dimanche 7 avril 2019

" CRÉPUSCULE " par Juan Branco



Le pays entre en des convulsions diverses où la haine et la violence ont pris pied. Cette enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste, écrite en octobre 2018, vient donner raison à ces haines et violences que l’on s’est tant plus à déconsidérer.

Impubliable institutionnellement, elle l’est du fait des liens de corruption, de népotisme et d’endogamie que l’on s’apprête à exposer.

Tous les faits, pourtant, ont été enquêtés et vérifiés au détail près. Ils exposent un scandale démocratique majeur : la captation du pouvoir par une petite minorité, qui s’est ensuite assurée d’en redistribuer l’usufruit auprès des siens, en un détournement qui explique l’explosion de violence à laquelle nous avons assisté.

Qui l’explique car le scandale dont il est sujet n’a pas été dit ni révélé, nourrissant à force de compromissions successives une violence qui ne pouvait qu’éclater. En un pays où 90% de la presse est entre les mains de quelques milliardaires, l’exposition de la vérité est affaire complexe, et la capacité à dire et se saisir du réel ne cesse, pour les dirigeants et les « élites » tout autant que pour le « peuple », de se dégrader.

Un Français sur deux – sondage yougov du 4 décembre 2018 – souhaite la démission de Macron. Il faut mesurer la force de ce chiffre : il ne s’agit pas de dire que le Président de la République déplairait à un Français sur deux. Mais qu’un Français sur deux, dont une immense majorité croit et adhère au système politique existant, à peine un an après une élection présidentielle, considère que son résultat devrait être invalidé par le départ de celui qui théoriquement devait les diriger pendant cinq ans.  

Il n’est pas difficile d’en déduire qu’une très ample majorité l’approuverait, si cette chute ou destitution intervenait.
Comment l’expliquer, alors que formellement, cet être semble avoir respecté l’ensemble des conditions qui font qu’une élection puisse apparaître démocratique ?

Tout simplement, en montrant que cet être n’a respecté que formellement notre système démocratique, et l’a au contraire effondré. Et que l’illégitimité ressentie par une majorité de nos concitoyens correspond à une réalité.
Cela, nos journalistes et commentateurs, partis politiques, se refuseront toujours à le dire et à le croire, à l’enquêter. Cela est naturel, car, nous allons le montrer, ils ont été complices et principaux vecteurs du viol démocratique qui est intervenu, jeu d’apparences où l’on a présenté un être au peuple pour en masquer la réalité.

Les mots sont durs. Et pourtant, vous allez le découvrir : ils sont justifiés. Celui que nous nous apprêtons à abattre symboliquement a pris le pouvoir, littéralement, aux dépens des principes démocratiques et républicains auxquels nous adhérons, et par lesquels nous demandons son départ ou sa destitution. (...)

Tous semblent pris dans la nasse de ce qu’il conviendra d’appeler, et nous le justifierons, un système oligarchique. A savoir un espace public dominé par des individus dont la fortune dépend directement ou indirectement de l’État, et qui l’ont investie pour prendre le contrôle des médias et ainsi s’assurer de la préservation de leurs intérêts au détriment du bien commun.

Un État que l’on retrouve aujourd’hui et sans hasards, en une période où le peuple réclame ses droits, non plus dévoué à ce bien commun, mais au maintien de l’ordre, c’est-à-dire de l’existant, et de ceux qui y ont placés les leurs. Y compris pour desservir les populations.
Ce qu’il s’agit pour nous maintenant de démontrer, c’est qu’Emmanuel Macron a été « placé » bien plus qu’il n’a été élu. Que la presse a agi en ce domaine avec complicité. Et que la colère et la volonté de destitution qui anime une majorité de nos concitoyens s’en trouve légitimée. (...)

Ce que nous nous apprêtons à révéler ici, c’est la factualité qui a permis la mise en place de ce pouvoir. La façon, dont, par exemple, Edouard Philippe, sorti de nulle part, a accédé au poste de premier ministre, après s’être piteusement perdu entre des missions de lobbying pour une grande entreprise nucléaire et apparatchikismes di-vers auprès de Les Républicains. Comment et pourquoi Ludovic Chaker et Alexandre Benalla ont été recrutés à l’Elysée afin de mettre en place une garde prétorienne agissant en « police privée » d’Emmanuel Macron, selon le modèle que lui avait fait découvrir Bernard Arnault en le présentant à Bernard Squarcini, ancien directeur de la DGSI, actuellement mis en examen pour avoir mis au service de son nouveau patron, LVMH, ses réseaux et parfois les services secrets de notre pays. (...)

Ce qui va être démontré ici, c’est que ceux qui sont qualifiés par les petits soldats de l’ordre établi comme des « violents », tous ces gi- lets jaunes qui ont été tant raillés, sont ceux qui mieux que les autres ont compris. Parce qu’ils se tiennent loin des jeux d’influence qui pourrissent le petit-Paris. Parce qu’ils ne bénéficient pas directement ou indirectement des prébendes qu’offre l’État à qui en accepte l’asservissement : ils ont vu tout de suite les entourloupes que l’on tentait de leur imposer. Ils ont compris sans avoir à l’entendre, entre autres, que la taxe carbone n’était qu’un habillage pour faire payer à tous ce que quelques-uns, par l’ISF, l’exit, la flat tax et mille autres dispositifs récupéraient.

Cette liaison entre faits, cette discursivité, aucun membre de notre « élite » n’a cherché à la mettre en œuvre pendant cette période dans l’espace public. Ce sont eux, eux qui étaient censés être « illettrés », qui l’ont exposée.
Ce que ce texte entend démontrer, c’est que ce sont ceux qui réclament le départ du Président, et non ceux qui le défendent au nom des institutions, qui se sont mus en les défenseurs de notre République et la démocratie. (...)

Étrangement tenue à l’écart de bien des télévisions et médias, l’enquête menée par Jean-Michel Décugis, Pauline Guena et Marc Leplongeon nous révèle comment un ancien proxénète devenu milliardaire puis oligarque, un certain Xavier Niel, avait rencontré à l’orée des années deux-mille une femme du milieu, Michèle Marchand, emprisonnée notamment pour trafic de drogues, et avait décidé de s’allier à elle pour en faire un rouage dans son ascension fulgurante vers les plus grandes fortunes de France.

Première étrangeté que le texte révélait : cette « Mimi » Marchand avait été rencontrée par Xavier Niel grâce aux réseaux qu’il avait cultivés lors de son passage en prison. Si l’une fut incarcérée à Fresnes et l’autre dans la cellule VIP de la Santé – où il fut protégé par le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke, qui se dirait plus tard fasciné par le personnage, comme il l’avait été par bien des puissants, lui épargnant par ses réquisitions une trop longue incarcération – l’ouvrage nous apprend que leur avocate fut commune et les présenta mutuellement.
Rappelons que Xavier Niel est aujourd’hui détenteur des plus importants médias de notre pays, et qu’il a placé à leur tête un homme de main, Louis Dreyfus, chargé non pas de censurer ou de faire dire directement, mais de recruter et de licencier, promouvoir et sanctionner. Ce qui nous le verrons, est bien plus important. (...)

Mimi Marchand et ses jours de prison, ses réseaux dans la mafia et la police, ses hommes de main et paparazzi, ses menaces et ses violences, ses enveloppes d’argent liquide qui en ont achevé plus d’un, est une très proche d’Emmanuel et de Brigitte Macron.

Et cette même Michèle Marchand a été présentée à Brigitte Macron-Trogneux par son « ami » Xavier Niel, dans son hôtel particulier, afin de faire taire une information, et de transformer Emmanuel Macron, alors illustre inconnu, riche banquier ayant utilisé les réseaux de l’Etat pour faire sa fortune, s’interrogeant sur son avenir, le transformer en un gendre idéal, et susciter une sympathie que rien dans son parcours ne faisait naître.
L’opération, à en croire les auteurs de l’ouvrage, a été un succès, puisqu’elle aurait été directement à l’origine des - pas moins de - 29 unes dithyrambiques que Paris Match et quelques autres ont octroyé à Emmanuel Macron et sa femme en quelques mois.

Vingt-neuf unes. (...)

Un seul journaliste, en un seul ouvrage, tenterait de faire ce travail à temps : L’Ambigu M. Macron du dit Marc Endeweld, alors journaliste d’investigation. Et cet ouvrage, alors que personne ne comprenait rien à rien au phénomène Macron, ne serait pas même chroniqué au Monde ou au Figaro. Regardé avec dédain, on le laisserait passer, préférant s’intéresser et s’exciter au récit que Lagardère et Niel, Arnault et Marchand fabriquaient.

Un seul courageux, le même qui démissionnerait par la suite deMarianne suite à son rachat par un oligarque tchèque, un certain Kretinsky, investissant par ailleurs dans Elle et Le Monde pour préparer son rachat d’un Engie que M. Macron s’apprêtait à privatiser, exactement comme M. Drahi avait racheté Libération sur demande de M. Hollande – demande relayée par M. Macron – pour se voir autoriser au rachat de SFR, avant de nommer son ami et plume Laurent Joffrin à la tête de sa rédaction. Cela, ce n’est pas nous qui le racontons. C’est l’homme de main de M. Drahi, Bernard Mourad, intime de M. Macron, dans le Vanity Fair de décembre 2018, qui expose sans se gêner les modalités de constitution d’une oligarchie, un milliardaire trouvant appui en un Président contre le fait de mettre à son service un média racheté pour cela. Le tout, sans malaise ni questions. Sans indignation. (...)

Alors que le peuple bruit, achevons cette fable par cette simple affirmation : ces êtres ne sont pas corrompus car ils sont la corruption. Les mécanismes de reproduction des élites et de l’entre-soi parisien, aristocratisation d’une bourgeoisie sans mérites, ont fondu notre pays jusqu’à en faire un repère à mièvres et arrogants, médiocres et malfaisants.

Nulle part ne réside plus la moindre ambition, la moindre recherche d’un engagement ou d’un don. Reste une question. Pensait-on que ces êtres serviraient des idées, eux qui se sont constitués au service d’intérêts ? Pensait-on que ces individus nous grandiraient, eux qui se sont contentés, tout au long de leur vie, de servir pour construire une ambition que rien ne venait sustenter ? Et pense-t-on vraiment qu’en de telles circonstances, la suite de l’histoire ait à être contée ?

http://branco.blog.lemonde.fr/files/2019/01/Macron-et-son-Crepuscule.pdf

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