mercredi 6 juillet 2011

Discours de Lord Byron contre la peine de mort appliquée aux ouvriers briseurs de machines ( les luddistes ) 1812


" Un tort considérable a été causé aux propriétaires des métiers perfectionnés. Ces machines leur étaient avantageuses, en ce sens qu'elles rendaient inutile l'emploi d'un certain nombre d'ouvriers, qui, en conséquence n'avaient plus qu'à mourir de faim. Par l'adoption d'une espèce de métier, en particulier, un seul homme faisait l'ouvrage de plusieurs, et l'excédant des travailleurs était laissé sans emploi. 





Remarquons toutefois, que l'ouvrage ainsi exécuté était d'une qualité inférieure, que ses produits ne pouvaient trouver de débouchés dans le pays, et n'étaient ainsi bâcles que dans un but d'exportation. Ces articles s'appelaient, dans le commerce, du nom de toile d'araignées.

Les ouvriers sans ouvrage, dans l'aveuglement de leur ignorance, au lieu de se réjouir de ces perfectionnements dans les arts, si avantageux au genre humain, se regardèrent comme des victimes sacrifiées à des améliorations mécaniques. Dans la folie de leur coeur, ils s'imaginèrent que l'existence et le bien-être de la classe laborieuse et pauvre étaient un objet de plus grande importance que l'enrichissement de quelques individus, par la suite de perfectionnement qui laissaient l'ouvrier sans emploi et sans ressources.

Et l'on doit avouer que s'il est vrai que l'adoption d'un vaste système de machines, dans l'état où se trouvait notre commerce il n'y a pas longtemps encore, a pu être utile au maître sans nuire à l'ouvrier, néanmoins, dans la situation actuelle de nos fabriques, alors que les produits manufacturés pourrissent dans les magasins sans perspective d'exportation, alors qu'il y a diminution égale dans les demandes de travail et d'ouvriers, des métiers de cette espèce ont pour résultat d'aggraver matériellement la détresse et le mécontentement des malheureux désappointés. Mais cette détresse et les troubles qui en résultent ont une cause plus profonde.

Quand on nous dit que ces hommes se liguent, non-seulement pour détruire leur propre bien-être, mais encore leurs moyens mêmes d'existence, pouvons-nous oublier que c'est la politique funeste, la guerre destructrice des dix-huit dernières années, qui ont détruit leur bien-être, le vôtre, celui de tout le monde? Cette politique, ouvrage de " grands hommes d'Etat qui ne sont plus ", a survécu aux morts, pour être le fléau des vivants jusqu'à la troisième et la quatrième génération! Ces hommes n'ont brisé les métiers que lorsqu'ils sont devenus inutiles, pire qu'inutiles, que lorsqu'ils sont devenus un obstacle réel à ce qu'ils gagnassent leur pain quotidien.

Pouvez-vous donc vous étonner que dans un temps comme le nôtre, où la banqueroute, la fraude prouvée, la félonie imputée, se rencontre dans des rangs peu au-dessous de celui de Vos Seigneuries, la population inférieure, et toutefois la plus utile de la population, oublie ses devoirs dans sa détresse, et se rende seulement un peu moins coupable que l'un de ses représentants? Mais tandis que le coupable de haut parage trouve les moyens d'éluder la loi, il faut que de nouvelles offenses capitales soient créées, que de nouveaux pièges de mort soient dressés pour le malheureux ouvrier que la faim a poussé au crime! Ces hommes ne demandaient pas mieux que de bêcher, mais la bêche était dans d'autres mains. Ils n'auraient pas eu honte de mendier, mais il ne se trouvait personne pour les secourir. Leurs moyens de subsistance leur étaient enlevés; aucune autre nature de travail ne s'offrait à eux, et leurs excès, tout condamnables et déplorables qu'ils sont, ne doivent pas nous surprendre. ( ... )

Tout ceci se passait à cent trente milles de Londres, tandis que nous, " bonnes gens dans la sécurité de notre grandeur " ,nous nous occupions tranquillement à jouir de nos triomphes à l'étranger, au milieu des calamités domestiques. Mais toutes les armées qui ont battu en retraite devant vos généraux, sont de tristes sujets de félicitation, si la discorde divise votre pays, et s'il vous faut envoyer des dragons et des bourreaux contre vos concitoyens.

- Vous appelez ces gens populace effrénée, dangereuse et ignorante, et vous semblez croire que le seul moyens de faire taire le " bellua multorum capitum " * est d'abattre quelques-unes de ces têtes superflues! Mais la populage elle-même est plus facilement ramenée à la raison par le mélange de la conciliation et de la fermeté que par une irritation additionnelle et une aggravation de châtiments.

Savons-nous toutes les obligations que nous avons à la populace? C'est la populace qui laboure vos champs, et fait le service de vos maisons; - qui manoeuvre votre marine et recrute votre armée; - qui vous a mis à même de tenir tête au monde entier, et vous tiendra tête à vous-mêmes quand l'abandon et le malheur l'auront poussée au désespoire. Vous pouvez donner au peuple le nom de populace; mais n'oubliez pas que souvent c'est le peuple qui parle par la voix de la populace, et, ici je ne puis m'empêcher de remarquer avec quel empressement vous volez au secours de vos alliés malheureux, abandonnant les malheureux de votre patrie à la sollicitude de la Providence, ou - de la paroisse. ( ... )

Quand on vous propose une mesure d'émancipation ou de redressement, vous hésitez, vous délibérez pendant des années entières; vous temporisez, vous avez recours à mille ménagements; mais une loi de mort doit être votée haut-la-main, sans songer aux conséquences. J'ai la certitude, d'après ce que j'ai vu et entendu, que dans les circonstances actuelles, voter ce bill sans enquête, sans délibération, ce serait joindre l'injustice à l'irritation, et la barbarie à l'indiférence. ( ... ) "

*( monstre aux cent têtes )

Oeuvres complètes de Lord Byron ( p. 776 )



« Une armée de justiciers » par Edward P. Thompson

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