lundi 17 août 2009

" Rêves de droite. Défaire l’imaginaire sarkozyste " de Mona Chollet


Dès lors, se demander s’il faut privilégier le personnel ou le collectif, cela revient à se demander s’il faut privilégier l’eau de la vague ou l’eau de la mer. Et concevoir l’individu, ainsi que le fait le libéralisme, comme séparé des autres et de son milieu vital, retranché à l’intérieur de ses limites comme dans une forteresse, cela équivaut à vouloir recréer une vague à l’intérieur d’un aquarium : pas étonnant que le résultat soit un peu minable. 

En 2000, aux États-Unis, un sondage commandé par Time Magazine et CNN avait révélé que, lorsqu’on demandait aux gens s’ils pensaient faire partie du 1 % des Américains les plus riches, 19 % répondaient affirmativement, tandis que 20 % estimaient que ça ne saurait tarder. L’éditorialiste David Brooks l’avait cité dans un article du New York Times intitulé « Pourquoi les Américains des classes moyennes votent comme les riches — le triomphe de l’espoir sur l’intérêt propre » (12 janvier 2003). Ce sondage, disait-il, éclaire les raisons pour lesquelles l’électorat réagit avec hostilité aux mesures visant à taxer les riches : parce qu’il juge que celles-ci lèsent ses propres intérêts de futur riche. Dans ce pays, personne n’est pauvre : tout le monde est pré-riche. L’Américain moyen ne considère pas les riches comme ses ennemis de classe : il admire leur réussite, présentée partout comme un gage de vertu et de bonheur, et il est bien décidé à devenir comme eux. À ses yeux, ils n’accaparent pas des biens dont une part devrait lui revenir : ils les ont créés à partir de rien, et il ne tient qu’à lui de les imiter. Il ne veut surtout pas qu’on les oblige à partager ou à redistribuer ne serait-ce qu’une petite part de leur fortune : cela égratignerait le rêve. (...)

Dans le modèle marxiste, le travailleur est invité à se défaire de la mentalité servile et autodépréciative qui lui interdit de comparer son sort à celui des nantis pour revendiquer sans complexes le partage des richesses. En même temps, il s’identifie à ses semblables, salariés ou chômeurs, nationaux ou étrangers, envers qui il éprouve empathie et solidarité. Le génie du libéralisme a été de renverser ce schéma. Désormais, le travailleur s’identifie aux riches, et il se compare à ceux qui partagent sa condition : l’immigré toucherait des allocs et pas lui, le chômeur ferait la grasse matinée alors que lui se lève à l’aube pour aller trimer (… )

Les ressorts narratifs de la success story sont si familiers, elle est si valorisée et valorisante, que Nicolas Sarkozy et son entourage eux-mêmes ont tout fait pour y conformer leur biographie. Cela a parfois exigé d’eux des trésors d’imagination, par exemple pour s’inventer de ces avanies censées s’être gravées à jamais dans votre mémoire pour vous forger le caractère et aiguillonner votre ambition. Le Nouvel Observateur rapportait ainsi l’« humiliation » du président d’avoir grandi dans — on ne rit pas — le « quartier pauvre de Neuilly » : « Nicolas n’ose pas inviter ses camarades chez lui. Un souvenir le hante : le saumon fumé sous cellophane acheté au Prisunic sur lequel il tombait quand il ouvrait le réfrigérateur familial. Chez ses amis, le saumon fumé venait des meilleurs traiteurs de la ville. » (...)

Faisant état des travaux consacrés au storytelling par un ancien critique de théâtre, Frank Rich, Salmon remarque : « Ce n’est pas le moindre des paradoxes de ce monde ensorcelé que ce soit un critique de théâtre qui ait si efficacement contribué à le démasquer. » Faut-il s’étonner que les meilleurs connaisseurs des pouvoirs de la fiction soient aussi les premiers à s’élever contre son instrumentalisation ? Fondateur du Parlement international des écrivains, Salmon est lui-même l’auteur de plusieurs essais sur ce thème. « Les grands récits qui jalonnent l’histoire humaine, d’Homère à Tolstoï et de Sophocle à Shakespeare, analyse-t-il, racontaient des mythes universels et transmettaient les leçons des générations passées, leçons de sagesse, fruits de l’expérience accumulée. Le storytelling parcourt le chemin en sens inverse : il plaque sur la réalité des récits artificiels, bloque les échanges, sature l’espace symbolique de séries et de stories. Il ne raconte pas l’expérience passée, il trace les conduites, oriente les flux d’émotions, synchronise leur circulation. [Il] met en place des engrenages narratifs, suivant lesquels les individus sont conduits à s’identifier à des modèles et à se conformer à des protocoles. » (...)

LE MOI, « UN INTÉRIEUR TISSÉ D’EXTÉRIEUR »

Que nous soyons des êtres sociaux, que nous ayons besoin des autres, c’est une vérité admise par à peu près tout le monde. Mais ce que l’on a en général du mal à concevoir, c’est l’ampleur de notre porosité aux autres. Il semblerait que le moi — les physiciens, d’ailleurs, le confirment — soit une instance beaucoup plus volatile et fluctuante que ce que nos sens et nos habitudes de pensée nous représentent. Si complexe que soit la synthèse qu’il opère, on chercherait en vain à isoler en lui un noyau qui ne serait pas fait d’altérité. La plus belle image de sa véritable nature, c’est peut-être chez le philosophe Nicolas Grimaldi qu’on la trouve : « À travers le moi, tout se révèle, tout se réfléchit, tout s’exprime. Mais par rapport à ce dont il se fait ainsi le médium, le moi est-il autre chose que ce qu’est une vague sur la mer ? Elle se forme de très loin, enfle, monte, se précipite, elle explose, elle se brise ; et pourtant elle n’existe pas. » Dès lors, se demander s’il faut privilégier le personnel ou le collectif, cela revient à se demander s’il faut privilégier l’eau de la vague ou l’eau de la mer. Et concevoir l’individu, ainsi que le fait le libéralisme, comme séparé des autres et de son milieu vital, retranché à l’intérieur de ses limites comme dans une forteresse, cela équivaut à vouloir recréer une vague à l’intérieur d’un aquarium : pas étonnant que le résultat soit un peu minable. (...)

ZONES

Rue 89

Peripheries

mardi 11 août 2009

" Le cauchemar de Darwin " d’Hubert Sauper



Le film d’Hubert Sauper, noir tableau de l’industrie de la pêche à la perche du Nil en Tanzanie, nous faisait désespérer de la mondialisation. Il montrait, par l’image, comment notre appétit européen pour un poisson africain pas cher peut générer, en Afrique, misère et trafic d’armes. Après Le cauchemar de Darwin, on ne pouvait plus manger une choucroute de la mer sans une pensée critique sur notre import-export.




C’est alors qu’un savant professeur, inconnu du grand public, publie dans la revue de feu Sartre et Aron, Les Temps Modernes, une contre-enquête documentée : le film d’Hubert Sauper n’était qu’une « supercherie ».Selon François Garçon, le documentariste aurait payé des enfants pour jouer des scènes de misère, et il ne peut pas prouver l’existence de trafics d’armes. Enfin, l’affirmation selon laquelle les carcasses du poisson expédié en Europe sont recyclées pour nourrir les pêcheurs africains serait fausse.

Après la gloire, le discrédit. Contre le film de Sauper, Garçon rassemble. La presse française publie ses mises en cause. Beaucoup de bien-pensants qui ont cru faire un acte d’humanité en éliminant de leur menu la perche du Nil, reprochent désormais à Sauper de les avoir dupés. En tête de la croisade, le gouvernement tanzanien lance deux sites Internet anti-cauchemar de Darwin. Il entend, ainsi, rendre à la Tanzanie l’image d’un pays sain, où les pêcheurs et les enfants mangent autre chose que les carcasses des poissons exportés vers l’Europe.

Sur le site www.darwinsnightmare.net, aujourd’hui disparu de la toile, on pouvait admirer des photomontages affichant un jovial Sauper en compagnie de… Saddam Hussein et Oussama Ben Laden. Plus sérieusement, on y trouvait aussi l’interview de l’un des protagonistes du film, Raphaël le gardien de nuit, qui avoue avoir été manipulé par le réalisateur.

Un témoignage qui achevait Sauper. Sauf qu’une scène a été oubliée au montage. Instructive : on y voit et entend le journaliste tanzanien, qui dicte sa réponse à Raphaël. Moins cachottier, François Garçon, lui, présente sur son site des interviews qu’il a lui-même tournées en Tanzanie, non coupées au montage. On y entend les enfants des rues affirmer qu’on ne les a pas payés pour « jouer », malgré les insistances du professeur Garçon, qui s’escrime à leur faire avouer le contraire. (...)

bakchich

espacestemps


dimanche 2 août 2009

" La grande machine à bulles américaine " de Matt Taibbi


9 000 MILLIARDS $ ont disparu de la FED Federal...

fluctuat.net


Après avoir joué un rôle central dans quatre bulles catastrophiques, après avoir contribué à faire disparaître du NASDAQ 5.000 milliards de dollars de richesse, après avoir refilé des milliers de prêts immobiliers toxiques à des retraités et des municipalités, après avoir contribué à pousser le prix de l’essence jusqu’à 4 $ le gallon et provoqué la faim de 100 millions de personnes dans le monde, après avoir mis la main sur des dizaines de milliards de dollars des contribuables à travers une série de renflouages gérés par son ancien PDG, combien Goldman Sachs rendit au peuple des États-Unis en 2008 ?

Quatorze millions de dollars.



Ça a débuté en septembre 2008, quand le ministre des finances d’alors, Paulson, prit une série de décisions essentielles. Bien qu’il ait déjà organisé le renflouage de Bear Stearns quelques mois auparavant et qu’il ait aussi renfloué les prêteurs quasi-privés Fannie Mae et Freddie Mac, Paulson choisit de laisser Lehman Brothers – un des derniers concurrents réels de Goldman – s’effondrer sans intervention. (« Le statut de super héros de Goldman resta intact », dit l’analyste du marché Eric Salzman, « et un concurrent dans la banque d’affaires, Lehman, disparaissait. ») Le lendemain même, Paulson donna le feu vert au renflouage massif – 85 milliards de dollars – d’AIG, lequel se retourna immédiatement et paya à Goldman 13 milliards de dollars qu’il lui devait. Grâce au sauvetage, la banque finit donc par être payée en totalité pour ses mauvais paris. Par contraste, les retraités de l’industrie automobile qui attendent le renflouage de Chrysler auront de la chance s’ils reçoivent 50 cents sur chaque dollar qui leur est dû.


Immédiatement après le renflouage d’AIG, Paulson annonça le sauvetage de l’industrie financière par le gouvernement fédéral, un plan de 700 milliards de dollars appelé le TARP, « programme de soulagement des avoirs en déshérence » et plaça un banquier de Goldman, Neel Kashkari, âgé de 35 ans et jusqu’alors inconnu, en charge de gérer ce fonds. Afin de profiter de l’argent du sauvetage, Goldman annonça qu’elle se transformait en une holding bancaire, cette conversion lui donnait accès non seulement à 10 milliards de dollars du TARP, mais aussi à toute une galaxie de financements publics moins voyants – notamment des prêts à taux réduits de la Réserve Fédérale. Fin mars 2009, la Fed aura prêté ou garanti au moins 8.700 milliards de dollars, pour une série de nouveaux renflouages – et grâce à une obscure loi autorisant la Fed à refuser la plupart des audits du Congrès, les montants versés et leurs bénéficiaires demeurent presqu’entièrement secrets. (...)


Et voici le coup de grâce. Après avoir joué un rôle central dans quatre bulles catastrophiques, après avoir contribué à faire disparaître du NASDAQ 5.000 milliards de dollars de richesse, après avoir refilé des milliers de prêts immobiliers toxiques à des retraités et des municipalités, après avoir contribué à pousser le prix de l’essence jusqu’à 4 $ le gallon et provoqué la faim de 100 millions de personnes dans le monde, après avoir mis la main sur des dizaines de milliards de dollars des contribuables à travers une série de renflouages gérés par son ancien PDG, combien Goldman Sachs rendit au peuple des États-Unis en 2008 ?


Quatorze millions de dollars.


C’est ce que la firme a payé en 2008, un taux effectif d’imposition d’exactement un, vous lisez bien, un pourcent. La banque a payé 10 milliards de dollars en primes et bonus la même année et a fait un bénéfice de plus de 2 milliards de dollars – pourtant, elle a payé au Trésor moins d’un tiers de ce qu’elle a casqué à son PDG Lloyd Blankfein, qui a reçu 42,9 millions de dollars l’année dernière. (...)


Agoravox

mercredi 29 juillet 2009

Génie civil : Projets de "Terrassement Nucléaire" ( 1957 à 1987 )


L' application des explosions nucléaires à la construction des ports sur côte abrupte a été annoncée le 6 mars 1958 par le Dr W. F.Libby, président intérimaire de l' Atomic Energy Commission. Une mission a recherché l' été dernier l' emplacement le plus favorable pour un port pétrolier et minier en Alaska, au nord du cercle Arctique, entre le cap Seppings et le cap Thompson.

 L' exécution est actuellement prévue au moyen de quatre explosions nucléaires laissant une profondeur minimum de 90 m. D' après le Dr Brown, l' un des codirecteur du projet, le prix de revient ne dépasserait pas le dixième de celui d' un port construit par les méthodes de terrassement ordinaires (...)

Science et Vie

Les États-Unis programmèrent donc l’opération « Plowshare » (soc de charrue) dont le nom fait référence au texte du prophète Isaïe : « De leurs épées, ils forgeront des socs de charrues. » Sous de telles auspices « religieuses », une quarantaine d’explosions « civiles » ont eu lieu aux États-Unis à partir de 1957. Ainsi, un tir souterrain effectué à Gasbuggy le 10 décembre 1967 a permis de montrer qu’il était possible de « stimuler » l’extraction de gaz naturel. Cette opération a été payée pour un tiers par une société privée El Paso Natural Gaz. Cette dernière compagnie s’est associée au groupe Nobel français pour former la société « Geonuclear Nobel Paso » qui se propose d’organiser des essais nucléaires à des fins industrielles hors des États-Unis.

De son côté, la Russie aurait effectué 108 essais nucléaires souterrains «pacifiques» sur plus de vingt ans entre 1965 et 1987. Selon les relevés de tirs souterrains, 77 de ces explosions nucléaires «pacifiques» ont été effectuées en dehors des sites d’essais sur l’ensemble du territoire de l’Union soviétique. L’objectif de ces tirs était le percement de canaux, la création de réserves souterraines de gaz, l’optimisation de l’exploitation pétrolière…

"Sortir du nucléaire"

jeudi 23 juillet 2009

" Lettres à un jeune poète " par Rainer-Maria Rilke ( 1903 - 1908 )

Les enfants sont toujours comme l’enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; 

et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. 

Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.


Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c’est à cela qu’il faut parvenir. Être seul comme l’enfant et seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l’enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l’enfant ne comprend rien à ce qu’elles font.

Le jour où l’on voit que leurs soucis sont misérables, leurs métiers refroidis et sans rapports avec la vie, comment alors ne pas continuer de les regarder, ainsi que fait l’enfant, comme chose étrangère, du fond de son propre monde, de sa grande solitude qui est elle-même travail, rang et métier ? Pourquoi vouloir échanger le sage ne-pas-comprendre de l’enfant contre lutte et mépris, puisque ne pas comprendre c’est accepter d’être seul, et que lutte et mépris ce sont des façons de prendre part aux choses mêmes que l’on veut ignorer ? (...)

Et même si, loin de tout métier, vous aviez cherché à créer entre vous et la société des rapports souples et libres, ce sentiment d’oppression ne vous aurait pas été épargné. Il en va partout ainsi, mais ce n’est pas une raison d’être inquiet ou triste. S’il n’est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d’être près des choses : elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays.

Dans le monde des choses et dans celui des bêtes, tout est plein d’événements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l’enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.

http://beq.ebooksgratuits.com/classiques/Rilke_Lettres_a_un_jeune_poete.pdf

Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent.

Car les souvenirs eux-mêmes ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

Les Cahiers de Malte Laurids Brigge

samedi 11 juillet 2009

La « monnaie « fondante » ou « monnaie franche »


 Au 1er janvier 1933, Wôrgl avait une nouvelle piste de ski (tremplin) et une piscine... Un nouveau pont en ciment armé portait l’inscription : « Construit en 1933 avec de l’argent libre ».

Déjà plusieurs communes voisines allaient être admises par Wôrgl dans le système. C’est alors qu’une plainte contre le maire de Wôrgl fut déposée à la Cour suprême de Vienne... 



Silvio Gesell, un Belgo - Allemand, avait fait une rapide fortune en Argentine à la fin du XIXe siècle. Revenu au pays, il étudia à fond les problèmes des monnaies, assujetties ou non à perception d’intérêt par leurs émetteurs. Avant la guerre de 14, il conçut son maître livre, L’Ordre Économique Naturel. Il y posait les bases de la Monnaie Franche qui n’est pas vraiment une monnaie puisqu’il n’y a aucun intérêt à la thésauriser.

Cette monnaie, pour tourner plus vite et fertiliser au mieux le corps économique, perdait 1 % de son montant, à date mensuelle fixe ; perte qu’il fallait compenser par un timbre de 1 % collé sur le dos du billet pour qu’il puisse circuler.

Cette accélération (d’un facteur 4 à un facteur 8... ) était due, selon Fischer, à l’effet psychologique de la perte à éviter (par l’acheteur).
Utilisée 20 fois (dont 3 en France) lors des grandes crises économiques, elle permit des métamorphoses incroyables :

- À Wôrgl (Autriche, 1932-33), elle résorba en 11 mois un chômage au taux de 60 %.
- En 1956, à Lignières-en-Berry (France), elle ressuscita en un an une petite ville ruinée par la désertification des campagnes, comme le relate Science et vie n° 488, et l’utilisation des « bons d’achat » émis par le Maire fut ensuite interdite par De Gaulle.
- Mêmes effets à Marans (France) en 1957-58.
- Et à Porto Alegre (Brésil) en 58.
- En 33-34, aux USA, bien qu’elle ait été utilisée très maladroitement (selon L. Fischer, qui avait étudié de près ses procédures en Europe), elle créa des redressements inespérés dans 14 villes. Le Congrès s’apprêtait à la légaliser quand le projet de « New Deal » de Roosevelt fit tout stopper.

Le « miracle monétaire » de Wôrgl

La commune autrichienne de Wôrgl était une petite ville industrielle. En 1932, elle comptait 4300 habitants, dont 1500 étaient chômeurs (60 %).Les impôts ne rentraient pas et la situation financière de la ville était désastreuse. Voulant mettre fin à ce marasme, le bourgmestre avait suivi avec intérêt l’expérience de Schwanenkirchen. Pour vaincre les difficultés de trésorerie de son administration, il décida de se servir de la « monnaie franche ».

Certains commerçants de Wôrgl, tout comme à Schwanenkirchen, refusèrent au début d’accepter cette monnaie qui avait une trop grande ressemblance avec la monnaie légale ; mais quand ils se rendirent compte de l’intensité de la circulation et constatèrent que les employés et ouvriers municipaux achetaient dans les boutiques qui acceptaient cette monnaie auxiliaire, l’esprit de concurrence reprit bien vite le dessus et ils suivirent l’exemple des autres...

Or, après l’introduction de la « monnaie franche », non seulement les impôts courants furent payés, mais la ville réussit à solder tous ses arriérés, elle put faire exécuter, dans le deuxième semestre 1932, 100.000 schillings de travaux : sept routes neuves, sept km d’asphaltage ; douze nouvelles rues furent projetées... On étendit le système de canalisations. On planta des arbres, on reboisa la forêt... La vie économique prit une intensité incroyable... Et il y eut du travail pour tous !

Les banques profitaient également de cette activité retrouvée.
Au 1er janvier 1933, Wôrgl avait une nouvelle piste de ski (tremplin) et une piscine... Un nouveau pont en ciment armé portait l’inscription : « Construit en 1933 avec de l’argent libre ».
Déjà plusieurs communes voisines allaient être admises par Wôrgl dans le système. C’est alors qu’une plainte contre le maire de Wôrgl fut déposée à la Cour suprême de Vienne... Le Conseil municipal contre-attaqua en prouvant :

- que la commune avait pu payer tous ses arrérages sur les impôts (120.000 schillings),
- qu’elle avait réussi à exécuter bon nombre de travaux publics de première nécessité,
- que le chômage avait été complètement résorbé,
- que l’économiste américain, le professeur Irving Fisher, de l’Université de Yale, avait envoyé en décembre 1932 une commission pour étudier cette expérience,
- qu’il ne s’agissait que d’une « monnaie auxiliaire » et non d’une monnaie véritable.

Rien n’y fit ! De procès en procès, la Banque d’Autriche plaida l’atteinte à son privilège d’émission par cette monnaie « hérétique » (sic). La commune fut obligée de retirer ces « bons »...
La manière dont le tribunal a débouté Wôrgl de son recours montre qu’elle reconnaissait les effets très positifs de cette expérience, qui avait conduit à une reprise économique rapide, mais qu’elle refusait de la laisser poursuivre, renvoyant de ce fait les citoyens à la misère.

wiki.societal

Silvio Gesell

L'ordre économique naturel

samedi 4 juillet 2009

"Ces études qui attaquent la télévision"


Elle ne lasse pas. Pire, elle intoxique. Elle enchaîne les foyers, colonise les pensées quotidiennes, s'implante dans les espaces publics, après avoir déjà largement modifié l'espace social et familial. Constat global de ces études : la télévision affaiblit la capacité d'attention, engendre un état d'hypnose sous couvert de relaxation, elle se passe de l'activité intelligente, critique, l'altère même, mettant les neurones au repos. (...)

Le neurologue américain Thomas Mulholland, montre, lui, sur la base d'électroencéphalogrammes (EEG), que la télévision plonge dans un état de somnolence, de léthargie du cerveau. Du fait de la suspension d'activité du cerveau, celui-ci est mis, face aux images projetées, dans un état d'hypnose. Contrairement à son hypothèse de départ, qui était de considérer que le cerveau était en état d'activité face à la télévision (ce qui aurait dessiné des ondes bêta sur l'EEG), l'EEG dessine des ondes alpha. Ces ondes sont celles que l'on observe lorsque l'être humain ne fait rien. Moins le cerveau travaille, plus il produit des ondes alpha. En revanche, lorsque l'on fixe son attention, il n'y a plus d'ondes alpha. Un pas de plus est franchi, la télévision provoque un état de somnolence proche de celui de l'hypnose. (...)

Des études faites sur des tout-petits montrent le danger de placer de façon répétée un bébé face aux images qui bougent sur l'écran. La plus importante de ces études est celle publiée en 2007 dans la revue américaine «Pediatrics» par deux chercheurs de l'université de Washington (Seattle), Dimitri Christakis et Frederick Zimmerman. Sur un panel de 3300 familles, elle révèle que l'exposition à la télévision avant 3 ans engendre quelques années plus tard des troubles de l'attention définis dans la nosographie américaine comme ceux du «deficit attention disorder» (TDAH. Cf. les troubles du déficit d'attention avec ou sans hyperactivité stigmatisés notamment dans les écoles). L'étude confirmait l'hypothèse selon laquelle la consommation audiovisuelle précoce engendre une modification de la synaptogenèse, c'est-à-dire de la formation du cerveau infantile et de son appareil psychique.(...)

Revenons aux adultes. Si la télévision est dangereuse pour les enfants, elle l'est aussi pour les adultes, bien au-delà du conditionnement publicitaire. Divertie ou trompée – que d'erreurs, d'errements, de non-vérités, de fuites au journal télévisé et ailleurs –, la masse sociale se détourne des enjeux du politique et entre dans le monde de la fiction, une fiction dont la ressemblance avec la réalité sera d'ailleurs un atout de crédibilité. La télévision est avant tout un remède au mal-être, peu cher et mal connu, qui ressemble aux drogues… La conversation autour des séries télévisées ou des fictions est associée à un sentiment d'évasion mais aussi de dégoût de soi. Cet arrière-monde télévisuel est proche d'une toxicomanie. Et celle-ci se trahit comme pour toute addiction par le dégoût qui s'associe au geste de s'installer devant son téléviseur et de disposer son esprit à ingurgiter des émissions sans distinction. Créant une illusion de satisfaction et un monde parallèle, elle agit aussi au détriment de l'implication de chacun dans la réalité sociale et politique. Au détriment, pour un certain nombre d'entre nous, des liens de famille qui ne résistent pas à la fascination et au dérivatif fournie par la télévision, qui crée comme un manque addictif. Mais aussi au détriment, pour une majorité «silencieuse» de leur implication dans des luttes et des combats de société.(...)

Louise A. Renard

Ars Industrialis

mediapart



Le mystère de la spectaculaire étude sur les enfants et la télé


Au début janvier, l’Inspecteur viral du journal Métro proposait dix questions pour débusquer les articles scientifiques bidons. La mystérieuse image sur les enfants et la télé ne passe malheureusement pas le test. 


lundi 29 juin 2009

« pseudo-crise » à Trinité-et-Tobago



Pendant des années, des rumeurs avaient couru au sujet de la participation des institutions financières internationales à la création de « pseudo-crises », (…)




 Le témoignage le plus détaillé vient de Davison Budhoo, employé du FMI passé à la dénonciation,(…)

Lorsque l’organisation effectua un virage à droite prononcé, à l’ère du thatchérisme et du reaganisme, Budhoo, d’une grande indépendance d’esprit, se sentit de plus en plus mal à l’aise dans son milieu de travail.

 Le FMI était désormais truffé de Chicago Boys soumis à l’autorité de Michel Camdessus, économiste néolibéral convaincu. Après avoir quitté son poste en 1988, Budhoo décida de consacrer sa vie à dévoiler les secrets de son ancien employeur. Tout commença par la remarquable lettre ouverte qu’il adressa à Camdessus, (…)

Manifestant pour le langage un enthousiasme rare chez les économistes en chef du Fonds, Budhoo commençait sa lettre en ces termes :

« Aujourd’hui, je démissionne de mon poste au Fonds monétaire international après douze années de services et 1000 jours de travail sur le terrain ; période au cours de laquelle j’ai fait avaler votre médecine et vos tours de passe-passe aux peuples d’Amérique latine, des Antilles et de l’Afrique. Cette démission est pour moi une inestimable libération : c’est le premier pas que je franchis dans l’espoir de laver un jour mes mains de ce qui, dans mon esprit, représente le sang de millions de pauvres et d’affamés. (…)

Parfois j’ai l’impression qu’il n’y aurait pas assez de savon dans le monde pour me laver des gestes que j’ai commis en votre nom. »

Budhoo entreprend ensuite d’étayer ses accusations. Il reproche au FMI d’utiliser les statistiques comme une arme « mortelle » . Avec force détails, il montre comment, en tant qu’employé du FMI, au milieu des années 1980, il a été mêlé à des cas de « fraudes statistiques » visant à exagérer les chiffres contenus dans les rapports du FMI concernant Trinité-et-Tobago, riche en pétrole, afin de donner l’impression que le pays était beaucoup plus instable qu’il ne l’était en réalité. (…)

Ces « irrégularités grossières » , qui, selon Budhoo , étaient délibérées et non le résultat de calculs bâclés, furent acceptées telles quelles par les marchés financiers, qui rangèrent Trinité-et-Tobago dans la catégorie des mauvais risques et mirent fin à son financement. Les problèmes économiques du pays – déclanchés par une diminution subite du prix du pétrole, sa principale exportation – devinrent rapidement catastrophiques, et il fut contraint de supplier le FMI de le tirer d’affaire.

 Le Fond exigea en contrepartie l’acceptation de ce que Budhoo appelle « sa médecine la plus mortelle » : licenciements, diminution de salaire et « toute la panoplie » des politiques d’ajustement structurel. Selon Budhoo il s’agissait d’ « un subterfuge visant à priver sciemment Trinité-et-Tobago d’une porte de sortie économique » et à « détruire l’économie du pays pour la reconvertir ensuite ». (…)

Après la publication de la lettre, le gouvernement de la Trinité commanda deux études indépendantes pour faire la lumière sur les accusations qu’elle contenait, qui se révélèrent fondées : le FMI avait bel et bien gonflé et fabriqué des chiffres, entraînant des effets dévastateurs sur le pays.(23) (…)

En 1996, on tira toutefois de la lettre une pièce intitulée Mr. Budhoo’s Letter of resignation from the I.M.F. ( 50 Years Is Enouth ), qui fut présentée dans un petit théâtre de l’East Village à New York.

 La production reçut un accueil étonnamment élogieux de la part du New York Times, qui, dans une courte critique, loua sa « rare créativité », et ces « accessoires inventifs ». Le nom de Budhoo était apparu pour la première et la dernière fois dans le New York Times.

(23) « Bitter Calypsos in the Caribbean », Guardian (Londres), le 30 juillet 1990 ;
Robert Weissman, « Playing with Numbers : The IMF’s Fraud in Trinidad and Tobago », Multinational Monitor, vol 11, n° 6, juin 1990.

« La stratégie du choc » par Naomi Klein ( Actes Sud ) pages 315-317.

Articles de Naomi Klein

« La stratégie du choc » par Naomi Klein  

http://inventin.lautre.net/livres/Klein-La-strategie-du-choc.pdf

mardi 23 juin 2009

"De la méthode des études de notre temps" par Giambattista Vico (1708)


La critique de la « critique » à laquelle Vico se livre dans le De ratione aboutit à ce reproche fondamental : fascinée par la rigueur du modèle mécaniste, la culture moderne se consacre entièrement à l’étude du monde naturel et néglige presque totalement l’étude de l’homme moral et de l’homme civil, parce que le monde humain, livré au libre arbitre et à l’occasion, ne relève pas d’une véritable « science ». 



Il s’agit là d’un renversement total de la perspective de la culture antique, qui était essentiellement « politique », dans la mesure où, chez elle, « la science du raisonnement, celle de la nature, celle de l’âme humaine « étaient subordonnées à la « prudence civile », cette finalité politique donnant à l’éducation, qui est la formation de futurs citoyens et non de simples individus, sa cohérence et sa pleine efficacité. Montesquieu, si proche à tant d’égards de Vico, fera la même constatation : « Chez les Grecs et les Romains, l’admiration pour les connaissances politiques et morales fut portée jusqu’à une espèce de culte. Aujourd’hui nous n’avons d’estime que pour les sciences physiques, nous en sommes entièrement occupés, et le bien et le mal politiques sont, parmi nous, un sentiment, plutôt qu’un objet de connaissance [...]

On a, dans notre siècle, donné un tel degré d’estime aux connaissances physiques que l’on [n’]a conservé que de l’indifférence pour les morales». Là encore, Descartes est exemplaire. « Spectateur plutôt qu’acteur en toutes les comédies qui se jouent dans le monde », pensant que la meilleure occupation qu’il peut avoir dans la vie est de s’employer à cultiver sa raison et à avancer autant qu’il le pourra en la connaissance de la vérité selon la méthode qu’il s’est prescrite, il dénie au philosophe, simple particulier, toute compétence à s’occuper de réformer l’État. Le philosophe moderne n’a plus la vocation « politique » que lui reconnaissaient Platon, Aristote ou Cicéron, il doit se consacrer à la « théorie », à la métaphysique et à la science. 

Quand il s’agit des affaires de l’État, il s’en remet aux Grands (mais qui les conseillera ?) et se réfugie dans le conservatisme et le conformisme systématiques (teintés, chez Pascal, d’un pessimisme cynique). Il n’en peut aller autrement, pense Vico, puisque l’idéal moderne de la science n’admet, comme valeur suprême, que la vérité, et n’est donc pas applicable au monde de la praxis, c’est-à-dire, au sens grec, de l’action politique. La seule pratique que la science moderne puisse concevoir, c’est la practica theoriae, l’application d’une théorie scientifique, qui tire son efficacité de la validité de la théorie elle-même. Or il ne peut y avoir de théorie « scientifique » de l’action politique, qui n’est ni nécessaire ni géométriquement déductible, et reste soumise à la contingence, au hasard, aux circonstances, à un temps qui n’est pas celui de la mécanique. On est alors réduit à abandonner la politique au « sentiment », comme disait Montesquieu, ou plutôt à la routine empirique, ou, pis encore, à l’habileté du « machiavélisme ». (…)

Vico, dans le De ratione, rallume cette querelle qui semblait désormais close au profit des sciences de la nature et de ces sciences mathématiques dont les idéalités, créées par l’homme, lui permettent de parvenir à une certaine intelligence des réalités physiques et à leur manipulation. Il croit que l’homme ne vit pas seulement en savant et en technicien, en chercheur professionnel de vérité. Il vit aussi, et d’abord, comme le savaient les anciens, en défricheur de la grande forêt primordiale, en constructeur de cités, en législateur, c’est-à-dire en poète, en créateur de mots, en raconteur de fables et d’histoires. 

Il habite en homme le monde, en délimitant et marquant des « lieux » qui lui soient communs avec les autres hommes, qui soient des lieux humains. Et c’est ce défrichement, ce travail « toponymique » de l’homme « topique » qui a permis l’apparition de ce tard-venu, fragile et plein de démesure, qu’est l’homme « critique ». Les avertissements de Vico, adressés à des jeunes gens, en 1708, à l’aube du siècle des Lumières et de la raison triomphante, avaient peu de chance d’être entendus. Mais les idées ont aussi leurs ricorsi et viennent en appel. Notre modernité a perdu ses certitudes massives, et il n’y a pas besoin de tirer Vico vers elle, c’est elle qui vient à lui. Beaucoup de ses questions sont à nouveau les nôtres. Le temps de la prudence est revenu.

traduction du texte intégral avec présentation par Alain Pons ( PDF )

dimanche 14 juin 2009

" Nanotechnologies"


“La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles.


Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :

• Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.

• Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo.

• Développer les services « cardless » à la banque, au supermarché, dans les transports, pour l’accès Internet... La même approche ne peut pas être prise pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gène occasionnée. Là encore, l’électronique et l’informatique peuvent contribuer largement à cette tâche.”

“Livre Bleu” du GIXEL

“Au niveau médical, les assureurs pourraient varier leurs tarifs selon si vous avez ou non sous la peau des puces de diagnostic précoce. Des personnes peuvent estimer que cela va à l’encontre de leur vie privée, qu’on pourrait les pister à distance. On peut aussi se demander comment se comporteront les nanoparticules dans l’environnement. Ce n’est pas au scientifique de répondre à ses questions, mais au citoyen.” (Jean Therme directeur du CEA Grenoble).

L’aiguillage vers les labos et les programmes de recherche en nanotechnologies de gigantesques flux de crédits ne vise pas seulement à s’assurer la suprématie lors du prochain cycle militaro-industriel. Il existe au-delà tout un courant fondateur et dominant des nano-sciences (Eric Drexler, Ray Kurzweil, Marvin Minsky, Hans Moravec, Mihail Roco, William S. Bainbridge, etc) qui, sous des noms divers : "cyborg", "successeur", "mutant", vise à l’avènement de l’homme-machine. Roboman, si l’on veut, censé être la version technoïde du surhomme nietzchéen. "Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap", déclare le cybernéticien Kevin Warwick ( Libération , 11-12/05/02). "Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur."

Il se trouve justement que William Bainbridge a publié en 1985 un livre intitulé “ Génétique culturelle ”. Et il développe dans le rapport NBIC les perspectives de la mémétique (pp. 318 et suivantes) : “ Certaines idées peuvent avoir la force de "virus sociaux" aux effets aussi délétères que des virus biologiques ”, explique-t-il dans ce rapport. Il propose donc d’“ étudier la culture avec les méthodes de la bioinformatique ” et recommande une initiative analogue au projet Génome humain, le “ Human Cognome Project ”, pour “ comprendre et maîtriser les mystères du génome culturel ”].

On arrive ici au point culminant de cette nouvelle idéologie. Sa prétention est de décrire les “ automates mentaux ” de façon à les maîtriser puis les manipuler. Les courants de pensée deviennent des objets quantifiables. De même que l’on a abandonné la compréhension de la vie avec le gène, on abandonne celle de la pensée avec la neuroéthique (qui vise à localiser les aires de la morale ou de la religion) puis avec la mémétique. “ C’est seulement si nous renonçons à une explication de la vie au sens commun du mot que s’offre à nous une possibilité de prendre en compte ce qui la caractérise. ” estimait Niels Bohr.

“ Dans la science moderne, la mathématisation de la nature s’est imposée comme une fin en soi ”, souligne le mathématicien Olivier Rey [9]. Mais avec elle, “ le monde n’est pas compris, il est mathématisé : par là il est fonctionnalisé mais il ne reçoit aucun sens. Au contraire tout sens lui est ôté : l’homme n’y trouve plus rien qui lui parle. ”

[9] O. Rey (2003) Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l ’absurdité contemporaine, Seuil Paris.

Pièces et Main d'Œuvre

vendredi 5 juin 2009

« Françafrique : les médias complices ? » par François-Xavier Verschave


 Entre la fin 1998 et la fin 1999, il y a eu au Congo-Brazzaville dans une guerre pilotée depuis l’Elysée, plus de morts et de viols qu’au Kosovo, en Tchétchénie et à Timor-Est réunis.

Regardez la couverture médiatique de ces trois événements, les milliers de pages qui y ont été consacrées, voyez à présent ce que vous avez pu lire sur le Congo Brazzaville... 


En 1990 un mouvement populaire renverse le dictateur Sassou Nguesso. Une constitution est votée presque à l’unanimité, un président est élu. Celui-ci a le malheur de demander 33 % de royalties sur le pétrole au lieu des 17 % de Sassous Nguesso : un quasi doublement. On peut dire que c’est un crime de lèse Françafrique. Dès lors, les réseaux s’activent pour préparer le retour au pouvoir de Sassou Nguesso, au terme d’une sanglante guerre civile.

Récemment, Jean-Charles Marchiani a fait un aveu époustouflant dans Le Monde : il a déclaré que la négociation qu’il avait menée au nom du ministre de l’Intérieur avec l’Angola avait pour but le renforcement de l’action de la France dans cette région et pour résultat l’intervention militaire de l’Angola dans les deux Congo. Autrement dit, alors que la France déclare une politique de non-ingérence, elle arme l’Angola pour intervenir dans deux des plus sanglantes guerres civiles d’Afrique. C’est extraordinaire, et je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’avantage de gens pour relever cet aveu fantastique.

Donc, via ses vrais faux mercenaires, via la présence d’un contingent angolais, d’un contingent tchadien jouant les tirailleurs sénégalais, via la présence de génocidaires du Rwanda et de résidus de la garde de Mobutu, la France a renversé le régime qui avait été installé au terme du processus démocratique. Tout cela est relativement commun. Mais comme le nouveau régime de Sassous Nguesso a recommencé son pillage et ses persécutions, la guerre civile a redémarré fin 1998. Entre la fin 1998 et la fin 1999, il y a eu au Congo-Brazzaville dans une guerre pilotée depuis l’Elysée, plus de morts et de viols qu’au Kosovo, en Tchétchénie et à Timor-Est réunis.

Regardez la couverture médiatique de ces trois événements, les milliers de pages qui y ont été consacrées, voyez à présent ce que vous avez pu lire sur le Congo Brazzaville... Durant cette guerre terrible, il y a eu aussi des dizaines de milliers de viols systématiques à caractère ethnique. Quasiment rien dans la presse. Pourquoi ? Tous les reporters ont été dissuadés de s’y rendre. Des équipes en ont été empêchées. Il s’est abattu un "noir silence" total sur une guerre qui a détruit un pays et qui a comporté au moins quatre crimes contre l’humanité successifs. (...)

acrimed

survie

lmsi

lundi 1 juin 2009

"Bolkestein : silence on contourne !" par Gilles Karpman


"Commençons par souligner quelques évidences. Le projet rédigé par Frits Bolkestein ne devait être qu'une directive, ce qui veut dire que son effet juridique entier ne surviendrait qu'au terme d'un délai et après transposition en droit interne par les Etats membres. 


Le règlement 563/2008 du 17 Juin 2008 est lui en tant que tel, applicable directement par les tribunaux des Etats membres, sans avoir besoin d'un fastidieux et aléatoire examen pour transposition par les parlements des Etats concernés. Ce règlement trouvera donc, sans autre formalité, à s'appliquer à tous les contrats signés à compter du 17 décembre 2009. Contrairement à la directive services, le règlement s'appliquera bien au droit du travail (article 8 du règlement)

Ces quelques précisions pour qu'il soit parfaitement clair qu'il ne s'agit pas là d'un projet, d'un truc dont on cause, mais d'une règle bel et bien applicable dès fin 2009. A cette date, une entreprise et un salarié français exerçant ses talents en France, pourront parfaitement convenir en toute liberté que la loi applicable à leur rapport sera celle du Yémen du Sud. Ceci ressemble étrangement à la règle du pays d'origine qui avait soulevé tant d'opposition et provoquée tant d'émoi, mais en beaucoup plus puissant. En effet cette règle s'applique à tous les contrats y compris de travail et permet aux parties de choisir et de changer à tout moment la loi applicable à leurs relations, et cela pas seulement en optant pour une des législations des Etats membres mais en vertu d'un principe dit d'universalité (c'est beau) éventuellement pour n'importe quelle législation même extra communautaire (le plombier Kazakh fera-t-il autant jaser que son confrère polonais ? (...)

Idéeconsultants

« Le monde selon Monsanto » de Marie-Monique Robin


On découvre aussi comment Monsanto a su inspirer, pour ne pas dire dicter, l’absence de réglementation sur les cultures transgéniques. Dans une étonnante convergence de points de vue entre industriels et dirigeants politiques américains, républicains et démocrates, le fulgurant développement attendu des biotechnologies et la suprématie américaine en la matière ne devaient en aucun cas être entravés par une réglementation tatillonne.



Disons-le d’emblée : le documentaire de Marie-Monique Robin sur Monsanto, leader mondial des OGM, est violemment à charge. Et c’est là son principal défaut. Il confortera dans leurs camps retranchés respectifs les pro- et les anti-OGM, les seconds stigmatisant la multinationale faisant son OPA sur les semences de la planète, les premiers dénonçant le caractère partial du film. On imagine d’ailleurs aisément que l’entreprise, experte en stratégie et communication, a sciemment refusé d’y participer pour mieux en dénoncer la crédibilité.

Il ne faudrait cependant surtout pas s’arrêter à cette critique. Car la journaliste a mené une enquête fouillée, s’est procuré des liasses de documents confidentiels et a rencontré aux États-Unis nombre de protagonistes de premier plan qui ont eu maille à partir avec Monsanto : scientifiques, personnalités politiques, membres d’ONG et surtout responsables des autorités chargées de la réglementation.

Se dévoile ainsi l’histoire de Monsanto qui, avant d’être une multinationale des biotechnologies, fut l’une des plus grandes entreprises chimiques prospérant avec la vente de produits hautement toxiques (PCB, dioxines, agent orange…) en masquant leurs effets délétères - on en apprend beaucoup plus sur le passé de Monsanto dans l’ouvrage que publie l’auteur (Ed. La Découverte).

On découvre aussi comment Monsanto a su inspirer, pour ne pas dire dicter, l’absence de réglementation sur les cultures transgéniques. Dans une étonnante convergence de points de vue entre industriels et dirigeants politiques américains, républicains et démocrates, le fulgurant développement attendu des biotechnologies et la suprématie américaine en la matière ne devaient en aucun cas être entravés par une réglementation tatillonne. Les autorités réglementaires s’employèrent avec zèle à exaucer ce voeu et à tenter d’imposer les OGM sur la planète.

Gerard Ponthieu


  Combat Monsanto


À la formulation d’une hypothèse classique selon laquelle les biotechnologies végétales constitueraient, pour l’entreprise américaine Monsanto, un choix stratégique en faveur de la biologie la repositionnant par rapport à la chimie, son métier d’origine, le film préfère prêter à Monsanto l’intention de « contrôler la nourriture » et les « populations du monde ». L’objet du reportage est de documenter cette opinion, mais force est de constater qu’il est truffé d’allégations pseudo-scientifiques. Comme la plupart des personnes convaincues par avance du caractère néfaste des OGM tout comme des motivations des entreprises biotechnologiques, la réalisatrice, non outillée pour faire le tri entre le vrai et le faux sur le plan scientifique, ne se montre ainsi perméable qu’aux seuls arguments allant dans le sens de ses a priori et expose aux téléspectateurs l’image d’un monde binaire, avec des bons et des méchants.
Marcel Kuntz, 3 mars 2008

vendredi 29 mai 2009

" Petit cours d'autodéfense intellectuelle " de Normand Baillargeon


En France, 48% des gens croient à l’existence d’un ou de plusieurs phénomènes paranormaux pendant que 50% des professeurs d’université croient à de tels phénomènes — ce qui constitue un taux supérieur à la moyenne de la population; 


les moins crédules sont les agriculteurs qui rejettent de telles croyances à 80%. Dans des travaux crédibles et souvent cités, Henri Broch a montré qu’à l’université le secteur de l’éducation était le plus crédule.(...)

Au début des années soixante-dix, le docteur Fox a prononcé, à trois occasions, une conférence intitulée: “La théorie mathématique des jeux et son application à la formation des médecins”. Il s’est exprimé devant un total de 55 personnes, toutes hautement scolarisées: travailleurs sociaux, éducateurs, administrateurs, psychologues et psychiatres. Son exposé durait une heure et était suivi de 30 minutes d’échanges. Un questionnaire était ensuite administré pour connaître l’opinion de l’auditoire sur l’exposé du docteur. Tous les participants l’ont trouvé clair et stimulant. Aucun n’a remarqué que cette conférence était un tissu de sottises. Ce qu’elle était pourtant.

Le docteur Fox était en fait un comédien. Il avait l’air très distingué et parlait sur un ton autoritaire et convaincu. Mais le texte qu’il disait, appris par cœur et portant sur un sujet auquel il ne connaissait absolument rien, était truffé de mots vagues, de contradictions, de fausses références, de renvois savants à des concepts n’ayant pas de rapport avec le sujet traité, de concepts creux et ainsi de suite. Bref: du vent, des contradictions et de la pompeuse insignifiance.

Chroniques de Normand Baillargeon (pdf )

jeudi 28 mai 2009

"Mon testament " par Mr le curé Jean Meslier ( 1729 )




"Il serait juste que les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec les boyaux de prêtres. Cette expression ne doit pas manquer de paraître assez rude et grossière, mais il faut avouer qu'elle est franche et naïve. Elle est courte, mais elle exprime assez, en peu de mots, tout ce que ces sortes de gens-là méritent. 




"Il n'y a que la barbarie la plus sauvage, il n'y a que la plus insigne fourberie, il n'y a que l'ambition la plus aveugle qui ait pu faire imaginer le dogme de l'éternité des peines. S'il existait un Dieu que l'on peut offenser ou blasphémer, il n'y aurait pas sur la terre de plus grands blasphémateurs, que ceux qui osent dire que ce Dieu est un tyran assez pervers pour se complaire pendant l'éternité aux tourments inutiles de ses faibles créatures."(...)

« C’est comme si on disait qu’un Dieu infiniment sage et infiniment bon se serait offensé contre les hommes et qu’il se serait rigoureusement irrité contre eux pour un rien (croquer dans un fruit) et pour une bagatelle, et qu’il se serait miséricordieusement apaisé et réconcilié avec eux par le plus grand de tous les crimes ? Par un horrible déicide qu’ils auraient commis, en crucifiant et en faisant cruellement et honteusement mourir son cher et divin fils ? »(...)

D'ailleurs combien les auteurs que l'on nomme profanes, Xénophon, Platon, Cicéron, l'Empereur Antonin, l'Empereur Julien, Virgile etc. sont-ils au-dessus de ces Livres qu'on nous dit inspirés de Dieu! Je crois pouvoir dire que quand il n'y aurait, par exemple, que les fables d'Esope, elles sont certainement beaucoup plus ingénieuses et plus instructives que ne le sont toutes ces grossières et basses paraboles, qui sont rapportées dans les Evangiles.(...)

« S’il y avait véritablement quelque divinité ou quelque être infiniment parfait, qui voulut se faire aimer, et se faire adorer des hommes, il serait de la raison et de la justice et même du devoir de ce prétendu être infiniment parfait, de se faire manifestement, ou du moins suffisamment connaître de tous ceux et celles dont il voudrait être aimé, adoré et servi. »

"Il n'y a rien de si abject, de si pauvre, de si méprisé que les paysans de France: ils sont les esclaves des grand et des nobles, sans compter ce que les ecclésiastiques exigent injustement de ces pauvres malheureux."
"On a bien raison de comparer ces gens-là à des vermines, car ils ne font que tourmenter, ronger et manger le pauvre peuple. La religion se fait leur complice. Elle menace les ignorants du diable, comme si les diables pouvaient être plus hideux que tous les beaux messieurs, grands et nobles, que toutes les belles demoiselles, parées, frisées et poudrées, qui sont les plus grands ennemis du peuple et lui font tant de mal."(...)

A quoi sert qu'ils se déguisent sous tent de diverses et ridicules formes d'habits, qu'ils s'enferment dans des cloîtres, qu'ils marchent pieds nus, qu'ils se donnent la discipline, qu'ils aillent à certaines heures du jour ou de la nuit chanter psaumes et cantiques? Les oiseaux sauvages chantent et ramassent assez dans les champs et dans les bois. Les peuples n'ont que faire de nourrir tant de gens pour ne faire que chanter dans les temples."(...)

" Si les hommes possédaient et jouissaient également en commun des richesses, des biens et de commodités de la vie, s'ils s'occupaient unanimement tous à quelque honnête et utile travail, ils vivraient tous heureux et contents, car la terre produit assez abondamment pour les nourrir et les entretenir; personne ne serait en peine ni pour soi, ni pour ses enfants de savoir où il logerait, peronne n'aurait à se tuer soi-même par des excès de fatigue et de travail."(...)

"Sur quelles bases ont-ils fondé cette prétendue certitude de l'existence d'un Dieu? Sur la beauté, l'ordre, sur les perfections des ouvrages de la nature? Mais pourquoi aller chercher un Dieu invisible et inconnu pour créateur des êtres et des choses, alors que les êtres et les choses existent et que, par conséquent, il est bien plus simple d'attribuer la force créatrice, organisatrice, à ce que nous voyons, à ce que nous touchons, c'est à dire à la matière elle-même? Toutes les qualités et puissances qu'on attribue à un Dieu placé en dehors de la nature, pourquoi ne pas les attribuer à la nature même qui est éternelle?"
"Rien ne se crée. Rien ne se perd. Le temps ni l'espace n'ont été créés: car si un être avaoit créé le temps, il eût fallu qu'il fût hors du temps et rien ne peut être hors du temps. Pour créer l'espace, il eût fallu qu'il fût hors de l'espace, et rien ne peut être hors de l'espace. Enfin pour créer la matière, il eût fallu qu'il fût hors de la matière et rien ne peut être hors la matière."
"Le monde est un mélange confus de bien et mal; il s'ensuit évidemment qu'il n'a pas été créé par un être infiniment parfait, et, par conséquent, il n'y a pas de Dieu."(...)

Ah! l'autre vie! l'âme immortelle! Est-ce que nous ne sentons pas, intérieurement et extérieurement par nous-mêmes, que nous ne sommes que matière, et que nos pensées les plus spirituelles ne sont que de la matière de notre cerveau, qu'elles sont le résultat de sa constitution matérielle et que ce que nous appelons notre âme n'est en réalité qu'une portion de la matière, la plus délicate et la plus subtile?"
"L'âme n'est ni spirituelle ni immortelle. Elle est matérielle et mortelle aussi bien que le corps. Il n'y a donc point de récompense à espérer ni de châtiments à craindre après cette vie. Il n'y a point de bonté souveraine pour récompenser les justes et les innocents, point de justice souveraine pour punir les méchants. Il n'y a point de Dieu."

"Mais il y a l'homme, il y a la terre, il y a la vie, il y a le sentiment de l'équilibre et de la justice, et c'est sur cette terre qui lui appartient, dans cette vie qui est sienne, que l'homme doit réaliser la justice, le bonheur, la solidarité et la fraternité universelles. Ce n'est pas en Dieu que l'homme doit chercher la puissance, la bonté, la perfection, c'est en lui-même: par l'instruction il deviendra savant, c'est à dire puissant; par l'éducation, il se fera juste, c'est à dire bon; par l'aide mutuelle et la solidarité, il réalisera sur la planète qui est son domaine la perfection possible. Il faut avoir le courage de rejeter toutes les idées préconçues et surtout d'effacer ce préjugé de la perfection des choses actuelles, comme ayant été créées définitivement par l'ordre d'un Dieu. Tout est en mouvement, tout se transforme, tout progresse."

Jean Meslier

UQAC

mardi 26 mai 2009

"déterminisme économique de Karl Marx" de Paul Lafargue (1909)


Leucippe et son disciple Démocrite, cinq siècles avant Jésus-Christ, introduisirent la. conception de l'atome pour comprendre la constitution de l'esprit et de la matière, et pendant plus de deux mille ans les philosophes, au lieu de songer à recourir à l'expérience pour éprouver l'hypothèse atomique, discutèrent sur l'atome en soi, sur le plein de la matière, indéfiniment continue, star le vide et le discontinu. etc., et ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle que Dalton utilisa la conception de Démocrite pour expliquer les combinaisons chimiques.

L'atome, dont les philosophes n'avaient su rien faire, devint entre les mains des chimistes "un des plus puissants outils de recherche que la raison humaine ait su créer".(...)
On ne peut citer un plus mémorable exemple de la stérilité des discussions verbales et de la fécondité de l'expérience. L'action dans le monde matériel et intellectuel est seule féconde : "Au commencement était l'action".

Le déterminisme économique est un nouvel outil, mis par Marx à la disposition des socialistes pour établir un peu d'ordre dans le désordre des faits historiques que les historiens et les philosophes ont été incapables de classer et d'expliquer. Leurs préjugés de classe et leur étroitesse d'esprit donnent aux socialistes le monopole de cet outil ; mais ceux-ci avant de le manier veulent se convaincre qu'il est absolument parfait et qu'il peut devenir la clef de tous les problèmes de l'histoire ; à ce compte, ils pourront, leur vie durant, continuer à discourir et à écrire des articles et des volumes sur le matérialisme historique, sans avancer la question d'une idée.
Les hommes de science ne sont pas si timorés ; ils pensent "qu'au point de vue pratique, il est d'importance secondaire que les théories et les hypothèses soient correctes, pourvu qu'elles nous guident à des résultats s'accordant avec les faits" 1. La vérité, après tout, n'est que l'hypothèse qui opère le mieux : souvent l'erreur est le plus court chemin à une découverte.(…)
Les physiciens peuvent aujourd'hui s'apercevoir que l'hypothèse de Démocrite est insuffisante pour comprendre les phénomènes récemment étudiés, cela n'empêche qu'elle a servi à éditer la chimie moderne.
(...)
Mais la Bourgeoisie victorieuse n'eut pas le courage de le prendre pour divinité poliade ; elle rafistola Dieu, que la Raison avait endommagé, et le remit en honneur ; cependant n'ayant pas une entière foi en sa toute puissance, elle lui adjoignit un troupeau de demi-dieux, - Progrès, Justice, Liberté, Civilisation, Humanité, Patrie, etc. - qui furent chargés de présider aux destinées des nations ayant secoué le joug de l'Aristocratie. Ces dieux nouveaux sont des Idées, des "Idées-forces", des "Forces impondérables". (…)

"Enfin, et pour la première fois, s'écriait Hegel, la Raison allait gouverner le monde". Les bourgeois de 1793 la déifièrent : déjà, aux débuts de la période bourgeoise dans le monde antique, Platon la déclarait supérieure à la Nécessité (Timée) et Socrate reprochait à Anaxagoras d'avoir, dans sa cosmogonie, tout expliqué par des causes matérielles, sans avoir fait aucun emploi de la Raison, dont on pouvait tout aspirer (Phédon). La domination sociale de la Bourgeoisie est le règne de la Raison. (...)

Un fait frappe tout d'abord : souvent un même mot est usité pour désigner une idée abstraite et un objet concret. Les mots qui dans les langues européennes signifient les biens matériels et la ligne droite veulent aussi dire le Bien moral et le Droit, le Juste :
Ta agatha (grec), les biens, les richesses ; to agathon, le Bien.
Bona (latin), les biens ; bonum, le Bien.
Goods (anglais), les biens ; the good, le Bien, etc...

UQAC

vendredi 22 mai 2009

"Peur de la jeunesse et de l'excès de liberté"


"Nous sommes aujourd'hui en pleine décadence. Les jeunes ne respectent plus leurs parents. Ils sont grossiers et impatients. Ils ont souvent élu domicile dans des tavernes et ne savent plus se contrôler".

Gravure sur une tombe égyptienne ( - 4000 av J.C. )

Des bassines et du zèle

Que, répondis-je, le père s'habitue à devoir traiter son fils d'égal à égal et à craindre ses enfants, le fils s'égale à son père, n'a plus honte de rien et ne craint plus ses parents, parce qu'il veut être libre ; le métèque s'égale au citoyen et le citoyen au métèque, et la même chose pour l'étranger.

C'est bien ce qui se passe, dit-il.

À tout cela, dis-je, s'ajoutent encore ces petits inconvénients : le professeur, dans un tel cas, craint ses élèves et les flatte, les élèves n'ont cure de leurs professeurs, pas plus que de tous ceux qui s'occupent d'eux ; et, pour tout dire, les jeunes imitent les anciens et s'opposent violemment à eux en paroles et en actes, tandis que les anciens, s'abaissant au niveau des jeunes, se gavent de bouffoneries et de plaisanteries, imitant les jeunes pour ne pas paraître désagréables et despotiques.

C'est tout à fait ça ! dit-il.

Mais en fait, dis-je, le comble, mon très cher, de l'excès de liberté, tel qu'il apparaît dans une telle cité, c'est quand ceux et celles qui ont été achetés ne sont en rien moins libres que ceux qui les ont achetés. Et dans les relations des hommes avec les femmes et des femmes avec les hommes, le point où en arrivent l'égalité des droits et la liberté, nous étions près de n'en quasiment rien dire !

Platon, La République, VIII, 562b-563e ( - 372 av J.C. )

"Ils n'ont aucun respect pour les parents ou les personnes âgées. Ils s'impatientent contre toute contrainte. Ils parlent comme s'ils savaient tout, et ce qui nous semble sage à nous est folie pour eux. En ce qui concerne les filles, elles sont effrontées, impudiques et sont mal élevées en paroles, en comportement et en habillement."

Sermon de Pierre l'Hermite ( 1274 )

Le réflexe professionnel du sociologue est de rappeler que les divisions entre les âges sont arbitraires. C'est le paradoxe de Pareto disant qu'on ne sait pas à quel âge commence la vieillesse, comme on ne sait pas où commence la richesse. En fait, la frontière entre jeunesse et vieillesse est dans toutes les sociétés un enjeu de lutte. 

Par exemple, j'ai lu il y a quelques années un article sur les rapports entre les jeunes et les notables, à Florence, au XVIème siècle, qui montrait que les vieux proposaient à la jeunesse une idéologie de la virilité, de la virtú, et de la violence, ce qui était une façon de se réserver la sagesse, c'est-à-dire le pouvoir. De même, Georges Duby montre bien comment, au Moyen Age, les limites de la jeunesse étaient l'objet de manipulations de la part des détenteurs du patrimoine qui devaient maintenir en état de jeunesse, c'est-à-dire d'irresponsabilité, les jeunes nobles pouvant prétendre à la succession. "

la jeunesse n’est qu’un mot par Pierre Bourdieu

jeudi 21 mai 2009

« Information and Environmental Warfare »


"Imaginons qu'en 2025 les Etats-Unis combattent depuis de plusieurs années un puissant cartel sud-américain de la drogue bénéficiant d'importants appuis politiques. Ce cartel a pu acquérir, sur le marché d'occasion, des centaines d'avions de chasse russes et chinois qui ont jusqu'à présent contrecarré toutes les tentatives américaines d'attaques de leurs installations de production.(…)

L'analyse des observations météorologiques révèle que cette région équatoriale d'Amérique du Sud se caractérise par des orages quotidiens, chaque après-midi, durant toute l'année. Les services de renseignement ont confirmé que les pilotes du cartel sont très réticents à voler dans de telles conditions. Par conséquent, les "Weather Force Support Element" (WFSE), sous l'autorité du commandant en chef (Commander in Chief, CINC) du Centre des Opérations aériennes (Air Operations Center, AOC), a reçu pour mission de prévoir la trajectoire des orages et de déclencher, ou d'intensifier les zones d'orages au-dessus des cibles (…)Le WFSE contrôle l'ensemble des opérations en temps réel et enregistre l'achèvement avec succès d'une nouvelle mission de modification des conditions mé- téorologiques d'une opération militaire; une mission importante, mais routinière en cette année 2025."

"Weather as a Force Multiplier : Owning the Weather in 2025".

"... Avant la moitié du 21ème siècle, il y aura de fait une explosion dans le domaine de la neurologie. ... On peut envisager le développement de sources d'énergie électromagnétiques, dont le signal peut être pulsé, mis en forme et dirigé, qui pourront être couplées avec le corps humain d'une manière qui permettra d'empêcher les mouvements musculaires volontaires, de contrôler les émotions (et les actions), d'endormir, de transmettre des suggestions, d'interférer avec la mémoire de court comme de long terme, de produire l'acquisition d'expériences, ou d'effacer des expériences acquises. Ceci ouvrira la porte au développement de nouvelles capacités qui pourront être utilisées dans un conflit armé, une action terroriste ou une prise d'otages, et pour la formation ... 

Il apparaîtrait aussi possible de créer un discours de haute fidélité dans le corps humain, potentialisant une suggestion ou une direction psychologique. Lorsqu'une pulsation micro-onde haute puissance, de l'ordre du gigahertz, atteint le corps humain, une très petite élévation de température apparaît. Celle-ci est associée à une soudaine expansion des tissus légèrement échauffés. Cette expansion est suffisamment rapide pour provoquer une onde acoustique. Si un courant pulsé est utilisé, il devrait être possible de créer un champ acoustique interne dans la gamme des 5 à 15 kilohertz, qui est audible. Donc, il peut être possible de "parler" à des adversaires choisis, d'une façon qui serait la plus perturbante pour eux…

"Biological Process Control" par le Scientific Advisory Committee de l'U.S. Air Force ( 1996 )

S’agissant des aspects juridiques des activités militaires

23. demande à l’Union européenne de faire en sorte que les nouvelles techniques d’armes dites non-létales et le développement de nouvelles stratégies d’armements soient également couverts et régis par des conventions internationales;

24. considère que le projet HAARP (High Frequency Active Auroral Research Project), en raison de son impact général sur l’environnement, est un problème d’une portée mondiale et demande que ses implications juridiques, écologiques et éthiques soient examinées par un organe international indépendant avant la poursuite des travaux de recherche et la réalisation d’essais; déplore que le gouvernement des Etats-Unis ait à maintes reprises refusé d’envoyer un représentant pour apporter un témoignage sur les risques que comporte pour l’environnement et la population le projet HAARP finance actuellement en Alaska, durant l’audition publique ou à l’occasion d’une réunion subséquente de sa commission compétente;

25. demande à l’organe chargé de l’évaluation des choix scientifiques et techniques (STOA) d’accepter d’examiner les preuves scientifiques et techniques fournies par tous les résultats existants de la recherche sur le programme HAARP aux fins d’évaluer la nature et l’ampleur exactes du danger que HAARP représente pour l’environnement local et mondial et pour la santé publique en général;

26. invite la Commission à examiner les incidences éventuelles sur l’environnement et la santé publique du programme HAARP pour l’Europe arctique et à lui faire rapport sur le résultat de ses investigations;

27. demande que soit établi un accord international visant à interdire à l’échelle mondiale tout développement et de ́ploiement d’armes qui pourraient ouvrir la porte à toute forme de manipulation de l’homme;

Le Parlement européen le Jeudi, 28 janvier 1999

GRIP
Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ?

L'optimiste pense que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles.
Le pessimiste pense que malheureusement c'est vrai.