Le Moi sans frein — que nous sommes tous de naissance et que nous restons toujours dans notre for intérieur — est dans l'État un criminel incorrigible. Quand un homme prend pour guides son audace, sa volonté, son absence de scrupules et son ignorance de la peur, l'État et le peuple l'entourent d'espions.
Le peuple ? — Oui, braves gens, le peuple ! — vous ne savez guère tout ce que vous lui devez ! — le peuple est policier dans l'âme, et celui-là seul qui renie son moi, qui pratique le « renoncement » obtient ses suffrages.
Je n’ai basé ma cause sur Rien.
Quelle cause n'ai-je pas à défendre? Avant tout, ma cause est la bonne cause, c'est la cause de Dieu, de la Vérité, de la Liberté, de l’Humanité, de la Justice; puis, celle de mon Prince, de mon Peuple, de ma Patrie; ce sera celle de l'Esprit, et mille autres encore. Mais que la cause que je défends soit ma cause, ma cause à Moi. jamais! « Fi! l'égoïste qui ne pense qu'à lui! » ( ... )
Et l'Humanité, dont nous devons aussi défendre les intérêts comme les nôtres, quelle cause défend-elle? Celle d'un autre? Une supérieure? Non, L'Humanité ne voit qu'elle-même, l'Humanité n'a d'autre but, que l'Humanité; sa cause, c'est elle-même. Pourvu qu'elle se développe, peu lui importe que les individus et les peuples succombent à son service; elle tire d'eux ce qu'elle en peut tirer, et lorsqu'ils ont accompli la tâche qu'elle réclamait d'eux, elle les jette en guise de remerciement dans la hotte de l'histoire. La cause que défend l'Humanité n'est-elle pas purement — égoïste ? ( ... )
Inutile de poursuivre, et de montrer à propos de chacune de ces choses qui nous appellent à leur défense qu'il ne s'agit pour elles que d'elles et non de nous, de leur bien et non du nôtre. Passez vous-mêmes les autres en revue, et dites si la Vérité, la Liberté, la Justice, etc., s'inquiètent de vous autrement que pour réclamer votre enthousiasme et vos services. Soyez des serviteurs zélés, rendez-leur hommage, c'est tout ce qu'elles demandent. ( ... )
Voyez ce Peuple que sauvent des patriotes dévoués; les patriotes tombent sur le champ de bataille ou crèvent de faim et de misère; qu'en dit le Peuple? Le Peuple? Fumé de leurs cadavres, il devient un « peuple florissant »! Les individus sont morts « pour la grande cause du Peuple », qui leur envoie quelques tardives phrases de reconnaissance et garde pour lui tout le profit. Cela me paraît d'un égoïsme assez lucratif. ( ... )
La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon général des exercices du culte. Mais on a reporté sur l'Homme tout ce qu'on a enlevé à Dieu, et la puissance de l'Humanité s'est accrue de tout ce que la piété a perdu en importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la place de l'ancienne crainte de Dieu.
Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un aspect différent de la crainte de Dieu.
Nos athées sont de pieuses gens. ( ... )
Nous classons habituellement les États suivant la façon dont le « pouvoir suprême » y est partagé ; s'il appartient à un seul, c'est une Monarchie ; s'il appartient à tous, une Démocratie, etc. Ce pouvoir suprême, contre qui s'exerce-t-il ? Contre l'individu et sa volonté d'individu. La puissance de l'État se manifeste sous forme de contrainte ; il emploie la « force », à laquelle l'individu, lui, n'a pas le droit de recourir. Aux mains de l'État, la force s'appelle « droit », aux mains de l'individu, elle s'appelle « crime ». Crime signifie : emploi de sa force par l'individu ; ce n'est que par le crime que l'individu peut détruire la puissance de l'État, quand il est d'avis que c'est lui qui est au-dessus de l'État et non l'État qui est au-dessus de lui. ( ... )
Le Moi sans frein — que nous sommes tous de naissance et que nous restons toujours dans notre for intérieur — est dans l'État un criminel incorrigible. Quand un homme prend pour guides son audace, sa volonté, son absence de scrupules et son ignorance de la peur, l'État et le peuple l'entourent d'espions. Le peuple ? — Oui, braves gens, le peuple ! — vous ne savez guère tout ce que vous lui devez ! — le peuple est policier dans l'âme, et celui-là seul qui renie son moi, qui pratique le « renoncement » obtient ses suffrages. ( ... )
Le Droit absolu entraîne dans sa chute les droits eux-mêmes, et avec eux s'écroule la souveraineté de l' « idée de droit ». Car il ne faut pas oublier que nous avons été jusqu'ici gouvernés par des idées, des notions, des principes, et que parmi tant de maîtres l'idée de droit ou l'idée de justice a joué un des principaux rôles. ( ... )
Si les hommes parviennent à perdre le respect de la propriété, chacun aura une propriété, de même que tous les esclaves deviennent hommes libres dès qu'ils cessent de respecter en leur maître un maître. Alors pourront se conclure des alliances entre individus, des associations égoïstes, qui auront pour effet de multiplier les moyens d'action de chacun et d'affermir sa propriété sans cesse menacée. ( ... )
Selon les Communistes, la communauté doit être propriétaire. C'est au contraire Moi qui suis propriétaire et je ne fais que m'entendre avec d'autres au sujet de ma propriété. Si la communauté va à l'encontre de mes intérêts, je m'insurge contre elle et je me défends. Je suis propriétaire, mais la propriété n'est pas sacrée. Ne serais-je donc que possesseur ? Eh ! non. Jusqu'à présent on n'était que possesseur, on ne s'assurait la jouissance d'une parcelle qu'en laissant les autres jouir de la leur. Mais désormais tout m'appartient ; je suis propriétaire de tout ce dont j'ai besoin et dont je puis m'emparer. Si le Socialiste dit : la Société me donne ce qu'il me faut, l'Égoïste répond : je prends ce qu'il me faut. Si les Communistes agissent en gueux, l'Égoïste agit en propriétaire. ( ... )
La question de la propriété n'est pas, je crois l'avoir montré, aussi simple à résoudre que se l'imaginent les Socialistes et même les Communistes. Elle ne sera résolue que par la guerre de tous contre tous. Les pauvres ne deviendront libres et propriétaires que lorsqu'ils s'insurgeront, se soulèveront, s'élèveront. Quoi que vous leur donniez, ils voudront toujours davantage, car ils ne veulent rien de moins que la suppression de tout don.
On demandera : Mais que se passera-t-il, quand les sans-fortune auront pris courage ? Comment s'accomplira le nivellement ? Autant vaudrait me demander de tirer l'horoscope d'un enfant. Ce que fera un esclave quand il aura brisé ses chaînes ? — Attendez, et vous le saurez. ( ... )
Cessons donc d'aspirer à la communauté ; ayons plutôt en vue la particularité. Ne recherchons pas la plus vaste collectivité, la « société humaine », ne cherchons dans les autres que des moyens et des organes à mettre en œuvre comme notre propriété ! Dans l'arbre et dans l'animal, nous ne voyons pas nos semblables, et l'hypothèse d'après laquelle les autres seraient nos semblables prend sa source dans une hypocrisie. Personne n'est mon semblable, mais, semblable à tous les autres êtres, l'homme est pour moi une propriété. On a beau me dire que je dois me comporter en homme envers le « prochain » et que je dois « respecter » mon prochain. Personne n'est pour moi un objet de respect ; mon prochain, comme tous les autres êtres, est un objet pour lequel j'ai ou je n'ai pas de sympathie, un objet qui m'intéresse ou ne m'intéresse pas, dont je puis ou dont je ne puis pas me servir.
S'il peut m'être utile, je consens à m'entendre avec lui, à m'associer avec lui pour que cet accord augmente ma force, pour que nos puissances réunies produisent plus que l'une d'elles ne pourrait faire isolément. Mais je ne vois dans cette réunion rien d'autre qu'une augmentation de ma force, et je ne la conserve que tant qu'elle est ma force multipliée. Dans ce sens-là, elle est une association. ( ... )
Pour en revenir à la propriété, c'est donc le maître qui est propriétaire. Et maintenant, choisis : veux-tu être le maître ou veux-tu que la société soit maîtresse ? Il dépendra de là que tu sois un propriétaire ou un gueux ! L'égoïsme fait le propriétaire, la société fait le gueux. Or, gueuserie ou absence de propriété, tel est le sens de la féodalité, du régime de vasselage qui, depuis le siècle dernier, n'a fait que changer de maître en mettant l'Homme à la place du Dieu, et en faisant un fief de l'Homme de ce qui auparavant était un fief accordé par la grâce divine. ( ... )
De même que le monde, en devenant ma propriété, est devenu un matériel dont je fais ce que je veux, l'esprit doit, en devenant ma propriété, redescendre à l'état de matériel devant lequel je ne ressens plus la terreur du sacré. Désormais je ne frissonnerai plus d'horreur à aucune pensée, quelque téméraire ou « diabolique » qu'elle paraisse, car, pour peu qu'elle me devienne trop importune et désagréable, sa fin est en mon pouvoir ; et désormais je ne m'arrêterai plus en tremblant devant une action parce que l'esprit d'impiété, d'immoralité ou d'injustice y habite, pas plus que saint Boniface ne s'abstint par scrupule religieux d'abattre les chênes sacrés des païens. Comme les choses du monde sont devenues vaines, vaines doivent devenir les pensées de l'esprit. ( ... )
Je suis le propriétaire de ma puissance, et je le suis quand je me sais Unique. Dans l'Unique, le possesseur retourne au Rien créateur dont il est sorti. Tout Être supérieur à Moi, que ce soit Dieu ou que ce soit l'Homme, faiblit devant le sentiment de mon unicité et pâlit au soleil de cette conscience.
Si je base ma cause sur Moi, l'Unique, elle repose sur son créateur éphémère et périssable qui se dévore lui-même, et je puis dire :
Je n’ai basé ma cause sur Rien.
Le peuple ? — Oui, braves gens, le peuple ! — vous ne savez guère tout ce que vous lui devez ! — le peuple est policier dans l'âme, et celui-là seul qui renie son moi, qui pratique le « renoncement » obtient ses suffrages.
Je n’ai basé ma cause sur Rien.
Quelle cause n'ai-je pas à défendre? Avant tout, ma cause est la bonne cause, c'est la cause de Dieu, de la Vérité, de la Liberté, de l’Humanité, de la Justice; puis, celle de mon Prince, de mon Peuple, de ma Patrie; ce sera celle de l'Esprit, et mille autres encore. Mais que la cause que je défends soit ma cause, ma cause à Moi. jamais! « Fi! l'égoïste qui ne pense qu'à lui! » ( ... )
Et l'Humanité, dont nous devons aussi défendre les intérêts comme les nôtres, quelle cause défend-elle? Celle d'un autre? Une supérieure? Non, L'Humanité ne voit qu'elle-même, l'Humanité n'a d'autre but, que l'Humanité; sa cause, c'est elle-même. Pourvu qu'elle se développe, peu lui importe que les individus et les peuples succombent à son service; elle tire d'eux ce qu'elle en peut tirer, et lorsqu'ils ont accompli la tâche qu'elle réclamait d'eux, elle les jette en guise de remerciement dans la hotte de l'histoire. La cause que défend l'Humanité n'est-elle pas purement — égoïste ? ( ... )
Inutile de poursuivre, et de montrer à propos de chacune de ces choses qui nous appellent à leur défense qu'il ne s'agit pour elles que d'elles et non de nous, de leur bien et non du nôtre. Passez vous-mêmes les autres en revue, et dites si la Vérité, la Liberté, la Justice, etc., s'inquiètent de vous autrement que pour réclamer votre enthousiasme et vos services. Soyez des serviteurs zélés, rendez-leur hommage, c'est tout ce qu'elles demandent. ( ... )
Voyez ce Peuple que sauvent des patriotes dévoués; les patriotes tombent sur le champ de bataille ou crèvent de faim et de misère; qu'en dit le Peuple? Le Peuple? Fumé de leurs cadavres, il devient un « peuple florissant »! Les individus sont morts « pour la grande cause du Peuple », qui leur envoie quelques tardives phrases de reconnaissance et garde pour lui tout le profit. Cela me paraît d'un égoïsme assez lucratif. ( ... )
La crainte de Dieu proprement dite est depuis longtemps ébranlée et la mode est à un « athéisme » plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon général des exercices du culte. Mais on a reporté sur l'Homme tout ce qu'on a enlevé à Dieu, et la puissance de l'Humanité s'est accrue de tout ce que la piété a perdu en importance : l'Homme est le dieu d'aujourd'hui et la crainte de l'Homme a pris la place de l'ancienne crainte de Dieu.
Mais comme l'Homme ne représente qu'un autre Être suprême, l'Être suprême n'a subi en somme qu'une simple métamorphose, et la crainte de l'Homme n'est qu'un aspect différent de la crainte de Dieu.
Nos athées sont de pieuses gens. ( ... )
Nous classons habituellement les États suivant la façon dont le « pouvoir suprême » y est partagé ; s'il appartient à un seul, c'est une Monarchie ; s'il appartient à tous, une Démocratie, etc. Ce pouvoir suprême, contre qui s'exerce-t-il ? Contre l'individu et sa volonté d'individu. La puissance de l'État se manifeste sous forme de contrainte ; il emploie la « force », à laquelle l'individu, lui, n'a pas le droit de recourir. Aux mains de l'État, la force s'appelle « droit », aux mains de l'individu, elle s'appelle « crime ». Crime signifie : emploi de sa force par l'individu ; ce n'est que par le crime que l'individu peut détruire la puissance de l'État, quand il est d'avis que c'est lui qui est au-dessus de l'État et non l'État qui est au-dessus de lui. ( ... )
Le Moi sans frein — que nous sommes tous de naissance et que nous restons toujours dans notre for intérieur — est dans l'État un criminel incorrigible. Quand un homme prend pour guides son audace, sa volonté, son absence de scrupules et son ignorance de la peur, l'État et le peuple l'entourent d'espions. Le peuple ? — Oui, braves gens, le peuple ! — vous ne savez guère tout ce que vous lui devez ! — le peuple est policier dans l'âme, et celui-là seul qui renie son moi, qui pratique le « renoncement » obtient ses suffrages. ( ... )
Le Droit absolu entraîne dans sa chute les droits eux-mêmes, et avec eux s'écroule la souveraineté de l' « idée de droit ». Car il ne faut pas oublier que nous avons été jusqu'ici gouvernés par des idées, des notions, des principes, et que parmi tant de maîtres l'idée de droit ou l'idée de justice a joué un des principaux rôles. ( ... )
Si les hommes parviennent à perdre le respect de la propriété, chacun aura une propriété, de même que tous les esclaves deviennent hommes libres dès qu'ils cessent de respecter en leur maître un maître. Alors pourront se conclure des alliances entre individus, des associations égoïstes, qui auront pour effet de multiplier les moyens d'action de chacun et d'affermir sa propriété sans cesse menacée. ( ... )
Selon les Communistes, la communauté doit être propriétaire. C'est au contraire Moi qui suis propriétaire et je ne fais que m'entendre avec d'autres au sujet de ma propriété. Si la communauté va à l'encontre de mes intérêts, je m'insurge contre elle et je me défends. Je suis propriétaire, mais la propriété n'est pas sacrée. Ne serais-je donc que possesseur ? Eh ! non. Jusqu'à présent on n'était que possesseur, on ne s'assurait la jouissance d'une parcelle qu'en laissant les autres jouir de la leur. Mais désormais tout m'appartient ; je suis propriétaire de tout ce dont j'ai besoin et dont je puis m'emparer. Si le Socialiste dit : la Société me donne ce qu'il me faut, l'Égoïste répond : je prends ce qu'il me faut. Si les Communistes agissent en gueux, l'Égoïste agit en propriétaire. ( ... )
La question de la propriété n'est pas, je crois l'avoir montré, aussi simple à résoudre que se l'imaginent les Socialistes et même les Communistes. Elle ne sera résolue que par la guerre de tous contre tous. Les pauvres ne deviendront libres et propriétaires que lorsqu'ils s'insurgeront, se soulèveront, s'élèveront. Quoi que vous leur donniez, ils voudront toujours davantage, car ils ne veulent rien de moins que la suppression de tout don.
On demandera : Mais que se passera-t-il, quand les sans-fortune auront pris courage ? Comment s'accomplira le nivellement ? Autant vaudrait me demander de tirer l'horoscope d'un enfant. Ce que fera un esclave quand il aura brisé ses chaînes ? — Attendez, et vous le saurez. ( ... )
Cessons donc d'aspirer à la communauté ; ayons plutôt en vue la particularité. Ne recherchons pas la plus vaste collectivité, la « société humaine », ne cherchons dans les autres que des moyens et des organes à mettre en œuvre comme notre propriété ! Dans l'arbre et dans l'animal, nous ne voyons pas nos semblables, et l'hypothèse d'après laquelle les autres seraient nos semblables prend sa source dans une hypocrisie. Personne n'est mon semblable, mais, semblable à tous les autres êtres, l'homme est pour moi une propriété. On a beau me dire que je dois me comporter en homme envers le « prochain » et que je dois « respecter » mon prochain. Personne n'est pour moi un objet de respect ; mon prochain, comme tous les autres êtres, est un objet pour lequel j'ai ou je n'ai pas de sympathie, un objet qui m'intéresse ou ne m'intéresse pas, dont je puis ou dont je ne puis pas me servir.
S'il peut m'être utile, je consens à m'entendre avec lui, à m'associer avec lui pour que cet accord augmente ma force, pour que nos puissances réunies produisent plus que l'une d'elles ne pourrait faire isolément. Mais je ne vois dans cette réunion rien d'autre qu'une augmentation de ma force, et je ne la conserve que tant qu'elle est ma force multipliée. Dans ce sens-là, elle est une association. ( ... )
Pour en revenir à la propriété, c'est donc le maître qui est propriétaire. Et maintenant, choisis : veux-tu être le maître ou veux-tu que la société soit maîtresse ? Il dépendra de là que tu sois un propriétaire ou un gueux ! L'égoïsme fait le propriétaire, la société fait le gueux. Or, gueuserie ou absence de propriété, tel est le sens de la féodalité, du régime de vasselage qui, depuis le siècle dernier, n'a fait que changer de maître en mettant l'Homme à la place du Dieu, et en faisant un fief de l'Homme de ce qui auparavant était un fief accordé par la grâce divine. ( ... )
De même que le monde, en devenant ma propriété, est devenu un matériel dont je fais ce que je veux, l'esprit doit, en devenant ma propriété, redescendre à l'état de matériel devant lequel je ne ressens plus la terreur du sacré. Désormais je ne frissonnerai plus d'horreur à aucune pensée, quelque téméraire ou « diabolique » qu'elle paraisse, car, pour peu qu'elle me devienne trop importune et désagréable, sa fin est en mon pouvoir ; et désormais je ne m'arrêterai plus en tremblant devant une action parce que l'esprit d'impiété, d'immoralité ou d'injustice y habite, pas plus que saint Boniface ne s'abstint par scrupule religieux d'abattre les chênes sacrés des païens. Comme les choses du monde sont devenues vaines, vaines doivent devenir les pensées de l'esprit. ( ... )
Je suis le propriétaire de ma puissance, et je le suis quand je me sais Unique. Dans l'Unique, le possesseur retourne au Rien créateur dont il est sorti. Tout Être supérieur à Moi, que ce soit Dieu ou que ce soit l'Homme, faiblit devant le sentiment de mon unicité et pâlit au soleil de cette conscience.
Si je base ma cause sur Moi, l'Unique, elle repose sur son créateur éphémère et périssable qui se dévore lui-même, et je puis dire :
Je n’ai basé ma cause sur Rien.
En 1843, il épouse une femme faisant partie des « Freien », Marie Dähnhardt, jeune féministe et idéaliste ayant hérité de son père. Stirner dédiera son livre L'Unique et sa propriété à « ma bien-aimée Marie Dähnhardt ». Le livre paraît en octobre 1844 avec le millésime 1845. Il est immédiatement censuré, censure levée au bout de deux jours, le livre étant considéré comme « trop absurde pour être dangereux ».
L'Unique et sa propriété a un impact important sur la pensée de 1845, il émeut les hommes cultivés en s'attaquant aux idoles et aux fondements de la société ; il suscite de vives polémiques et fournit des arguments contre le communisme et notamment Proudhon ainsi que contre la philosophie de Ludwig Feuerbach. Il tombe ensuite dans l'oubli pendant un demi-siècle, même si on peut envisager une réception clandestine de l'ouvrage. (...)
L'ouvrage est composé de vingt cahiers de 16 pages chacun, ce qui lui permettait d'échapper à la rigueur de la censure.
L'Unique et sa propriété a un impact important sur la pensée de 1845, il émeut les hommes cultivés en s'attaquant aux idoles et aux fondements de la société ; il suscite de vives polémiques et fournit des arguments contre le communisme et notamment Proudhon ainsi que contre la philosophie de Ludwig Feuerbach. Il tombe ensuite dans l'oubli pendant un demi-siècle, même si on peut envisager une réception clandestine de l'ouvrage. (...)
En 1845, il tente d'ouvrir une crèmerie à Berlin avec la dot de sa femme, mais l'entreprise fait faillite et il se retrouve couvert de dettes. Fin 1846, sa femme le quitte. En 1848, il est à Berlin mais ne participe pas à la Révolution de Mars. Il ne publie plus ensuite, en 1852, qu'une compilation de différents textes, d'Auguste Comte notamment, intitulée Histoire de la Réaction. Tombé dans la misère, il est poursuivi par ses créanciers et ira deux fois en prison pour dettes. Il meurt le à Berlin de l'infection causée par un anthrax mal soigné. Parmi les jeunes hégéliens, seuls Bruno Bauer et Ludwig Buhl furent présents à son enterrement.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Stirner
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