vendredi 5 avril 2019

" Radio Libre Albemuth " par Philip K. Dick

En avril 1932, un petit garçon, son père et sa mère attendaient le ferry pour San Francisco sur une jetée d’Oakland, Californie. L’enfant, qui avait presque quatre ans, remarqua un mendiant aveugle, immense et vieux, avec barbe et cheveux blancs, qui tendait une sébile. Le petit garçon demanda à son père une pièce de cinq cents, qu’il alla ensuite donner au mendiant. Celui-ci le remercia d’une voix étonnamment cordiale et lui remit un bout de papier, que l’enfant porta à son père pour savoir de quoi il s’agissait.

« Ça parle de Dieu », dit son père.
Le petit garçon ne savait pas que le mendiant n’était pas un vrai mendiant, mais une entité surnaturelle venue visiter la Terre pour se renseigner sur les gens. Des années plus tard, le petit garçon grandit et devint homme. En 1974, cet homme dut soudain faire face à de gros problèmes et se retrouva confronté au déshonneur, à l’emprisonnement et à une mort possible. Il n’avait aucun moyen de se tirer de ce mauvais pas. À ce moment précis, l’entité surnaturelle revint sur terre, lui prêta une partie de son esprit et le libéra de ses problèmes. L’homme ne comprit jamais pourquoi l’entité surnaturelle était venue le sauver. Il avait depuis longtemps oublié le grand mendiant aveugle et barbu et les cinq cents qu’il lui avait donnés.

C’est de cela que je parle maintenant.

Mon ami Nicholas Brady, qui était persuadé d’avoir contribué à sauver le monde, naquit à Chicago en 1928 mais gagna la Californie immédiatement après. Il passa la majeure partie de sa vie aux abords de la Baie, en particulier à Berkeley. Il se souvenait des piquets d’attelage métalliques en forme de tête de cheval devant les vieilles bâtisses de la partie vallonnée de la ville, et des tramways électriques de la compagnie Red Trains qui assuraient la correspondance avec les ferries et, surtout, du brouillard. Plus tard, dans les années quarante, le brouillard cessa de recouvrir Berkeley la nuit.

À l’origine, Berkeley, à l’époque des Red Trains et des tramways, était une cité paisible et sous-peuplée à l’exception de l’université, avec ses célèbres foyers d’étudiants et son excellente équipe de football. Enfant, Nicholas Brady avait assisté à un certain nombre de matchs de foot, mais n’y avait jamais rien compris. Il n’arrivait même pas à saisir correctement l’hymne à la gloire de l’équipe. Mais il aimait le campus de Berkeley, ses arbres, ses paisibles bocages et Strawberry Creek ; par-dessus tout, il aimait le bief qui canalisait le petit cours d’eau. Le bief était ce qu’il y avait de mieux sur le campus. L’été, quand l’eau était basse, il remontait et descendait le ruisseau à la nage. Une fois, des gens l’avaient appelé pour lui demander s’il était étudiant. Il avait alors onze ans.
Je lui demandai un jour pourquoi il avait choisi de passer sa vie à Berkeley, qui était devenue dans les années quarante une ville surpeuplée, bruyante et infestée d’étudiants irascibles qui se bagarraient dans la boutique de la coopérative comme si les piles de boîtes de conserve avaient été des barricades.

« Merde, Phil, répondit Nicholas Brady, je suis chez moi à Berkeley. » C’est ce que croyaient les gens qui avaient atterri à Berkeley, même s’ils n’y étaient que depuis une semaine. Ils proclamaient qu’aucun autre endroit n’existait. Ceci devint tout particulièrement vrai lorsque les cafés s’ouvrirent sur Telegraph Avenue et que le mouvement pour la libre expression débuta. Un jour, Nicholas faisait la queue devant la coopérative de Grove et il aperçut Mario Savio devant lui dans la file. Savio souriait et faisait signe à ses admirateurs. Nicholas se trouvait sur le campus le jour où l’on brandit la banderole marquée PHUQUE dans la cafétéria et où les flics coffrèrent les types qui la portaient. Mais il était à la librairie à ce moment-là, en train de bouquiner, et il rata tout le truc.
Quoiqu’il ait tout le temps vécu à Berkeley, Nicholas ne fréquenta l’université que deux mois, ce qui le rendait différent de n’importe qui. Les autres étaient inscrits à perpétuité. Berkeley possédait toute une population d’étudiants professionnels qui n’obtenaient jamais leurs diplômes et n’avaient pas d’autre but dans la vie. 

Pour échapper à l’université, Nicholas n’avait pas d’autre échappatoire mortifiante que le ROTC qui, à son époque, avait toujours le vent en poupe. Enfant, Nicholas avait fréquenté une école maternelle aux tendances progressistes ou franchement communistes. Il y avait été envoyé par sa mère, qui comptait de nombreux amis parmi les membres du parti communiste de Berkeley, dans les années trente. Il était ensuite devenu quaker, et était resté assis avec sa mère lors d’assemblées d’amis comme en tiennent les quakers et au cours desquelles ils attendent que le Saint-Esprit les pousse à parler. Par la suite, Nicholas avait oublié tout cela, du moins jusqu’à ce qu’il s’enrôle au Cal et se voie attribuer un uniforme d’officier et un fusil M1. Sur ce, son inconscient avait réagi, encombré de vieux souvenirs ; il avait endommagé son fusil et se montrait incapable d’assimiler le manuel de maniement des armes ; il se rendait à l’exercice en civil ; il dégringolait la hiérarchie ; on l’informa que dégringoler la hiérarchie au ROTC signifiait un renvoi automatique de l’université de Californie, ce à quoi Nicholas répondit : « Il faut faire ce qui doit être fait. » (...)

Le problème de la restitution de son uniforme fut résolu lorsque les autorités universitaires ouvrirent son casier aux vestiaires et en tirèrent l’uniforme, les deux chemises comprises. Nicholas avait été exclu en bonne et due forme du monde militaire. Objections d’ordre moral et autres idées de courageuses protestations lui sortirent de l’esprit et, à la manière des étudiants du Cal, il se mit à traîner dans les rues de Berkeley, les mains dans les poches arrière de son jean, l’air lugubre, l’incertitude dans le cœur, pas d’argent dans le portefeuille, pas d’avenir défini en tête. Il habitait toujours chez sa mère, qui était lasse de cet arrangement. Il n’avait pas de talents particuliers, pas de projets, rien qu’une colère naissante. Dans la rue, il chantait un chant de marche gauchiste de la Brigade internationale de l’Armée loyaliste espagnole, une brigade communiste essentiellement composée d’Allemands. Ce chant disait :

Vor Madrid im Schützengraben,
In der Stunde des Gefahr,
Mit den eisernen Brigaden,
Sein Herz voll Hass geladen,
Stand Hans, der Kommissar.

Son vers préféré était « Sein Herz voll Hass geladen », qui signifiait « le cœur embrasé de haine ». Nicholas n’arrêtait pas de le chanter en descendant Berkeley Way jusqu’à Shattuck avant de remonter Dwight Way pour revenir à Telegraph. Personne ne lui prêtait attention, car ce qu’il faisait n’avait rien d’inhabituel dans le Berkeley de cette époque. On voyait souvent jusqu’à dix étudiants en jeans arpenter les rues en chantant des chants gauchistes et en écartant les gens sur leur chemin. (...)

Je rencontrai Nicholas pour la première fois en 1951, après que l’orchestre de Lu Watters fut devenu l’orchestre de Turk Murphy et fut pris sous contrat chez Columbia Records. À l’heure du déjeuner, Nicholas venait souvent à la librairie où j’étais employé et furetait parmi les exemplaires usagés de Proust, Joyce et Kafka, les vieux textes de cours que les étudiants de l’université nous revendaient quand ils arrivaient à la fin de leurs unités de valeur – et de leur intérêt pour la littérature. Coupé de l’université, Nicholas achetait les textes des divers cours scientifiques et littéraires qu’il lui était impossible de suivre ; il connaissait la littérature anglaise sur le bout des doigts, et il ne nous fallut pas longtemps pour nous mettre à bavarder, sympathiser et, finalement, partager un appartement au premier étage d’une maison en bardeaux bruns sur Bancroft Way, non loin de nos magasins respectifs.
Je venais de vendre ma première nouvelle de science-fiction, à Tony Boucher, pour un magazine qui s’appelait Fantasy and Science Fiction ; j’avais touché soixante-quinze dollars et je songeais à quitter mon emploi à la librairie pour devenir écrivain professionnel, ce que je fis par la suite. Je me mis à écrire de la science-fiction pour gagner ma vie.

La première expérience paranormale de Nicholas Brady eut lieu dans la maison de Francisco Street qu’il habita durant des années ; lui et sa femme Rachel avaient acheté la maison trois mille sept cent cinquante dollars quand ils s’étaient mariés en 1953. C’était une très vieille maison – une des fermes des origines de Berkeley – bâtie sur un terrain qui ne faisait pas plus de dix mètres de large, dépourvue de garage, assise sur un socle d’argile, et dont l’unique source de chauffage était le four de la cuisine. Le crédit revenait à vingt-sept dollars cinquante par mois, ce qui explique pourquoi Nicholas resta là-bas si longtemps.
Je lui demandais souvent pourquoi il ne repeignait ou ne réparait pas la maison ; le toit avait des fuites à l’époque des grosses pluies d’hiver, Rachel et lui disposaient des cafetières vides pour récupérer l’eau qui dégouttait un peu partout. La bâtisse était peinte d’un jaune hideux qui s’écaillait.

« Ça irait à l’encontre des raisons pour lesquelles J’ai une maison qui me coûte si peu », m’expliquait Nicholas. Il consacrait toujours la majeure partie de son argent à l’achat de disques. Rachel suivait des cours à l’université, dans le département des sciences politiques. Une fois, Nicholas me dit que son épouse avait le béguin pour un de ses camarades, qui dirigeait le groupe des Jeunesses du Parti socialiste des travailleurs implanté tout à côté du campus. Elle ressemblait aux autres filles que je croisais à Berkeley – jeans, lunettes, longs cheveux noirs, voix forte et assurée, parlant continuellement politique. Bien sûr, ceci se passait à l’époque de MacCarthy. Berkeley se politisait à l’extrême.Nicholas ne travaillait pas le mercredi et le dimanche. Le mercredi, il était seul chez lui. Le dimanche, Rachel et lui y étaient tous deux.
Un mercredi (il ne s’agit pas encore de l’expérience paranormale), deux agents du F.B.I. débarquèrent pendant qu’il écoutait la symphonie n°8 de Beethoven sur son électrophone Magnavox.

« Est-ce que Mrs. Brady est là ? » demandèrent-ils. Ils portaient des costumes trois-pièces et des valises pleines à craquer. Nicholas les prit pour des démarcheurs en assurances.
« Qu’est-ce que vous lui voulez ? » répliqua-t-il d’une voix hostile. Il croyait qu’ils essayaient de la voir pour lui vendre quelque chose.
Les deux agents échangèrent un regard puis présentèrent leurs cartes à Nicholas, que la rage et la terreur envahirent soudain. En balbutiant, il entreprit de raconter aux deux agents du F.B.I. une blague qu’il avait lue dans la rubrique « Talk of the Town » du New Yorker,et qui parlait de deux agents du F.B.I. qui, lors d’une enquête sur quelqu’un, avaient interrogé l’un de ses voisins, lequel avait déclaré que l’homme en question écoutait des symphonies ; ce sur quoi les agents avaient demandé d’un air suspicieux dans quelle langue étaient les symphonies.
Les deux agents plantés sur le pas de la porte de Nicholas écoutèrent cette version embrouillée de l’histoire et ne la trouvèrent pas drôle.
« Ce n’était pas notre service, fit l’un.
— Pourquoi ne discutez-vous pas avec moi ? »fit Nicholas, cherchant à protéger sa femme.

Les deux agents du F.B.I. échangèrent un nouveau regard, hochèrent la tête puis entrèrent dans la maison. Terrifié, Nicholas s’assit en face d’eux en essayant de réprimer son tremblement.
« Comme vous le savez, fit l’agent qui avait le double menton le plus imposant, il est de notre devoir de protéger les libertés des citoyens américains contre les ingérences totalitaires. Nous n’engageons jamais de poursuites à l’encontre des partis américains légitimes comme les partis républicain et démocrate, qui sont des partis politiques sérieux aux termes de la loi américaine. » Il se mit ensuite à parler du Parti socialiste des travailleurs qui, expliqua-t-il à Nicholas, ne constituait pas un parti politique légitime mais une organisation communiste qui se consacrait à la révolution violente au détriment des libertés américaines.

Nicholas savait tout cela. Il tint pourtant sa langue.
« Et votre épouse, fit l’autre agent, pourrait nous être de quelque utilité, étant donné qu’elle appartient au corps étudiant du P.S.T. ; elle pourrait nous rapporter qui assiste à leurs réunions et ce qui s’y dit. » Les deux agents regardèrent Nicholas avec l’air d’attendre quelque chose.
« Il faudra que j’en discute avec Rachel, dit Nicholas. Quand elle rentrera.
— Avez-vous des activités politiques, Mr. Brady ? » demanda l’agent qui avait le double menton le plus imposant. Il avait installé devant lui un bloc-notes et un stylo-encre. Les deux agents avaient disposé une de leurs valises entre Nicholas et eux ; il distingua la forme carrée d’un objet qui saillait à l’intérieur de celle-ci et comprit que leur conversation était enregistrée.

« Non », dit-il, sincère. Il ne faisait rien de plus qu’écouter des disques rares et exotiques de chants en langues étrangères, en particulier ceux de Hana Lemnitz, Erna Berger et Gerhard Husch.
« Aimeriez-vous en avoir ? demanda l’agent moins imposant.
— Hum, fit Nicholas.
— Vous connaissez bien le Parti populaire international, reprit le premier agent. Avez-vous déjà pensé à assister à leurs réunions ? Ils les tiennent à environ un pâté de maisons d’ici, de l’autre côté de San Pablo Avenue.
— Nous aurions l’usage de quelqu’un qui assisterait aux réunions du groupe local, insinua le premier agent. Ça vous intéresse ?
— Nous pourrions vous commanditer », ajouta son collègue.
Nicholas cligna des yeux, déglutit, puis prononça le premier discours de son existence. Les agents n’aimèrent pas ça, mais ils écoutèrent.
Plus tard le même jour, après le départ des agents, Rachel rentra, les bras chargés de textes de cours et apparemment d’humeur massacrante.
« Devine un peu qui est venu demander à te voir aujourd’hui ? » fit Nicholas. Il lui dit de qui il s’agissait.
« Les salauds ! s’écria Rachel. Les salauds ! »

C’est deux nuits plus tard que Nicholas fit son expérience mystique.
Lui et Rachel étaient au lit, endormis. Nicholas occupait le côté gauche, le plus proche de la porte de leur chambre. Encore perturbé par la visite des agents du F.B.I., il dormait d’un sommeil léger et très agité, traversé de vagues rêves d’une nature désagréable. Peu avant l’aube, alors que les premières lueurs du faux jour commençaient à envahir la chambre, il fit un faux mouvement ; la douleur le réveilla et il ouvrit les yeux.

Une silhouette silencieuse se tenait à côté du lit et le regardait. La silhouette et Nicholas se dévisagèrent ; Nicholas grogna, stupéfait, et s’assit dans le lit. Rachel s’éveilla aussitôt et se mit à crier.
« Ich bin’s ! » dit Nicholas pour la rassurer (il avait suivi des cours d’allemand après le lycée). Il voulait lui dire que la silhouette n’était autre que lui-même, « Ich bin’s » étant l’expression allemande correspondante. D’excitation, il ne s’aperçut pourtant pas qu’il s’exprimait dans une langue étrangère, même si une certaine Mrs. Altecca la lui avait enseignée en terminale. Rachel ne le comprenait pas. Nicholas se mit à lui donner de petites tapes pour la réconforter, mais il ne cessait pas de se répéter en allemand. Rachel était perdue et effrayée. Elle continuait de crier. Dans l’intervalle, la silhouette disparut.

Plus tard, quand elle fut tout à fait réveillée, Rachel ne fut plus sûre d’avoir vraiment aperçu la silhouette, et se demanda si elle n’avait pas simplement réagi au mouvement de surprise de Nicholas. Tout s’était passé si vite.
« C’était moi, dit Nicholas. J’étais à côté du lit et je me regardais moi-même. Je me suis reconnu.
— Qu’est-ce que ça faisait là ? demanda Rachel.
— Ça veillait sur moi », dit Nicholas. Il en était certain. Il avait vu l’expression du visage de la silhouette. Il n’y avait donc pas à avoir peur. Il avait l’impression que la silhouette – lui-même – était revenue du futur, peut-être d’un point très en avant dans le temps, pour s’assurer que son moi antérieur se débrouillait comme il fallait à une période critique de son existence. C’était une impression puissante et claire, et il n’arrivait pas à s’en débarrasser.
Il se rendit dans le salon et prit son dictionnaire d’allemand pour y chercher l’expression qu’il avait utilisée. Oui, ça collait. Elle signifiait littéralement « Je suis ça ».
Rachel et lui restèrent au salon à boire du café instantané, toujours en pyjama.

« J’aimerais bien être sûre de l’avoir vue, répétait sans arrêt Rachel. C’est sûr, quelque chose m’a fait peur. Tu m’as entendue crier ? Je ne me savais pas capable de crier comme ça. Je ne crois pas avoir jamais crié aussi fort de toute ma vie. Je me demande si les voisins ont entendu. J’espère qu’ils ne vont pas appeler la police. Je parie que je les ai réveillés. Quelle heure est-il ? Il commence à faire clair ; ça doit être l’aube.
— Il ne m’était jamais rien arrivé de semblable, dit Nicholas. Bon Dieu, ce que ça m’a surpris d’ouvrir les yeux comme ça et de me retrouver nez à nez avec ce truc – moi. Tu parles d’un choc. Je me demande si quelqu’un d’autre a jamais vécu un truc du même genre. Bon Dieu !
— Nous sommes si près des voisins, fit Rachel. J’espère que je ne les ai pas réveillés. »

Le lendemain, Nicholas se pointa chez moi pour me raconter son expérience mystique et me demander ce que j’en pensais. Il ne s’en ouvrit pas très franchement, cependant ; il commença par tout me raconter comme s’il ne s’agissait pas d’une expérience personnelle, mais d’une idée de science-fiction possible pour une nouvelle. Comme ça, si ça semblait stupide, le préjudice ne rejaillirait pas sur lui.
« Je me suis dit qu’en tant qu’écrivain de science-fiction tu pourrais peut-être expliquer ça, dit-il. Est-ce que c’était un voyage dans le temps ? Est-ce que ça existe, le voyage dans le temps ? À moins que ça ne soit un univers parallèle. »

Je lui dis qu’il s’agissait d’un autre lui-même venu d’un univers parallèle. La preuve en était qu’il s’était reconnu. S’il s’était agi d’un moi futur, il ne se serait pas reconnu, puisqu’il aurait eu des traits différents de ceux qu’il avait coutume de voir dans son miroir. Il était absolument impossible de reconnaître son moi futur. J’en avais fait le sujet d’une nouvelle, il y avait un certain temps. Dans cette nouvelle, le moi futur du personnage était revenu le prévenir qu’il (le personnage) s’apprêtait à commettre un acte stupide. Le personnage principal ne reconnaissait pas son incarnation future et la tuait. Je n’avais pas encore vendu la nouvelle, mais j’avais bon espoir. Mon agent, Scott Meredith, avait jusqu’ici vendu tout ce que j’avais écrit.
« Tu peux utiliser l’idée ? me demanda Nicholas.
— Non. C’est trop banal.
En mai 1948, il épouse Jeanette Marlin dont il divorce six mois plus tard, leurs centres d'intérêt divergeant totalement, pour se remarier en juin 1950 avec Kleo Apostolides, d'origine grecque, une militante gauchiste mineure, fichée au FBI pour communisme. Dick doit alors affronter la visite de deux agents fédéraux, qui lui demandent d'enquêter sur sa femme. Il refuse, mais finit pourtant par se lier avec l'un d'entre eux, George Scruggs, qui est fasciné par les discours de Dick et sa profession mystérieuse d'écrivain. Dick décrit cette épouse ultragauchiste et ces événements presque sans changement dans Radio libre Albemuth.

Le , un événement bouleverse sa vie. Lorsqu'il rentre chez lui, il trouve « les fenêtres fracassées, les portes fracturées, les serrures forcées » et constate « la disparition de plusieurs de [ses] affaires : on avait fait sauter [son] armoire-classeur à l'épreuve du feu, manifestement au moyen d'explosifs du type plastic », classeur où il conservait tous ses « trésors » : textes, vieux pulps de sa jeunesse, collections diverses… Aussitôt, ses peurs paranoïaques remontent à la surface : il accuse tour à tour le FBI et le KGB de vouloir attenter à sa vie. Sa plainte en justice reste sans suite.


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