mercredi 5 juin 2019

" Suicide, mode d'emploi, Histoire, technique, actualité " par Claude Guillon et Yves Le Bonniec



Depuis quelques années, et de manière plus fréquente ces derniers mois, des personnes inconnues de nous ont pris l’initiative de mettre en ligne des versions pdf de l’ouvrage que nous avons publié en 1982 : Suicide, mode d’emploi. Histoire, technique, actualité.


Il n’est pas certain que ces personnes, et les hébergeurs concernés, aient bien compris qu’une telle initiative tombe sous le coup de la loi de 1987 réprimant la « provocation au suicide » et précisément toute information sur des produits ou techniques présentés comme étant de nature à entraîner la mort.
C’est pourtant le cas. Il suffira d’une tentative de suicide, même manquée, de la preuve, ou de la présomption du téléchargement, et d’une plainte d’un proche, ou du parquet. Que l’on ne vienne pas nous dire que ce concours de circonstance est peu plausible : nous avons vu bien pire.

Essayez de vous suicider, si vous avez la malchance de ne pas vous réussir sur le coup, ces cons de vivants mettront tout en œuvre pour vous refoutre en vie et vous forcer à partager leur merde.

Je sais que dans la vie certains moments paraissent heureux, c’est une question d’humeur comme le désespoir et ni l’un ni l’autre ne reposent sur rien de solide. Tout cela est d’un provisoire dégueulasse. L’instinct de conservation est une saloperie.

« Vive la mort », Chaval, reproduit in Carton, Les cahiers du dessin d’humour, n°2, 1975.

Le discours de la domination est obscène. Tant pour asseoir leur pouvoir que pour en jouir, les maîtres doivent montrer leur mépris.
La planète se couvre de centrales nucléaires et de silos atomiques. Des fascistes sud- africains aux rad socs français, tous vont répétant que la sécurité est à ce prix. Les peuples espéraient qu’au moins les maîtres sauraient préserver le jouet qu’ils leur abandonnaient. L’avenir de cette illusion se rétrécit chaque jour. 

Aux dernières nouvelles, on se contente, belle consolation, d’une guerre nucléaire « limitée ». On sait que le terrain est choisi, c’est l’Europe.

Au milieu de tous leurs tracas, les maîtres pensent encore à nous enseigner. Ils gardent des trésors d’étonnement douloureux et d’indignation devant certaines faiblesses auxquelles nous prétendons. Des sujets en grand nombre prennent, chaque jour, ce qu’il faut bien appeler la liberté de disparaître. Tout de bon ! Mais traiter du suicide autrement que par des lamentations (sociologiques, religieuses ou médicales), expose aux plus vives remontrances. 

Les maîtres qui tout à l’heure bricolaient le dernier mensonge sur le retraitement des déchets de La Hague, le risque de tremblement de terre à Pierrelate, ou la bombe à neutron, parlent soudain d’inconscience, d’irresponsabilité, et réclament qu’on pense aux victimes innocentes !

 Le suicide existe, c’est entendu : des gens se tuent, on s’en accommode ; mais de grâce, le silence ! La mort est une chose trop sérieuse pour être abandonnée à l’initiative individuelle. On s’occupera bientôt de fournir aux impatients une occasion de mourir utilement dans quelque scénario d’envergure.

Pensons outre ! Le droit de décider de l’heure et du moyen de sa mort n’a certes pas besoin du nucléaire pour se justifier. Il trouve néanmoins dans la perspective d’un massacre planétaire commandé une actualité supplémentaire. Il ne se réduit pas à cela. Plus que jamais, la violence collective est à l’ordre du jour contre le terrorisme d’état. Contre l’énergie nucléaire, brûlera l’énergie de la révolte. 

La connaissance de techniques fiables de suicide en sera un puissant adjuvant : « Il se peut que la vie de la plupart des hommes s’écoule dans tant d’oppression et d’hésitation, avec tant d’ombre dans la clarté et, somme toute, tant d’absurdité que seule une possibilité lointaine d’y mettre fin soit en mesure de libérer la joie qui l’habite. » (Robert Musil.)

Nous vivons en démocratie, on nous l’a assez dit. Tout le pouvoir au peuple ! L’idée naît dans l’Athènes de Périclès où, déjà, ni les femmes, ni les esclaves ne participaient à la vie de la cité. La démocratie est dès l’origine un bon mot sur le pouvoir. Elle n’est jamais que l’une des modalités de l’oppression, exercée depuis le XIXème siècle par la bourgeoisie industrielle. Il n’y a nulle part de « vraie », de « bonne », ou de « réelle » démocratie comme le croient les démocrates de gauche. La facilité avec laquelle ils décernent le label démocratique aux régimes qui assassinent les révolutionnaires emprisonnés (R.F.A., Espagne) en dit long sur un concept pestilentiel.

L’Etat démocratique réglemente les mœurs, les amours, les gestations. La loi, le droit de vie et de mort, pèse d’abord sur les corps, et singulièrement sur les ventres. Certains gestes, amoureux ou médicaux, sont prohibés. On peut vendre un film en affichant les seins nus d’une enfant de treize ans séduisant son beau-père, mais des gens sont en prison pour avoir aimé qui n’avait pas le sexe et/ou l’âge légalement requis.

On nous fera remarquer charitablement que les suicidaires n’attendent pas la reconnaissance d’un « droit au suicide » pour l’exercer. Il est d’usage chez les maîtres de feindre avoir toujours toléré de bonne grâce ce qu’en vérité ils n’ont jamais pu empêcher. Ils assuraient il y a peu que les femmes étaient bien libres d’avorter, les jeunes de faire l’amour, et pourquoi pas les gens de se détruire ? 

A les entendre, certaines lois ne seraient que vestiges surannés d’un passé rigide ; libre à chacun de les transgresser... à ses risques et périls. On joue bien un peu sa vie en usant de la queue de persil, on ne saurait forniquer sans procréer un jour ou l’autre ? Dame ! Ce sont les risques de la liberté ! Du « métier » dit-on parfois. Par malheur nous voulons tout : l’avortement sans risques ni trafics, le plaisir sans punition, et la mort nous la voulons sûre et douce. La liberté n’a pas de prix, et nous n’entendons pas payer celui de la souffrance. De l’affirmation du droit à une mort choisie, nous faisons une arme contre les voleurs de vie.

Pour l’essentiel, nous avons limité le cadre de notre étude à la France. Que le lecteur ne s’attende pas à trouver le pittoresque morbide qui fait l’ordinaire de la production livresque consacrée au suicide. On n’apprendra rien, ni sur le hara-kiri, ni sur les lemmings ; ni sur la secte de Jim Jones, ni sur les kamikazes. De même nous ignorerons délibérément Jan Palach, Montherlant, Manuel Pardinas, Romain Gary, Roméo et Juliette. (...)

La première moitié du siècle connaît une abondante production de littérature anti- suicide. Le ton en est donné par l’ouvrage de Jacques Bonzon : Guerre à l’immortalité. Criminels, suicidés et buveurs. Cet avocat parisien plaide pour le relèvement de la race : « Criminels, suicidés et buveurs : ces trois termes ne doivent plus se séparer ; ils désignent les trois manifestations les plus importantes mais non les seules de l’affaiblissement de notre race.» 

Il y a certes des différences entre suicide et crime, mais « ce sont les deux plus grandes atteintes qu’il soit possible d’apporter à la vie sociale. Non seulement chacun est contraire à la loi morale, mais chacun aussi froisse et meurtrit la loi écrite. » 

Soixante ans plus tard, le discours est à peine retouché : « Dans notre vie moderne il y a trois grandes sociopathies dont les sujets sont proches au point de vue psychique, antécédents, conditions de vie : le suicidant, l’alcoolique et le délinquant. » Le thème s’est pourtant « démocratisé », au sens où la gauche le reprend, pour condamner ou déplorer. 

Le suicide était une stratégie de la canaille dans sa lutte sournoise contre l’Etat, il est à présent dénoncé comme machine de guerre de la droite, et conséquence de sa politique. Le Monde titre : « Alcoolisme, chômage, suicide, trilogie de la détresse bretonne. » Dans une conférence de presse, le Syndicat National du Personnel de l'Éducation Surveillée énumère la drogue, l’alcoolisme, la prostitution, et « la recrudescence du suicide » comme autant de preuves de la volonté du pouvoir (de droite à l’époque) de « détourner les jeunes du terrain de la lutte ». 

Aux staliniens, comme à l’habitude, la caricature ! Le Travailleur, hebdomadaire du Parti Communiste du Val-de-Marne, résume à l’usage de ses lecteurs la teneur de Libération : « C’est ce journal qui appelle les jeunes à se droguer et qui présente le suicide comme le fin du fin de la lutte. – Volez, violez, droguez-vous, prostituez-vous, suicidez-vous – Voilà tout ce que Libération a à proposer aux jeunes. (...) Ces gens ne vous offrent que l’impasse, le désespoir et la pourriture pour perspective. Ils vous flattent, ils vous racolent comme les démagogues fascistes flattaient et racolaient la jeunesse allemande dans les années. » Et Le Travailleur de conclure ingénument : « Nous sommes les seuls à proposer du neuf, vraiment du neuf. » (...)

Le problème est résolu pour les pays où l’on ne se suicide jamais : la Chine, l’URSS (depuis 1925)... Pour les autres, les définitions, les modes d’enquête varient. La prédominance du catholicisme n’est sûrement pas étrangère aux faibles taux des pays latins. A l’intérieur même d’un ensemble statistique utilisant la même définition du suicide, l’interprétation des faits est loin d’être uniforme. 

Aux Etats-Unis, certains coroners ne l’admettent que lorsque le défunt a laissé un écrit établissant qu’il s’est donné la mort. Les statistiques officielles de l’Irlande (Eire) montraient un taux quatre fois inférieur à celui de l’Angleterre (pour 1968-1970). Une étude critique a réduit la différence à un facteur deux. On pourrait multiplier les exemples. On en déduira que les tableaux comparatifs qui prétendent classer les pays du plus au moins « suicidant » (avec des écarts sur de petits nombres) sont pour le moins sujets à caution. (...)

La conscience humaniste s’émeut des suicides de jeunes. Après la mort de Véronique, on cherche à comprendre. On ne trouve rien derrière les conseils de classe, on essaye du côté de la discipline. « Tout au plus un doigt noué à celui d’un camarade de classe, qui lui fut reproché par un professeur, mais, assure le professeur principal, surtout parce qu’elle ne l’avait pas dénoué lorsqu’elle en avait reçu l’ordre . » 

Ce sont les mêmes pédagogues (la musique de certains mots !) qui construisent des lycées, et les baptisent sans vergogne Louise Michel, ou Verlaine, ou Rimbaud, et qui ordonnent que les doigts se dénouent. Ils ne savent pas que Louise Michel provoquait à l’émeute, que Verlaine et Rimbaud s’enfilaient, oui M. le proviseur, entre deux exercices de français.

L’école tue, sans doute, et au Japon plus qu’en France. Là-bas, vingt-sept pour cent des gosses du jardin d’enfants, soixante pour cent des élèves du primaire et cinquante pour cent des lycéens fréquentent les « juku », cours de perfectionnement destiné à améliorer les chances de surmonter la sélection. Les autorités pensent qu’on peut voir dans ce système l’origine d’une augmentation (tout aussi immensurable qu’ailleurs) du taux de suicide chez les jeunes. Les autorités annoncent-elles la fin de l’école ? Non, on met sur pied des consultations psychologiques.

Ayant subi l’école, nous n’avons besoin de rien d’autre pour la juger. L’école tue, oui sans doute, comme la famille, et l’armée, et le reste. C’est de ne pouvoir vivre qui pousse à mourir. Bâtisseurs de ce monde, bâtonniers de l’ordre moral, quand vos enfants nous quittent, fermez-la ! Le cilice de papier journal que vous endossez à chaque occasion pour questionner poliment les institutions est obscène.

 Le suicide vous « interpelle » paraît-il ! Vous pensez comme des curés, vous parlez comme des sergents de ville. Vous tolérez les écoles, et même les prisons, vous en êtes les fourriers. Tout ce que vous demandez, c’est de pouvoir en parler de temps à autre dans vos hebdomadaires. École, prison, chômage, vous savez pourquoi on se tue paraît-il, et vous ne faîtes rien. Vous vous moquez éperdument que le système assassine, pourvu qu’il tienne. (...)

Bien des suicides sont des assassinats, des crimes sociaux, et dans tous les autres la responsabilité du système social est engagée. On peut dire cela, on a dit peu de chose. La société tue, elle rend malade aussi, et fou. Il n’est pas question pour autant de « lutter contre » la maladie ou la folie. A nous de reconnaître et de montrer dans la maladie, dans l’idée du suicide, la révolte du corps et de l’âme contre l’ordre. A nous d’en faire des armes.

Tout homme n’est pas notre frère, et nous nous soucions peu du sort de l’humanité. Nous combattons pour vivre, pour qu’il y ait une vie avant la mort, et seules les exigences pratiques de ce combat guident nos actes.

 Le 22 avril 1976, Michel Franchy se pend dans la cour du lycée agricole de Magny-Cours. Le long texte qu’il adresse aux journaux se termine par ces mots :
« Battez-vous avec votre force, votre volonté, votre corps, votre sexe, votre semblable. Ne me vengez pas, vengez-vous plutôt.
A suivre. »

“SUICIDE, MODE D’EMPLOI” SUR LE NET : AVIS DES AUTEURS

Gueule rougeDepuis quelques années, et de manière plus fréquente ces derniers mois, des personnes inconnues de nous ont pris l’initiative de mettre en ligne des versions pdf de l’ouvrage que nous avons publié en 1982 : Suicide, mode d’emploi. Histoire, technique, actualité.
Il n’est pas certain que ces personnes, et les hébergeurs concernés, aient bien compris qu’une telle initiative tombe sous le coup de la loi de 1987 réprimant la « provocation au suicide » et précisément toute information sur des produits ou techniques présentés comme étant de nature à entraîner la mort.
C’est pourtant le cas. Il suffira d’une tentative de suicide, même manquée, de la preuve, ou de la présomption du téléchargement, et d’une plainte d’un proche, ou du parquet. Que l’on ne vienne pas nous dire que ce concours de circonstance est peu plausible : nous avons vu bien pire.
Il importe peu que la plupart des informations contenues dans le dixième chapitre, intitulé « Éléments pour un guide du suicide », soient aujourd’hui, 27 ans après la publication initiale, obsolètes — la quasi totalité des médicaments ont été retirés de la vente ou placés dans une catégorie qui les rend plus difficile d’accès. Cela n’ôte, sur le plan pénal, aucun moyen aux autorités.
Ne connaissant pas les personnes à l’origine de ces mises en ligne, nous ignorons leurs motivations même si nous pouvons supposer que, dans la plupart des cas, elles ont à cœur de rendre disponible librement et largement un livre interdit de fait, puisque toute réédition y compris sur le Net tombe sous le coup de la loi de 1987.
Cependant, l’un des arguments avancé par l’initiateur récent d’une de ces mises en ligne mérite d’être réfuté. « J’espère, écrit-il [elle ?] que MM. Guillon et Le Bonniec ne me tiendront pas rigueur d’avoir agi sans leur permission ; je suppose que le problème des droits ne se pose pas (ou plus) s’agissant d’un ouvrage qui n’est plus en circulation. »
Supposition erronée.
Il existe trois cas de figure s’agissant des droits d’auteurs d’un livre :
a) L’ouvrage est disponible en librairies ; c’est alors l’éditeur qui possède les droits, que lui a cédés l’auteur.
b) L’ouvrage n’est plus disponible en librairies ; c’est alors l’auteur qui a récupéré les droits. Il en use librement, par exemple pour les céder à un nouvel éditeur. Il peut également, c’est le cas sur le site où vous vous trouvez, mettre en accès libre et gratuit un certain nombre de textes épuisés.
Auteur et éditeur peuvent se mettre d’accord pour mettre en ligne le texte d’un livre que l’on peut se procurer en librairies.
c) Le cas de figure évoqué — « le problème des droits ne se pose plus » — nécessite la réunion de deux conditions : 1. le décès de l’auteur ; 2. l’écoulement d’un délai de 70 ans après ce décès. On dit alors qu’un texte est « tombé dans le domaine public ».
Nous espérons que personne ne nous tiendra rigueur de ne pas être en mesure, à ce jour, d’indiquer la date de nos décès respectifs, lesquels seraient d’ailleurs d’un piètre intérêt, étant donné le délai postérieur imposé.
Résumons-nous :
Nous sommes seuls propriétaires des droits de l’ouvrage publié initialement par Alain Moreau en 1982 sous le titre Suicide, mode d’emploi.
Les textes et informations qu’il contient ne sont pas dans le domaine public ; seuls les auteurs peuvent décider de publier tel passage, dans sa version originale ou dans une version nouvelle.
Toute personne qui entreprend la diffusion du texte de l’ouvrage Suicide, mode d’emploi, sous quelque forme que ce soit, agit sans avoir sollicité auprès de nous un accord, que nous aurions nécessairement refusé puisqu’il nous aurait exposé à des poursuites en application de la loi de 1987.
(Ne sont pas concernés, au moins de notre point de vue, les exemplaires du livre original vendus par des libraires d’occasion, dont rien ne dit cependant qu’ils ne pourraient pas servir de prétexte à l’ouverture d’une information judiciaire.)
Les personnes qui organisent une telle diffusion doivent savoir qu’elles contreviennent, à leurs risques et périls, outre aux dispositions sur la propriété littéraire, à la loi réprimant la « provocation au suicide ».
Paris, le 28 juillet 2009
Claude Guillon
Yves Le Bonniec

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