassé le niveau de saturation. Il y en a eu quelques autres, mais ils sont redescendus. Il y en a eu peut-être cinq autres au cours des douze dernières heures, ils sont redescendus. 

Tous ces thermocouples, sauf un, semblent stables. Ils ne sont pas erratiques. Il y a quelques températures que nous pouvons expliquer en général; la périphérie du coeur est froide, à peu près à la même température que la température d'admission du réfrigérant. Il y a un de 10 degrés qui indique qu'ils sont refroidis. Il y a environ 57 assemblages, approximativement au centre du coeur, qui présentent des températures plus élevées, quelques-unes atteignant, oh, un de 150-160 degrés, toutes comprises pourtant dans les limites de la saturation. 

Deux assemblages sont juste au niveau de la température de saturation. Il y a donc probablement ébullition dans ces assemblages. D'autre part, Babcock et Wilcox et nous-mêmes, avons tous conclu il y a quelques heures - peu après minuit - que le coeur est largement endommagé, ce que corroborent les rejets qui nous sont indiqués sur des TID (document d'information technique) et peut-être pire, comme me le laissent entendre les gens de la radioprotection. 

A mon avis, le coeur est resté découvert longtemps. Nous avons des types de défaillances qui n'ont jamais été analysés. Il ne s'agit pas d'un Loca (accident par perte de réfrigérant) - plutôt une sorte - de gonflement de rupture, d'oxydation près du sommet de l'assemblage. Nous venons d'apprendre que l'après-midi du premier jour, quelque dix heures après le transitoire, il y a eu un pic de pression dans l'enceinte à 1,93 bar. 

Nous pensons que cela peut résulter d'une explosion d'hydrogène. Ils n'en ont jamais fait état ici jusqu'à ce matin, pour une raison que nous ignorons. Cela nous aurait mis sur la piste, il y a quelques heures, que les indications des thermocouples étaient justes et que nous avions un coeur en partie désassemblé. Tant qu'ils en resteront au même point que maintenant, ils montrent depuis vingt-quatre heures ou plus qu'ils peuvent contrôler ces températures, et ceci généralement dans le sens de la baisse.

 Il faut reconnaître que l'état du coeur est stable et tend à s'améliorer si l'on s'en tient au transfert de chaleur. Il faut cependant reconnaître aussi qu'il est encore dynamique. Des altérations continuent de s'y produire avec un système habituellement stable. Il s'y produit encore certains changements de débit entre les assemblages. O.K. Le problème est le suivant comment faire baisser la pression? 

La meilleure estimation faite par nos agents d'exploitation consiste en un calcul simple, leurs ingénieurs et nous-mêmes avons fait les mêmes calculs, Pl V1 égalent P2 V2. Vous prenez quelques pressions et volumes, puis calculez le volume de la bulle dans cette cuve avec une approximation de 30 %, en prenant deux données et c'est tout. C'est de l'ordre de 1000 cu.ft (28m3). 

La seule façon dont nous puissions expliquer ce phénomène est qu'il s'agit essentiellement d'hydrogène, et bien sûr, beaucoup d'hélium, l'hydrogène étant probablement fabriqué par décomposition radiolytique, ce qui serait infime et la seule façon d'expliquer la taille de cette bulle serait une quantité phénoménale de réaction avec l'eau. Ils n'arrivent pas à faire disparaître la bulle. 

Ils ont essayé de recycler, de pressuriser et de dépressuriser. Ils ont essayé la convection naturelle, il y a deux jours ils ont été en circulation forcée; ils ont évacué la vapeur du pressuriseur; ils ont évacué le liquide du pressuriseur; la bulle reste. Elle n'est sans doute pas explosive, mais c'est difficile à dire. 

Elle serait peut-être un peu explosive du fait de la décomposition radiolytique, mais nous pensons plutôt que cela provient d'une réaction eau-métal; parce qu'il y a un bon écoulement d'eau dans le coeur, et que c'est encore un coeur à circulation libre, même s'il y a des obstructions, il n'y a probablement pas maintenant de réaction eau-métal, sans doute du fait que le coeur est en situation dynamique. "

Hendrie : " Où se trouve la bulle à peu près? "

Mattson :  " La bulle est dans la partie supérieure de la cuve. Le volume de cette partie est de 1128 cu.ft. (32 M3), pour autant que nous puissions le dire. L'évaluation du gaz contenu dans ce volume est de 1000 cu.ft. (28 M3), Sous toutes réserves. Et à 1000 PSI (69 bar). Si vous faites passer l'installation à 200 PSI (14 bar), alors..."

Hendrix : " Oui, vous allez purger complètement et vider le coeur."

Mattson : " Cette bulle sera alors de 5000 cu.ft. (140 m3). Le volume disponible dans la partie supérieure et les canes à sucre - C'est-à-dire les branches chaudes - est de l'ordre de 2000 cu.ft (56 m3) au total. Il me reste 3000 cu.ft. (84 m3) en trop de gaz incondensables. J'ai comme une course de chevaux. 

Je suis en partie haute (du réacteur), et si je fais baisser la pression en partie basse et dans le réfrigérant, la bulle arrive dans la branche froide, descend dans la partie inférieure, passe à travers le coeur, flashe et rejoint les gaz incondensables; j'ai un coeur partiellement rempli, ou peut-être même entièrement rempli de gaz incondensables. Ceux-ci essayeront alors de s'échapper du pressuriseur et le pressuriseur a une ouverture de 2in (5 cm). C'est tout ce que vous pouvez ouvrir. En outre, l'échauffement adiabatique est d'environ 31° F (16,1 °C) par seconde à ce niveau de décroissance. 

Nous avons tous les ingénieurs-système que l'on puisse trouver, non compris ceux qui sont dans l'hélicoptère, qui se torturent les méninges pour savoir comment on peut bien faire sortir les gaz incondensables de là-dedans; est-ce qu'on gagne la partie ou est-ce qu'on la perd? Et si vous avez de la chance et qu'il n'y a pas beaucoup de si vous avez surestimé la quantité de gaz incondensables, vous avez peut-être des chances de gagner. Si vous n'avez pas de chance et que l'on vous ait indiqué la quantité réelle, vous risquez de perdre."

http://www.dissident-media.org/infonucleaire/feuilleton.1.tmi.html


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