jeudi 8 septembre 2011

" Français, encore un effort si vous voulez être républicains " par Donatien Alphonse François de Sade ( 1795 )


Je conviens que l'on ne peut pas faire autant de lois qu'il y a d'hommes ; mais les lois peuvent être si douces, en si petit nombre, que tous les hommes, de quelque caractère qu'ils soient, puissent facilement s'y plier. 

Encore exigerais-je que ce petit nombre de lois fût d'espèce à pouvoir s'adapter facilement à tous les différents caractères ; l'esprit de celui qui les dirigerait serait de frapper plus ou moins, en raison de l'individu qu'il faudrait atteindre.

 Il est démontré qu'il y a telle vertu dont la pratique est impossible à certains hommes, comme il y a tel remède qui ne saurait convenir à tel tempérament. Or, quel sera le comble de votre injustice si vous frappez de la loi celui auquel il est impossible de se plier à la loi ! 

 Le vol est le second des délits moraux dont nous nous sommes proposé l'examen.Si nous parcourons l'antiquité, nous verrons le vol permis, récompensé dans toutes les républiques de la Grèce ; Sparte ou Lacédémone le favorisait ouvertement ; quelques autres peuples l'ont regardé comme une vertu guerrière ; il est certain qu'il entretient le courage, la force, l'adresse, toutes les vertus, en un mot, utiles à un gouvernement républicain, et par conséquent au nôtre. J'oserai demander, sans partialité maintenant, si le vol, dont l'effet est d'égaliser les richesses, est un grand mal dans un gouvernement dont le but est l'égalité. Non, sans doute ; car, s'il entretient l'égalité d'un côté, de l'autre il rend plus exact à conserver son bien. Il y avait un peuple qui punissait non pas le voleur, mais celui qui s'était laissé voler, afin de lui apprendre à soigner ses propriétés. Ceci nous amène à des réflexions plus étendues. ( ... )

 Or, je vous demande maintenant si elle est bien juste, la loi qui ordonne à celui qui n'a rien de respecter celui qui a tout. Quels sont les éléments du pacte social ? Ne consiste-t-il pas à céder un peu de sa liberté et de ses propriétés pour assurer et maintenir ce que l'on conserve de l'un et de l'autre ? Toutes les lois sont assises sur ces bases ; elles sont les motifs des punitions infligées à celui qui abuse de sa liberté. Elles autorisent de même les impositions ; ce qui fait qu'un citoyen ne se récrie pas lorsqu'on les exige de lui, c'est qu'il sait qu'au moyen de ce qu'il donne, on lui conserve ce qui lui reste ; mais, encore une fois, de quel droit celui qui n'a rien s'enchaînera-t-il sous un pacte qui ne protège que celui qui a tout ?

 Si vous faites un acte d'équité en conservant, par votre serment, les propriétés du riche, ne faites-vous pas une injustice en exigeant ce serment du " conservateur " qui n'a rien ? Quel intérêt celui-ci a-t-il à votre serment ? Et pourquoi voulez-vous qu'il promette une chose uniquement favorable à celui qui diffère autant de lui par ses richesses ? Il n'est assurément rien de plus injuste : un serment doit avoir un effet égal sur tous les individus qui le prononcent ; il est impossible qu'il puisse enchaîner celui qui n'a aucun intérêt à son maintien, parce qu'il ne serait plus alors le pacte d'un peuple libre : il serait l'arme du fort sur le faible, contre lequel celui-ci devrait se révolter sans cesse ; or c'est ce qui arrive dans le serment du respect des propriétés que vient d'exiger la nation ; le riche seul y enchaîne le pauvre, le riche seul a intérêt au serment que prononce le pauvre avec tant d'inconsidération qu'il ne voit pas qu'au moyen de ce serment, extorqué à sa bonne foi, il s'engage à faire une chose qu'on ne peut pas faire vis-à-vis de lui.

 Convaincus, ainsi que vous devez l'être, de cette barbare inégalité, n'aggravez donc pas votre injustice en punissant celui qui n'a rien d'avoir osé dérober quelque chose à celui qui a tout : votre inéquitable serment lui en donne plus de droit que jamais. En le contraignant au parjure par ce serment absurde pour lui, vous légitimez tous les crimes où le portera ce parjure ; il ne vous appartient donc plus de punir ce dont vous avez été la cause. Je n'en dirai pas davantage pour faire sentir la cruauté horrible qu'il y a à punir les voleurs. Imitez la loi sage du peuple dont je viens de parler ; punissez l'homme assez négligent pour se laisser voler, mais ne prononcez aucune espèce de peine contre celui qui vole ; songez que votre serment l'autorise à cette action et qu'il n'a fait, en s'y livrant, que suivre le premier et le plus sage des mouvements de la nature, celui de conserver sa propre existence, n'importe aux dépens de qui.( ... )

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Sade était-il un libertin ou un criminel ? par Olivier Blanc


Si bien que ce témoignage de la marquise de Boulainvilliers, qui courait alors dans les cercles aristocratiques, conforte en tous point la véracité de celui rapporté par Rose Keller, la rescapée de Sade. Il concerne cette fois une autre femme, entravée et torturée dans une maison du village de Passy, dont les gémissements de douleur avaient d’abord alerté M. de Boulainvilliers, qui par hasard passait à proximité à une heure très matinale. Imaginant que c’était un accouchement qui se passait mal, il avait fait demander qu’on réveille sa femme pour qu’elle se rende sur place accompagnée d’un médecin. Tandis que les premiers secours étaient apportés à la victime lardée d’entailles sur la jambe partiellement écorchée, on avait fait intercepter deux individus qui se révélèrent être le marquis de Sade et son valet [11]. La mort de la victime, quelques heures plus tard, incapable, dit-on, de signer sa déposition recueillie par le bailli du marquisat de Passy, éteignit pourtant la procédure qui avait commencé sous la houlette du Président de Boulainvilliers lui-même. Sade allégua que la femme, bien qu’entravée et bâillonnée, était consentante, et que les blessures qui lui avaient été infligées étaient destinées à expérimenter, avec l’accord de celle-ci, un baume cicatrisant de sa fabrication.  « Les juges d’instruction ne pouvaient l’écouter sans horreur, mais le respect des formes l’emporta sur le fond, et si le comte de Sade ne fut pas pendu, ce fut grâce à la délicatesse et à la probité magistrale de M. de Boulainvilliers. Le roy n’y perdit pas ses droits, comme de juste, et cet abominable homme est renfermé chez les frères de saint-Lazare à perpétuité, par lettre de cachet (…), n’en déplaise à ces criminels adroits contre qui les lois ou la judicature ne peuvent rien. »[12] ( … )

[11] Des objets le concernant avaient été trouvés sur place, dont une lettre à lui adressée dans laquelle il était question de deux corps repêchés dans un étang.

[12] Souvenirs de la marquise de Créquy, tome IV, vol. II,  p. 189.

http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/archive/2014/12/20/sade-etait-il-un-libertin-ou-un-criminel-550544.html

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