mardi 26 juillet 2022

Paroles et traduction du morceau du groupe The Clash : " The Call Up " ( " L'appel D'en Haut " )


The Call Up

(L'appel D'en Haut)


It's up to you not to heed the call-up

C'est à toi de ne pas faire attention à l'appel

'N' you must not act the way you were brought up

Et tu ne dois pas agir comme on t'a élevé

Who knows the reasons why you have grown up ?

Qui connait les raisons pour lesquelles tu as grandi ?

Who knows the plans or why they were drawn up ?

Qui connaît les plans ou pourquoi ils ont été dessinés ?


It's up to you not to heed the call-up

C'est à toi de ne pas faire attention à l'appel

I don't wanna die !

Je ne veux pas mourir !

It's up to you not to hear the call-up

C'est à toi de ne pas entendre l'appel

I don't wanna kill !

Je ne veux pas tuer !


For he who will die

Pour lui qui va mourir

Is he who will kill

Est-il celui qui va tuer


Maybe I wanna see the wheatfields

Peut-être que je veux voir les champs de blé

Over Kiev and down to the sea

Depuis Kiev jusqu'à la mer


All the young people down the ages

Tous les jeunes gens en bas âges

They gladly marched off to die

Ils ont fièrement marché vers la mort

Proud city fathers used to watch them

Les pères fiers de la ville les regardaient

Tears in their eyes

La peur dans leurs yeux

There is a rose that I want to live for

Il y a une rose pour laquelle je voudrais vivre

Although, God knows, I may not have met her

Bien que, Dieu le sait, je ne l'ai pas rencontrée

There is a dance an' I should be with her

Il y a une danse et je dois être avec elle

There is a town - unlike any other

Il y a une ville - différente des autres


It's up to you not to hear the call-up

C'est à toi de ne pas entendre l'appel

'N' you must not act the way you were brought up

Et tu ne dois pas agir comme on t'a élevé

Who give you work an' why should you do it ?

Qui t'a donné du boulot et pourquoi devrais-tu le faire ?

At fifty five minutes past eleven

à 11 h 55

There is a rose...

Il y a une rose...

Yeah !







dimanche 17 juillet 2022

Ishi « le dernier des Yahi »




Ishi « le dernier des Yahi »


Ishi était le dernier membre connu des Amérindiens personnes Yahi de l'état actuel de la Californie aux États-Unis . Le reste des Yahi (ainsi que de nombreux membres de leur tribu parent, les Yana ) ont été tués lors du génocide californien au 19ème siècle.

 Ishi, qui a été largement acclamé comme le "dernier Indien sauvage" en Amérique, a vécu la majeure partie de sa vie isolé de la culture américaine moderne. En 1911, âgé de 50 ans, il a émergé dans une grange et un corral, à trois kilomètres du centre-ville d' Oroville, en Californie .

Ishi a été accueilli par des anthropologues de l' Université de Californie à Berkeley , qui l'ont étudié et l'ont engagé comme concierge. Il a vécu la plupart de ses cinq dernières années dans un bâtiment universitaire à San Francisco . Sa vie a été décrite et discutée dans plusieurs films et livres, notamment le récit biographique Ishi dans Two Worlds publié par Theodora Kroeber en 1961. 




En 1865, Ishi et sa famille ont été attaqués dans le massacre des Trois Knolls , dans lequel 40 de leurs membres de la tribu ont été tués. Bien que 33 Yahi aient survécu pour s'échapper, les éleveurs ont tué environ la moitié des survivants. Les derniers survivants, dont Ishi et sa famille, se sont cachés pendant 44 ans. On pensait que leur tribu était éteinte. 

Avant la ruée vers l'or de Californie de 1848–1855, la population de Yahi comptait 404 personnes en Californie, mais le Yana total dans la région plus grande comptait 2 997.

La ruée vers l'or a amené des dizaines de milliers de mineurs et de colons dans le nord de la Californie, exerçant une pression sur les populations autochtones. L'exploitation aurifère a endommagé les réserves d'eau et tué des poissons; le cerf a quitté la région. Les colons ont apporté de nouvelles maladies infectieuses telles que la variole et la rougeole . 

Le groupe du nord de Yana s'est éteint tandis que les groupes du centre et du sud (qui sont devenus plus tard une partie de Redding Rancheria ) et les populations de Yahi ont chuté de façon spectaculaire. À la recherche de nourriture, ils sont entrés en conflit avec les colons, qui ont mis des primes de 50 cents par cuir chevelu et 5 dollars par tête aux indigènes. En 1865, les colons ont attaqué le Yahi alors qu'ils dormaient encore.

Richard Burrill a écrit, dans Ishi Rediscovered :

«En 1865, près du lieu spécial de Yahi, Black Rock, les eaux de Mill Creek sont devenues rouges lors du massacre des Trois Knolls. 'Seize' ou 'dix-sept' combattants indiens ont tué une quarantaine de Yahi, dans le cadre d'une attaque de représailles contre deux femmes blanches et un homme tué dans la maison des ouvriers à Lower Concow Creek, près d'Oroville. Onze des combattants indiens ce jour-là étaient Robert A. Anderson, Hiram Good , Sim Moak, Hardy Thomasson, Jack Houser, Henry Curtis, son frère Frank Curtis, ainsi que comme Tom Gore, Bill Matthews et William Merithew, WJ Seagraves a également visité le site, mais quelque temps après la bataille.

Robert Anderson a écrit: "Dans le ruisseau, ils ont sauté, mais peu sont sortis vivants. Au lieu de cela, de nombreux cadavres ont flotté dans le courant rapide."

 Une Indienne captive nommée Mariah de Big Meadows (aujourd'hui sur le lac Almanor), a été l'une de celles qui ont réussi à s'échapper. Les trois Knolls massacre est également décrit dans Theodora Kroeber de Ishi dans deux mondes.

Depuis, on a appris davantage. On estime qu'avec ce massacre, tout le groupe culturel d'Ishi, les Yana / Yahi, aurait pu être réduit à une soixantaine d'individus. De 1859 à 1911, la bande éloignée d'Ishi est devenue de plus en plus infiltrée par des représentants indiens non-Yahi, tels que des individus de Wintun , Nomlaki et Pit River .

En 1879, le gouvernement fédéral a ouvert des internats indiens en Californie. Certains hommes des réserves sont devenus des renégats dans les collines. Des volontaires parmi les colons et les troupes militaires ont mené des campagnes supplémentaires contre les tribus indiennes du nord de la Californie au cours de cette période.

À la fin de 1908, un groupe d'arpenteurs est tombé sur le camp habité par deux hommes, une femme d'âge moyen et une femme âgée. C'étaient respectivement Ishi, son oncle, sa sœur cadette et sa mère. Les trois premiers ont fui tandis que la seconde s'est cachée dans des couvertures pour éviter d'être détectée, car elle était malade et incapable de fuir. Les enquêteurs ont saccagé le camp et la mère d'Ishi est décédée peu après son retour. Sa sœur et son oncle ne sont jamais revenus.

Après la rencontre de 1908, Ishi passa encore trois ans seul dans le désert. Mourant de faim et n'ayant nulle part où aller, Ishi, vers l'âge de 50 ans, a été retrouvé avant le coucher du soleil par Floyd Hefner. Le shérif local a mis Ishi en garde à vue.

«L'homme sauvage» a attiré l'imagination et l'attention de milliers de spectateurs et de chercheurs de curiosités.


 



Le professeur Kroeber réussit à gagner la confiance d’Ishi. Il l’installe au Musée d’Anthropologie de l’Université de Californie à San Francisco. Ishi, qui a appris un peu d’anglais et s’est adapté à la vie américaine, se révèle un remarquable informateur pour les anthropologues. 







Il montre comment chasser, pêcher, construire des abris, comment fabriquer des armes et des outils, allumer un feu, préparer la nourriture, utiliser les herbes médicinales. Il chante les chants de son peuple, il raconte ses légendes. Il montre un grand respect pour les morts. 



Il est habituellement affable et souriant, mais il est secoué de crises d’angoisse quand il se rend avec Kroeber et Waterman sur les lieux où les siens ont vécu. Il se lie d’amitié et même d’affection avec Kroeber et sa famille, ainsi qu’avec le médecin qui s’occupe de lui.






dimanche 10 juillet 2022

Sapho par Paul Lafargue

 



Sapho

par Paul Lafargue

Le roman de M. Daudet a été un succès ; des milliers d'exemplaires ont été enlevés ; le sujet, arrangé pour la scène, fait salle comble. Il a été loué, discuté, critiqué doucement par la presse. Les gens de lettres, quand ils en reparlent, citent avec convoitise la somme qu'il a rapportée à son auteur. Le succès monétaire est la forme bourgeoise la plus élevée de la gloire, celle que prisent et que préfèrent les artistes et les écrivains modernes. M. Zola, dans un de ses articles de critique, prenait pour mesure littéraire le nombre d'éditions écoulées, c'est-à-dire des pièces de vingt sous empochées. Les bourgeois de toute industrie et de tout commerce partagent cette opinion ; ils ont proclamé Victor Hugo le plus grand poète des temps présents et passés : n'est-il pas mort cinq fois millionnaire.

Autrefois, quand le public acheteur de livres n'était pas encore constitué, les écrivains, même ceux de génie, étaient de pauvres hères, vivant des faveurs seigneuriales et royales, ce qui ne les empêchait pas de mourir misérables. Beaucoup d'entre eux entraient dans la domesticité des nobles ; vivant à leur table, rédigeant leurs lettres et leurs billets doux, composant leurs madrigaux. La noblesse avait les gens de lettres pour habiller galamment son esprit, et des valets pour soigner sa toilette de corps.

De nos jours la clientèle littéraire existe. A peine échappée de la terreur jacobine, la bourgeoisie se jeta sur le roman ; on ne pouvait suffire à sa boulimie, tous les jours de nombreux romans nouveaux en deux et quatre volumes étaient mis en vente au Palais-Royal qui portait alors le nom de Palais Egalité. Les femmes étaient les infatigables pondeuses des romans de l'époque ; les hommes, absorbés par la politique, la guerre, les tripotages financiers et le vol des biens nationaux, n'avaient pas de loisirs pour écrire. Le roman est la forme littéraire par excellence de la bourgeoisie, celle qui, peut-on dire, est née et s'est développée avec elle. Le fait historique est là, je n'ai pas à en rechercher les causes dans cet article.

La bourgeoisie et ses domestiques, les portières et les cuisinières, ont fourni la grande masse de la clientèle. Je dois ajouter, et sans insister, qu'il s'est créé dans les grandes villes une clientèle populaire pour un certain genre de romans bourrés de crimes, d'aventures policières et de péripéties dramatiques et fantaisistes. La bourgeoisie a encouragé le développement de cette littérature niaise et démoralisante ; elle occupe l'esprit populaire, l'endort et le détourne, ainsi que les chinoiseries politiques du radicalisme, de l'étude de ses véritables intérêts de classe. La Sapho de M. Daudet n'a pas été lue et achetée par cette clientèle, mais par la bourgeoisie frottée de littérature et qui s'enorgueillit d'aimer les études psychologiques.

M. Daudet a accommodé le plat littéraire qui lui convenait ; il lui a servi une étude psychologique selon ses goûts et ses capacités intellectuelles. Sapho, bâtie de pièces rapportées, mal rapprochées et mal collées, ressemble à ces mannequins vertébrés et articulés que les peintres et les sculpteurs habillent et placent dans des poses héroïques. Le livre se rachète par les personnages épisodiques, par les racontars sur la vie des femmes illégitimes de ces messieurs : les détails, pris sur le vif, sont dits avec un art mièvre, mais exquis dans sa mignardise. Le roman satisfît la bourgeoisie, qui demande qu'on l'amuse par des reportages piquants, bien tournés ; qu'on ne blesse pas ses préjugés et qu'on flatte ses instincts, ses sentiments et ses passions. M. Daudet a parfaitement rempli cette dernière partie de la tâche imposée à tout écrivain bourgeois : il est peu de livres plus bourgeois que Sapho.

Le bourgeois français est un être raisonnable, qui ne se laisse entraîner par la passion que rarement ; il se marie, la trentaine passée, pour faire une fin, selon son expression, à moins que, par hasard, il ne rencontre plus tôt une dot appétissante, une bonne affaire d'argent : alors il sacrifie sa jeunesse à sa femme. N'ayant pas fait voeu de chasteté et ne se livrant pas à des plaisirs solitaires ou à la boisson, comme les jeunes bourgeois d'Angleterre, il batifole avec les vierges folles de leur corps. Dans les temps préhistoriques de Paul de Kock et d'Eugène Sue, il existait une classe d'ouvrières, laborieuses, gagnant assez bien leur vie avec leur aiguille, mais folichonnes, amies du plaisir, ayant le coeur sur la main, courageuses, prenant les jours comme ils venaient, les amants quand il y avait une partie de bateau à Saint-Ouen, un dîner au Palais-Royal, une soirée à l'Ambigu. La grisette joyeuse et se contentant de peu est morte et enterrée, tuée par l'exploitation grippe-sou des grands magasins et des grands ateliers et par la prostitution légale et illégale.

Le jeune bourgeois, au grand déplaisir de ses père et autres parents plus ou moins naturels, doit aujourd'hui dépenser de l'argent pour tuer le temps qui s'écoule entre la puberté et le mariage. Comme il ne trouve plus de grisettes se donnant pour le plaisir, il doit se contenter des tristes femmes que la misère et l'exploitation de ses père et oncles oblige à se vendre pour vivre. S'il a des goûts relevés et chevaleresques, il prend une femme qui ne fait pas passer la rue par son lit. Mais la maîtresse de nos jours ne se contente plus du flan et de la galette ; quand elle accroche un fils de bourgeois, eile exige de la soie, des fourrures et du palissandre. Elle coûte beaucoup d'argent, et ça épouvante le bourgeois. Il se forme alors des sociétés anonymes pour entretenir une femme selon les exigences du jour. La cocotte accorde à l'un des associés le mardi, à l'autre le samedi, à celui-ci l'après-midi, à celui-là la nuit. Il arrive que dans ces ménages sociétaires, le jeune bourgeois trouve plus qu'il n'avait espéré : ainsi que dit le vieux Mathurin Regnier, s'il apporte le poisson, on lui fournit la sauce.

L'idéal bourgeois serait de trouver une femme qui le garantît des coups de pied de Vénus, qui lui coûtât peu d'argent et qu'il pourrait rejeter comme l'écorce d'une orange dont on a exprimé le jus.

Le héros de M. Daudet avait eu le bonheur de tomber sur une femme qui remplissait toutes les conditions de l'idéal bourgeois : il s'empresse de s'acoquiner avec elle. Sapho qui aime les cheveux frisés, s'amourache de Gaussin, garçon insipide et nul : loin de l'entraîner dans des dépenses, elle lui arrange un intérieur calme ; elle lui procure les plaisirs les plus raffinés de l'alcôve sans qu'il ait besoin de perdre son temps et son argent à courir après les cotillons ; elle tire son oncle d'un mauvais pas, en lui avançant une dizaine de mille francs gagnés le diable sait comment ; elle disparaît d'elle-même, sans menaces de vitriol, de coups de revolver, juste au moment où le jeune bourgeois entre dans une carrière officielle et va se porter candidat à quelque dot sérieuse.

M. Dumas, pas le père, le fils, dans une de ses préfaces qui rachetant leur banalité par leur longueur, dit qu'il est difficile, sinon impossible, de transporter sur la scène les rapports réels entre femmes et hommes de la vie mondaine, de peur d'effaroucher la pudeur de ces dames qui ne sont chastes que par les oreilles. S'il faut adoucir les tons et idéaliser la réalité pour ne pas blesser les cocottes légitimes et illégitimes du monde de M. Dumas, il faut aussi, dans les romans, ménager les sentiments de la bourgeoisie. M. Daudet ne pouvait, en psychologue hardi, fendre la crâne bourgeois et étaler brutalement aux yeux de tous son idéal de la maîtresse ; d'ailleurs, il est lui-même trop foncièrement bourgeois pour exposer crûment cet idéal qui est le sien : il farde.

Sapho, la fille de joie corrompue par la canaille du beau monde, rend à son amant des services d'amour et d'autre nature, pour le plaisir qu'elle y éprouve, ne demande rien, pas même de la reconnaissance. Gaussin, l'amant qui, comme un boeuf à l'étable, s'engraisse tranquillement dans ce ménage à la colle, qui se laisse dorloter, qui n'apporte qu'un amour las, regrette auprès de Sapho les plaisirs qu'il aurait pu prendre ailleurs, se désespère d'avoir manqué un mariage bâti trop romanesquement pour n'être pas une affreuse blague, lui reproche la colère d'un père ridicule à être empaillé, tellement il est rococo et en dehors du mouvement bourgeois. C'est renversant.

Mais c'est ce renversement de rôles qui a plu au bourgeois. Une des nobles passions de l'âme bourgeoise est de vouloir payer le moins cher possible tout service reçu. Le bourgeois aime à égayer sa jeunesse avec des femmes, mais il a une peur bleue que les femmes avec lesquelles il a vécu et qu'il délaisse à la première occasion, ne viennent un jour lui réclamer des secours. Bien avant la séparation, il se pose en martyr ; il raconte à celles qui ont le malheur de s'attacher à lui, qu'il se sacrifie en jouissant d'elles, qu'il mériterait récompense, comme un Alphonse ; il les paye d'avance en monnaie de singe.

M. Daudet a pu, avec l'approbation de tout honnête bourgeois, dédier son roman à ses enfants. Un jeune artiste de ma connaissance, bourgeois jusqu'au fond de ses culottes, me disait : "Je me souhaite une Sapho, pour attendre mes trente ans."

Au siècle dernier, le chevalier Desgrieux aimait follement Manon Lescaut ; pour la suivre, vivre de sa vie, il jetait par dessus bord, sans hésitation, convenances sociales, famille, avenir, et ne demandait à la charmante fille que son amour. Les hommes de la noblesse étaient capables d'oublier leur intérêt personnel ; le bourgeois est un animal si égoïste, qu'il ne peut même supposer qu'on puisse attendre de lui une action qui serait contraire à ses intérêts.

Le Socialiste, 2 janvier 1886.

https://www.marxists.org/francais/lafargue/works/1886/01/lafargue_18860102.htm


« Si quelqu'un veut savoir pourquoi nous sommes morts, dites-leur : Parce que nos pères ont menti. »

 



Tu seras un homme, mon fils

par Rudyard Kipling


Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie

Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,

Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties

Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,

Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,

Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,

Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles

Travesties par des gueux pour exciter des sots,

Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles

Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,

Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,

Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,

Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,

Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,

Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,

Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,

Si tu peux être brave et jamais imprudent,

Si tu sais être bon, si tu sais être sage,

Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite

Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,

Si tu peux conserver ton courage et ta tête

Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire

Seront à tous jamais tes esclaves soumis,

Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire

Tu seras un homme, mon fils.


Rudyard Kipling

né le 30 décembre, 1865 à Bombay, en Inde britannique, et mort le 18 janvier 1936 à Londres, est un écrivain britannique.

Ses ouvrages pour la jeunesse ont connu dès leur parution un succès qui ne s'est jamais démenti, notamment Le Livre de la jungle (1894), Le Second Livre de la jungle (1895), Histoires comme ça (1902), Puck, lutin de la colline (1906). Il est également l'auteur du roman Kim (1901), de poèmes (Mandalay (1890), Gunga Din (1890) et Tu seras un homme, mon fils (1910) sont parmi les plus célèbres) et de nouvelles, dont L'Homme qui voulut être roi (1888) et le recueil Simples contes des collines (1888). Il a été considéré comme un « innovateur dans l'art de la nouvelle », un précurseur de la science-fiction, et l'un des plus grands auteurs de la littérature de jeunesse. Son œuvre manifeste un talent pour la narration qui s'est exprimé dans des formes .

Cependant, Kipling a été souvent considéré comme un « prophète de l'impérialisme britannique », selon l'expression de George Orwell. La controverse au sujet des préjugés et du militarisme qui seraient présents dans son œuvre a traversé tout le xxe siècle.

Rudyard et sa jeune sœur Alice (dite Trix) de trois ans furent donc envoyés par bateau pour l'Angleterre, en l'occurrence pour se rendre à Southsea, Portsmouth, dans une famille d'accueil qui prenait en pension des enfants britanniques dont les parents résidaient en Inde. Les deux enfants grandirent sous la tutelle du capitaine Holloway et de son épouse, à Lorne Lodge, pendant les six années qui suivirent. Dans son autobiographie, publiée plus de soixante ans plus tard, Kipling évoque cette période avec horreur en se demandant non sans ironie si le mélange de cruauté et d'abandon qu'il subit auprès de Mme Holloway n'aurait pas précipité l'éclosion de ses talents littéraires.

« Si vous faites subir un interrogatoire à un enfant de sept ou huit ans sur ses activités de la journée (surtout lorsqu'il tombe de sommeil), il se contredira d'une façon tout à fait satisfaisante. Si chaque contradiction est épinglée comme mensonge et rapportée au petit déjeuner, la vie n'est pas facile. J'ai dû subir pas mal de brimades, mais il s'agissait là de torture délibérée, appliquée religieusement et scientifiquement. Par contre cela m'obligea à faire très attention aux mensonges que je dus bientôt concocter et je suppose qu'il s'agit d'une bonne base pour une carrière littéraire. »

Trix fut mieux traitée que Rudyard, car Mme Holloway voyait en elle un beau parti pour son fils. Cependant les deux enfants avaient de la famille en Angleterre dans laquelle ils pouvaient séjourner. À Noël, ils passaient un mois chez leur tante Georgiana (Georgy) et son mari, le peintre Edward Burne-Jones, dans leur maison de Fulham à Londres, « un paradis auquel je dois en vérité d'avoir été sauvé » selon Kipling. Au printemps 1877, Alice Kipling revint d'Inde et retira les enfants de Lorne Lodge.

« Maintes et maintes fois par la suite, ma tante bien-aimée me demanda pourquoi je n'avais jamais raconté comment j'étais traité. Mais les enfants ne parlent pas plus que les animaux car ils acceptent ce qui leur arrive comme étant décidé de toute éternité. De plus, les enfants maltraités savent très exactement ce qui les attend s'ils révèlent les secrets d'une prison avant d'en être bel et bien sortis. »

La réputation de Kipling était si étroitement liée aux idées optimistes qui caractérisent la civilisation européenne de la fin du xixe siècle qu'elle pâtit inévitablement du discrédit dans lequel ces idées tombèrent pendant la Première Guerre mondiale et dans les années d'après-guerre. L'une de ses premières contributions à la guerre fut de participer au Bureau de la Propagande de Guerre. Alors qu'il circulait le long des lignes de front, il fut frappé par les exactions allemandes contre les Belges. Il fut lui-même durement frappé par la guerre lorsqu'il perdit son fils, le lieutenant John Kipling, tué à la bataille de Loos en 1915. Il écrivit ces lignes :

« Si quelqu'un veut savoir pourquoi nous sommes morts, dites-leur : parce que nos pères ont menti. »

Il est possible que Kipling ait éprouvé un sentiment de culpabilité pour avoir contribué à faire entrer son fils dans la garde irlandaise de la British Army, alors que le jeune homme avait été réformé à cause de sa myopie.

Ce drame est une des raisons qui poussèrent Kipling à rejoindre la commission créée par Sir Fabian Ware, l'The Imperial War Graves Commission (La Commission impériale des sépultures militaires) aujourd'hui Commonwealth War Graves Commission, responsable des cimetières de guerre anglais qui jalonnent la ligne du front ouest et que l'on retrouve dans tous les lieux où des soldats du Commonwealth ont été inhumés. Kipling choisit notamment la phrase célèbre, « Leur nom vivra à jamais », tirée de la Bible et inscrite sur les pierres du souvenir des sépultures les plus importantes. C'est également à Kipling que l'on doit l'inscription « Connu de Dieu » sur la tombe des soldats inconnus. Kipling rédigea aussi l'histoire de la garde irlandaise, le régiment où servit son fils. Paru en 1923, l'ouvrage est considéré comme un des exemples les plus admirables de l'histoire régimentaire. Enfin il composa une nouvelle émouvante intitulée Le Jardinier qui raconte ses visites dans les cimetières de guerre.

Dans son essai Une folle solitude : le fantasme de l'homme auto-construit (2006), p. 116, Olivier Rey déclare :

« On trouve des effets délétères de la tyrannie paternelle jusque dans ses modalités d'effacement. Par exemple, dans ce poème mondialement connu et célébré de Rudyard Kipling, If — adapté en français par André Maurois sous le titre « Tu seras un homme mon fils » — où le père n'abandonne ses anciennes exigences qu'en imprégnant son renoncement de venin. Oh, certes, le fils est libre : pas de contraintes ! Juste une liste égrenée de conditions à remplir pour être un homme, plus exorbitantes les unes que les autres. Voir tout ce qu'on a accompli anéanti d'un coup et repartir de zéro avec une énergie intacte, endurer la calomnie sans un soupir, garder confiance quand tout le monde doute et sans reprocher aux autres de douter, etc. — ce genre de choses qui sont plus du ressort du divin que de l’humain. Une liste aussi délirante ne peut signifier qu'une chose : tu ne seras jamais un homme mon fils. Ou comment rester castrateur, l'être davantage encore en prétendant ne plus l'être. »


Histoires comme ça pour les petits. par Rudyard Kipling : La Baleine et son gosier.


 


Histoires comme ça pour les petits.

par Rudyard Kipling

La Baleine et son gosier.


Il y avait une fois, ô ma Mieux Aimée, il y avait dans la mer une Baleine, et qui mangeait les poissons.

Elle mangeait le mulet et le carrelet, le merlan et le poisson-volant, le turbot et le maquereau, l’anguille, sa fille et toute sa famille qu’a la queue en vrille.

Tous les poissons qu’elle pouvait attraper dans toute la mer, elle les mangeait avec sa bouche — comme ça !

Jusqu’à ce qu’enfin il ne resta plus qu’un seul petit poisson dans toute la mer, et c’était un petit Poisson-plein-d’astuce, et il se tenait en nageant juste derrière l’oreille droite de la Baleine, crainte de malentendu.

Alors la Baleine se dressa debout sur sa queue et dit :

— J’ai faim.

Et le petit Poisson-plein-d’astuce dit d’une petite voix pleine d’astuce également :

— Noble et généreux Cétacé, as-tu jamais goûté de l’Homme ?

— Non, dit la Baleine, à quoi ça ressemble ?

— C’est bon, dit le petit Poisson-plein-d’astuce. Bon, mais des arêtes.

— Alors, cherche-m’en, dit la Baleine.

Et elle fit écumer la mer en la fouettant de sa queue.

— C’est assez d’un pour commencer, dit le petit Poisson-plein-d’astuce. Si tu nages jusqu’à 50° de latitude Nord et 40° de longitude Ouest (ça, c’est de la magie), tu trouveras, sur un radeau, au milieu de l’eau, avec rien sur le dos, rien qu’une paire de culottes en droguet bleu et des bretelles (faut pas oublier les bretelles, Mieux Aimée), et son couteau de matelot, tu trouveras un Nautonier naufragé, lequel, il est juste de t’en prévenir, est un homme d’infinie-ressource-et-sagacité.

Sur quoi la Baleine s’en fut, nageant nageras-tu, jusqu’au numéro 50 de latitude Nord et 40 de longitude Ouest, et là, sur un radeau, au milieu de l’eau, sans rien sur le dos, qu’une paire de culottes en droguet bleu, une paire de bretelles (faut surtout pas oublier les bretelles, Mieux Aimée) et son couteau de matelot, elle trouva un Nautonier naufragé, tout solitaire et tout esseulé, qui se tortillait les doigts de pied dans l’eau salée.

(Sa m’man lui avait permis de faire ça, sans quoi jamais il n’aurait osé, rapport que c’était un homme d’infinie-ressource-et-sagacité.)

Alors la Baleine ouvrit la bouche grande, grande, grande, comme si elle allait se fendre jusqu’à la queue, et elle avala le Nautonier naufragé, avec son radeau, sa culotte de droguet bleu, ses bretelles (n’oublie pas !) et son couteau de matelot.

Elle serra tout bien au chaud dans les placards tout noirs de son petit intérieur, et puis elle fit claquer sa langue, — comme ça, — et tourna trois fois sur sa queue.

Mais aussitôt que le Nautonier, lequel était un homme d’infinie-ressource-et-sagacité, se trouva pour de bon au chaud dans le fin fond des placards tout noirs du ventre de la Baleine, il se mit à danser et valser, à frapper et taper, à rogner et couper, à tordre et à mordre, à bondir et mugir, à ramper et saper, à moudre et découdre, à choir et s’asseoir, à gueuler et piler, à exécuter des gigues aux endroits qu’il ne fallait pas, si bien que la Baleine ne se sentit pas du tout heureuse. (Pas oublier les bretelles !…)

Ceci, c’est le portrait de la Baleine en train d’avaler le Nautonier avec son infinie-ressource-et-sagacité, et le radeau, et le couteau de matelot et ses bretelles, qu’il faut ne pas oublier. Les choses à boutons sont les bretelles du Nautonier, et on peut voir le couteau à côté. Le Nautonier est assis sur le radeau ; mais le radeau penche, de sorte qu’on ne peut pas en voir beaucoup. La chose blanchâtre à portée de la main gauche du Nautonier est un morceau de bois avec lequel il essayait de diriger le radeau quand arriva la Baleine. Le Nautonier le laissa dehors, en entrant. Le nom de la Baleine était Mme du Sourire et le Nautonier s’appelait Mr. Henry Albert Bivvens. Le petit Poisson-plein-d’astuce se cache sous le ventre de la Baleine, sans quoi je l’aurais dessiné. La raison qui fait que la mer paraît si drôle, c’est que la Baleine est en train de l’aspirer toute dans sa bouche, afin d’aspirer Mr. Henry Albert Bivvens et le radeau, et le couteau de matelot, et les bretelles. Il ne faut pas oublier les bretelles.



De sorte qu’elle dit au Poisson-plein-d’astuce :

— Cet homme a beaucoup d’arêtes. En outre, il me donne le hoquet. Que faut-il faire ?

— Dis-lui de sortir, dit le Poisson-plein-d’astuce.

Là-dessus la Baleine cria dans son propre gosier au Nautonier naufragé :

— Sortez et tâchez de vous tenir. J’ai le hoquet.

— Point, point, dit le Nautonier. Pas comme ça, mais bien au contraire. Ramène-moi à ma rive natale et aux blanches falaises d’Albion, et puis on verra.

Et il se remit à danser pire que jamais.

— Il vaut mieux le ramener chez lui, dit le Poisson-plein-d’astuce à la Baleine. J’aurais dû vous avertir que c’est un homme d’infinie-ressource-et-sagacité.

Donc, la Baleine s’en fut, nageant nageras-tu, si vite qu’elle put, des nageoires et de la queue, malgré son hoquet ; et enfin elle aperçut la rive natale du Nautonier et les blanches falaises d’Albion, et elle s’échoua, la moitié du corps sur la grève, ouvrit la bouche grande, grande, grande et dit :

— Tout le monde descend pour Winchester, Ashuelot, Nashua, Keene et toutes les stations de la ligne de Fitchburg !

Et juste comme elle disait « Fitch », le Nautonier sortit.

Voici la Baleine en train de chercher le petit Poisson-plein-d’astuce, lequel se cache sous le seuil des Portes de l’Équateur. Il se cache parmi les racines de la grande algue qui pousse devant les Portes de l’Équateur. Elles sont toujours fermées. On les tient fermées parce qu’il faut toujours fermer les portes. La chose en forme de corde, qui traverse tout droit, est l’Équateur lui-même ; et les machines qui ont l’air de rochers sont les deux géants Moar et Koar, qui ont la garde de l’Équateur. C’est eux qui ont fait les images sur les Portes de l’Équateur, et ce sont eux qui ont sculpté tous ces poissons tordus au-dessous des Portes. Les poissons à bec s’appellent des Dauphins à bec, et les autres avec les drôles de têtes s’appellent des Requins-Marteaux. La Baleine ne retrouva le petit Poisson-plein-d’astuce qu’une fois sa mauvaise humeur passée, et alors ils redevinrent bons amis.



Or, tandis que la Baleine nageait, le Nautonier, car c’était, en vérité, une personne d’infinie-ressource-et-sagacité, avait pris son couteau de matelot et taillé le radeau en forme de petit grillage carré en bouts de bois croisés, et il l’avait attaché avec ses bretelles. (Maintenant tu sais pourquoi il fallait se rappeler les bretelles !) Et il avait traîné ce grillage en travers du gosier de la Baleine, où il resta fiché.

Ça n’était pas une chose à faire, mais ce Nautonier était aussi un Hi-ber-ni-en d’Hibernie.

Il sortit ensuite, les mains dans les poches, sur les galets, et s’en retourna chez sa Mère, qui lui avait donné la permission de tortiller ses doigts de pied dans l’eau salée ; et il se maria et eut beaucoup d’enfants.

La Baleine aussi.

Mais, depuis ce jour-là, le grillage qu’elle avait dans le gosier, et qu’elle n’a jamais pu faire sortir en toussant, ni descendre en avalant, l’empêche de rien manger que des petits, tout petits poissons, et c’est la raison pourquoi les baleines d’aujourd’hui ne mangent jamais d’hommes, de garçons, ni de petites filles.

Le petit Poisson-plein-d’astuce alla se cacher dans la vase, sous le pas des Portes de l’Équateur. Il avait peur que la Baleine fût fâchée contre lui.

Le Marin rapporta son couteau à la maison. Il avait la culotte de droguet bleu en mettant le pied sur les galets de la grève, les mains dans ses poches. Les bretelles, il les avait laissées, vois-tu, pour attacher le grillage avec.

Et c’est la fin de cette histoire-là.


https://fr.m.wikisource.org/wiki/Histoires_comme_%C3%A7a_pour_les_petits/La_Baleine_et_son_gosier


Les Histoires comme ça sont des histoires pour enfants, écrites par l'auteur anglais Rudyard Kipling, publiées en 1902.

 Elles font partie de ses œuvres les plus connues. La traduction française fut réalisée par Robert d’Humières, Louis Fabulet et André Divault.

Les histoires, initialement publiées en 1902, étaient illustrées avec des estampes de Kipling lui-même. Les éditions suivantes furent enrichies par des illustrations provenant d'autres artistes.

Chaque histoire est accompagné d'un poème. 

De nombreuses histoires sont adressées à sa "Mieux-aimée" car elles furent d'abord écrites pour la fille de Kipling, Josephine, qui décéda en 1899 des suites d'une pleurésie.

Les Histoires comme ça sont sans doute les plus connus des contes étiologiques contemporains, des récits ayant pour but de donner une explication (imaginaire) à un phénomène ou une situation courante.

samedi 2 juillet 2022

Ces intelligences artificielles qui me terrifient par Mr Lê Nguyên Hoang



Les discussions autour de l'intelligence artificielle s'appuient trop souvent sur une représentation érronée de la nature des intelligences artificielles les plus puissantes du monde.

Cette vidéo cherche à corriger cela, en donnant l'exemple concret de cinq intelligences artificielles déjà existantes et méconnues, au pouvoir très largement surhumain. 

Par monsieur Lê Nguyên Hoang de la chaîne YouTube Science4All.




Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ?

L'optimiste pense que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles.
Le pessimiste pense que malheureusement c'est vrai.