lundi 9 juin 2008

"Afrique 50" de René Vautier : Un an de prison pour un documentaire





Le ministère de l’Intérieur envoie une lettre à Vautier en 1997 :


  « On vous offre une copie du film, interdit il y a 46 ans, qui vous a valu un an de prison à cette époque, et diffusé maintenant dans plus de 50 pays étrangers, sous l’égide de notre ministère. Une commission a décrété qu’il était utile pour le prestige de la France de montrer, par ce film, que dans les années 50 existait dans notre pays un sentiment anti-colonialiste prononcé ».



En 1949, la Ligue de l'enseignement propose à René Vautier de réaliser un film montrant "comment vivent les villageois d'Afrique occidentale française". Ce film est destiné à être montrer aux élèves des collèges et lycées de France. En accompagnant une équipe de routiers éclaireurs de France, il doit ramener des images sur la réalité africaine, puis en faire un montage. Vautier arrive donc en Afrique à 21 ans, sans idées préconçues. Cependant, de son périple africain, sortira le premier film anticolonialiste français.  

Sur le sol africain, Vautier est accompagné par le gouverneur. Ce-dernier tend à conseiller à Vautier de filmer les ananas du jardin de l'Office du Niger, alors que le documentariste était plus intéressé par les galériens noirs qui manoeuvraient à bras les vannes d'une écluse d'un barrage qui alimentait en électricité les maisons des blancs, mais pas le barrage : les Nègres coûtent moins cher... 

Vautier est révolté par le vrai visage du pouvoir colonial. Pendant près d'un an, en partie accompagné par Raymond Vogel, il parcourt le Mali, la Haute Volta, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Burkina Faso. Et il filme, grâce aux Africains qui le protègent. De nombreuses péripéties marquent le tournage.

Les bobines sont ramenées par petits bouts, par des amis africains qui rentrent en France. De retour en métropole, Vautier les amènent à la Ligue de l'Enseignement, mais la police est là pour saisir les négatifs. Le Ministère de l'Intérieur les développe. Alors qu'il doit reconnaître avoir filmé chaque bobine, Vautier arrive à subtiliser 21 bobines (sur 60) en présence de policiers. Vautier fait le montage, puis la sonorisation en direct lors de la projection du film, en face du bureau du policier chargé de le saisir !

Le film a donc été monté et sonorisé, mais il n'existe pas, puisque c'est le Ministère de l'Intérieur qui est censé être en possession de toutes les bandes. Des copies sont tirées grâce à la complicité de la société Tirage 16. La première diffusion a lieu à Quimper, dans la salle du gymnase municipal, d'autres suivent à Brest, Lorient... puis dans toute la France par l'intermédiaire des mouvements de jeunes. Entre 600 et 700 000 personnes ont probablement vu ce film, lors de sa "sortie". (...)

Le ministère de l’Intérieur envoie une lettre à Vautier en 1997 :

  « On vous offre une copie du film, interdit il y a 46 ans, qui vous a valu un an de prison à cette époque, et diffusé maintenant dans plus de 50 pays étrangers, sous l’égide de notre ministère. Une commission a décrété qu’il était utile pour le prestige de la France de montrer, par ce film, que dans les années 50 existait dans notre pays un sentiment anti-colonialiste 




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