mardi 31 juillet 2018

" Paris " par Emile Zola ( 1897 )

Déjà la propagande secrète, la foi militante des anarchistes l’avaient frappé, comme ayant des ressemblances avec celles des sectaires chrétiens, au début. Ceux-là, à l’exemple de ceux-ci, se jettent dans une espérance nouvelle, pour que justice enfin soit rendue aux humbles.  



 tout détruire pour tout reconstruire. 

Pierre, demeuré près du lit, écoutait également avec une attention passionnée. Dans l’écroulement qui s’était fait en lui de toutes les croyances, dans le néant auquel il avait abouti, ces hommes venus là des quatre points des idées du siècle, remuaient le terrible problème dont il souffrait, celui de la croyance nouvelle attendue par la démocratie du siècle prochain. Et, depuis les ancêtres immédiats, depuis Voltaire, depuis Diderot, depuis Rousseau, quels continuels flots d’idées, se succédant, se heurtant sans fin, les unes enfantant les autres, toutes se brisant dans une tempête où il devenait si difficile de voir clair !

 D’où soufflait le vent, où allait la nef de salut, pour quel port fallait-il donc s’embarquer ? Déjà il s’était dit que le bilan du siècle était à faire, qu’il devrait, après avoir accepté l’héritage de Rousseau et des autres précurseurs, étudier les idées de Saint-Simon, de Fourier, de Cabet lui- même, d’Auguste Comte et de Proudhon, de Karl Marx aussi, afin de se rendre au moins compte du chemin parcouru, du carrefour auquel on était arrivé. Et n’était-ce pas une occasion, puisqu’un hasard réunissait ces hommes chez lui, apportant les vivantes et adverses doctrines, qu’il se promettait d’examiner ? (…)


Jamais pareil débordement n’avait encore inondé la presse. Le Globe, si prudent, si grave d’ordinaire, n’était pas épargné, cédait à ce coup de folie de l’information à outrance. Mais il fallait voir les journaux sans scrupules La Voix du peuple surtout, exploitant la fièvre publique, terrifiant, détraquant la rue, pour tirer et vendre davantage. Chaque matin, c’était une imagination  nouvelle, une effroyable histoire à bouleverser le monde. On racontait que de grossières lettres de menaces étaient adressées journellement au baron Duvillard, pour lui annoncer qu’on allait tuer sa femme, sa fille, son fils, l’égorger lui-même, faire sauter son hôtel, à ce point que, jour et nuit, cet hôtel était gardé par une nuée d’agents en bourgeois. 

Ou bien il s’agissait d’une stupéfiante invention, un égout du côté de la Madeleine, dans lequel des anarchistes étaient descendus, minant tout le quartier, apportant des tonneaux de poudre, un volcan où devait s’engloutir une moitié de Paris. Ou bien on affirmait qu’on tenait la trame d’un immense complot, enserrant l’Europe entière, du fond de la Russie au fond de l’Espagne, et dont le signal partirait de la France, un massacre de trois jours, les boulevards balayés par la mitraille, la Seine rouge, roulant du sang. Et, grâce à cette belle et intelligente besogne de la presse, la terreur régnait, les étrangers épouvantés désertaient en masse les hôtels, Paris n’était plus qu’une maison de fous, où trouvaient créance les plus imbéciles cauchemars. (…)

« Il n’y a qu’un bandit pour faire un coup pareil, dit Toussaint. Leur anarchie, ça me révolte, je n’en suis pas. Mais, tout de même, que les bourgeois s’arrangent, si on les fait sauter. Ça les regarde, ils l’ont voulu. » 

Et il y avait, au fond de cette indifférence, tout un long passé de misère et d’injustice, le vieil homme las de lutter, n’espérant plus en rien, prêt à laisser crouler ce monde où la faim menaçait sa vieillesse de travailleur fourbu. 

«Vous savez, moi, reprit Charles, je les ai entendus qui causaient, les anarchistes, et, vrai ! ils disent des choses très justes, très raisonnables... Enfin, père, voilà que tu travailles depuis plus de trente ans, est-ce que ce n’est pas une abomination ce qui vient de t’arriver, la menace de crever comme un vieux cheval qu’on abat, à la moindre maladie. Et, dame ! ça me fait songer à moi, je me dis que ce ne sera pas drôle, de finir comme ça... Que le tonnerre de Dieu m’emporte ! on est tenté d’en être, de leur grand chambardement, si ça doit faire le bonheur de tout le monde » (…)

Pierre ne répondit pas tout de suite. 

Déjà la propagande secrète la foi militante des anarchistes l’avaient frappé, comme ayant des ressemblances avec celles des sectaires chrétiens, au début. Ceux-là, à l’exemple de ceux-ci, se jettent dans une espérance nouvelle, pour que justice enfin soit rendue aux humbles. Le paganisme disparaît par lassitude de la chair, besoin d’autre chose, d’une foi candide et supérieure. C’était le jeune espoir arrivant historiquement à son heure, ce rêve du paradis chrétien, ouvrant l’autre vie, avec ses compensations. 

Aujourd’hui que dix-huit siècles ont épuisé cet espoir, que la longue expérience est faite, l’éternel esclave dupé, l’ouvrier fait le nouveau rêve de remettre le bonheur sur cette terre, puisque la science lui prouve chaque jour davantage que le bonheur dans l’Au-delà est un mensonge. Que ce soit une illusion encore, mais qu’elle soit renouvelée, rajeunie et vivace, dans le sens de la vérité conquise! Il n’y a là que l’éternelle lutte du pauvre et du riche, l’éternelle question de plus de justice et de moins de souffrance. Et la conjuration des misérables est la même, la même affiliation, la même exaltation mystique, la même folie de l’exemple à donner et du sang à répandre. (…)


« Voler, tuer, non ! non ! je ne veux pas ! Mais il faut tout dire, bien établir l’histoire de l’heure mauvaise que nous traversons. C’est une démence qui souffle, et la vérité est qu’on a fait le nécessaire pour la provoquer. Aux premiers actes, encore innocents des anarchistes, la répression a été si dure, la police a si rudement malmené les quelques pauvres diables tombés dans ses mains, que toute une colère a monté peu à peu, pour aboutir aux horribles représailles. Songe donc aux pères battus, jetés en prison, aux mères et aux enfants crevant de faim sur le pavé, aux vengeurs affolés que laisse derrière lui chaque anarchiste mourant sur l’échafaud. La terreur bourgeoise a fait la sauvagerie anarchiste.  

 Et, d’un grand geste, il avoua le rêveur social qu’il était, à côté du savant scrupuleux, très méthodique, très modeste devant les phénomènes. Son effort constant était de tout ramener à la science, et il avait un grand chagrin de ne pouvoir constater scientifiquement, dans la nature, l’égalité, ni même la justice, dont le besoin le hantait, socialement. 

C’était là son désespoir, de ne pas arriver à mettre d’accord sa logique d’homme de science et son amour d’apôtre chimérique. Dans cette dualité, la haute raison faisait sa tâche à part, tandis que le cœur d’enfant rêvait de bonheur universel, de fraternité entre les peuples, tous heureux, plus d’iniquités, plus de guerre, l’amour seul maître du monde. (…)


« Que voulez-vous ? il y a une société, elle se défend quand on l’attaque... Et puis, vraiment, ces anarchistes sont trop bêtes, lorsqu’ils s’imaginent qu’ils vont modifier le monde, avec leurs pétards. Vous savez mon opinion, la science seule est révolutionnaire, la science suffira à faire non seulement de la vérité, mais aussi de la justice, si la justice est jamais possible ici-bas... C’est pourquoi, mon enfant, je vis si tolérant et si calme. » 

De nouveau, Guillaume voyait se dresser ce révolutionnaire singulier, certain qu’il travaillait, au fond de son laboratoire, à la ruine de la vieille et abominable société actuelle. avec son Dieu, ses dogmes, ses lois, mais trop désireux de son repos, trop dédaigneux des faits inutiles pour se mêler aux événements de la rue préférant vivre tranquille, renté, récompensé, en paix avec le gouvernement, quel qu’il fût, tout en prévoyant et en préparant le formidable enfantement de demain. 

Il eut un geste vers Paris, sur lequel un soleil de victoire se couchait, et il dit encore : 

« L’entendez-vous gronder ?... C’est nous qui entretenons la flamme, qui mettons toujours du combustible sous la chaudière. Pas une heure, la science n’interrompt son travail, et elle fait Paris, qui fera l’avenir, espérons-le... Le reste n’est rien. » 

Guillaume ne l’écoutait plus, songeait à Salvat, songeait à cet engin terrible qu’il avait inventé, qui demain détruirait des villes. Une pensée nouvelle naissait, grandissait en lui. Et il venait de dénouer le dernier lien, il avait fait autour de lui tout le bonheur qu’il pouvait faire. Ah ! retrouver son courage, être son maître, tirer au moins du sacrifice de son cœur la joie hautaine d’être libre, de donner sa vie, s’il jugeait nécessaire de la donner ! (…)


jeudi 19 juillet 2018

" Ni Dieu ni maitre - Une histoire de l'anarchisme " par Tancrède Ramonet

Qui sont-ils, d'où viennent-ils et que pensent-ils, ceux qui hier comme aujourd'hui se disaient anarchistes. 

Pourquoi, alors qu’ils furent fichés, leurs visages, nous demeurent-ils  étrangers. Pourquoi leurs pensées semblent-elles confuses et leurs histoires si inquiétantes ?

Né du capitalisme, frère ennemi du communisme d’ état, l’ anarchisme n’a pourtant eu de cesse de souffler son vent de révolte sur le monde. 




Depuis la Commune de Paris, jusqu’à l’ émergence des premières grandes organisations syndicales, de l’apparition des milieux libres, jusqu’à la mise en place des colonies libertaires, le mouvement anarchiste a été à l’ origine des premières révolutions et sur les cinq continents l’ un des principaux promoteurs des grandes avancées sociales. D’ où vient donc l’ odeur de souffre qui précède chacun de ses sombres cortèges ? 

Es-ce par ce que ces révolutionnaires, ont été à l’ instar de Ravachol ou de Bonnot, parmi les premiers à jouer du révolver et à faire parler la poudre, ou ne s’ agit-t-il là que d’un triste malentendu, une noire légende voire un simple fantasme médiatique et policier, qui aurait dessiné le portrait de ces utopistes savants, en apôtres de la destruction ?

Il n’en demeure pas moins que les pouvoirs légués, les ont partout et toujours réprimés. On les a menés enchainés à la guillotine, ou on les sanglas au dossier de la chaise électrique et le moindre de leurs châtiments, ne fut surement pas la réduction de leurs gestes à une chronique de faits divers, ni l’ effacement de leurs victoires dans la mémoire sociale.

Quel est donc l’origine de ce mouvement, qui combat depuis plus de cent cinquante ans tous les maitres et les dieux.

Comment l’anarchisme qui rêve pour notre monde un autre futur nous pose t-il des questions toujours aussi actuelles, et pourquoi son histoire est elle, plus que jamais la notre ?




Qu'est-ce que la propriété ? C'est avec ce manifeste fondateur qu'en 1840 l'ouvrier typographe Pierre-Joseph Proudhon jette les bases d'une solution anarchiste à la misère terrible qui se développe depuis le début du siècle dans les grands bassins industriels. En 1864, lors du Congrès de la Ière Internationale des travailleurs à Londres, les anarchistes sont largement majoritaires. Bakounine voit dans la dictature du prolétariat proposée par Marx "la menace d'une effrayante bureaucratie rouge". 

De la Commune de Paris, en 1871, à la grève générale de 1906, de l'émergence des Bourses du travail à celle des grandes organisations syndicales, des premiers votes féminins aux communautés de vie alternative, de l'éducation populaire à la mise en place d'écoles libertaires, le mouvement anarchiste suscite des expériences révolutionnaires inédites et se révèle l'un des principaux promoteurs des grandes avancées sociales. De Ravachol à Bonnot, de l'assassinat de Sadi Carnot (1894) à celui d'Umberto Ier d'Italie (1900), ce premier épisode rappelle aussi que la "propagande par le fait" que choisissent certains anarchistes inaugure un terrorisme international qui cible avec succès les sommets de l'État, mais contirbue à forger sa légende noire.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, dans une Europe exsangue, l'anarchisme semble avoir perdu l'essentiel de son influence. Mais les révolutions mexicaine (1910), puis russe (février 1917), ont vu appliquer ses mots d'ordre à une échelle jusque-là inédite, même si l'échec de la première, et la prise du pouvoir par les bolcheviks à Saint-Pétersbourg, ont rejeté à nouveau parmi  des vaincus des milliers de ses militants. Dans cet entre-deux guerres où, très vite, les totalitarismes fascistes et soviétique se font face, l'anarchisme reste fort en Amérique. 

En 1927, l'exécution des deux militants Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti suscite une immense réprobation des deux côtés de l'Atlantique. Puis, au printemps 1936, l'élection en Espagne d'un gouvernement de Front populaire va permettre aux anarchistes d'écrire, notamment en Catalogne, l'une des pages les plus marquantes de leur histoire, avant d'être écrasés dans la tourmente de la guerre civile. 

vendredi 6 juillet 2018

" Les centristes sont les plus hostiles à la démocratie, pas les extrémistes " par David Adler

Pourcentage de personnes affirmant que les droits civils protégeant la liberté individuelle de l’oppression étatique sont une « composante essentielle de la démocratie »

Les panneaux d’avertissement clignotent en rouge : la démocratie est menacée. En Europe et en Amérique du Nord, les candidats sont de plus en plus autoritaires, les systèmes de partis de plus en plus instables et les citoyens de plus en plus hostiles aux normes et aux institutions de la démocratie libérale.


Ces tendances ont suscité un débat majeur entre ceux qui considèrent le mécontentement politique comme étant d’origine économique, culturelle ou générationnelle. Mais toutes ces explications partagent un même postulat, selon lequel la menace viendrait des extrêmes politiques.
À droite, les ethno-nationalistes et les libertariens  sont accusés de soutenir des politiques fascistes ; à gauche, les radicaux des campus et le mouvement dit des « antifas » de trahir les principes libéraux. Dans l’ensemble, l’hypothèse est que les opinions radicales vont de pair avec le soutien à l’autoritarisme, tandis que la voix de la modération suggère une approche plus engagée dans un processus démocratique.
Peut-être pas. Mes recherches suggèrent qu’en Europe et en Amérique du Nord, les centristes sont les moins favorables à la démocratie, les moins attachés à ses institutions et les plus favorables à l’autoritarisme.
J’ai examiné les données de la plus récente Enquête Mondiale des Valeurs (World Values ​​Survey, 2010 à 2014) et European Values ​​Survey (2008), deux études parmi les plus exhaustives concernant l’opinion publique, menées dans plus de 100 pays. L’enquête demande aux personnes interrogées de se placer sur un spectre allant de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par le centre. J’ai ensuite pointé le soutien porté par chaque groupe aux principales institutions démocratiques.  

LES CENTRISTES SONT LES PLUS SCEPTIQUES ENVERS LA DÉMOCRATIE


Pourcentage de personnes affirmant que la démocratie est un « très bon » système politique
Les personnes interrogées se plaçant au centre du spectre politique sont les moins favorables à la démocratie, selon plusieurs critères d’évaluation, faisant référence à la démocratie comme « meilleur système politique », ou à la politique de façon plus générale. Dans tous les cas, les personnes au centre ont les opinions les plus critiques sur la démocratie.

LES CENTRISTES ONT LE MOINS TENDANCE À SOUTENIR LA TENUE D’ÉLECTIONS LIBRES ET JUSTES


Pourcentage de personnes affirmant que le choix d’un dirigeant dans des élections libres est « une composante essentielle de la démocratie ».
Certaines des données les plus frappantes reflètent le point de vue des personnes interrogées sur les élections. Le taux de soutien à des élections « libres et équitables » chute chez les centristes, dans chaque pays de l’échantillon. L’amplitude de l’écart chez les centristes est frappante. Dans le cas des États-Unis, moins de la moitié des personnes au centre considèrent les élections comme essentielles.

LES CENTRISTES ONT MOINS TENDANCE À SOUTENIR LES INSTITUTIONS LIBÉRALES


Légende du graphique : Pourcentage de personnes affirmant que les droits civils protégeant la liberté individuelle de l’oppression étatique sont une « composante essentielle de la démocratie »
Bien sûr, le concept de « soutien à la démocratie » est quelque peu abstrait et les personnes interrogées peuvent interpréter la question de différentes façons. Qu’en est-il du soutien aux droits civils, si essentiel au maintien de l’ordre démocratique libéral ? Dans presque tous les cas, le soutien aux droits civils diminue au centre. Aux États-Unis, seulement 25% des centristes s’accordent à dire que les droits civils sont une caractéristique essentielle de la démocratie.

LES CENTRISTES SONT LES PLUS GRANDS SOUTIENS DE L’AUTORITARISME

(Mis à part l’extrême droite)


Pourcentage d’américains soutenant la notion de chef politique fort.

Pourcentage de personnes affirmant qu’un dirigeant fort n’ayant pas à s’embarrasser d’une législature est « assez bon » ou « très bon ».
L’un des signes avant-coureurs les plus forts d’un danger pour la démocratie a été la montée de leaders populistes aux tendances autoritaires. Mais bien que ces chefs politiques aient gagné en popularité, il n’est pas certain que les citoyens soutiennent explicitement des modes de gouvernement plus autoritaires. J’ai trouvé, cependant, des preuves d’un soutien considérable au concept du « chef fort » qui ignore la législation de son pays, en particulier chez les centristes. Aux États-Unis, le soutien des centristes à un chef politique de type fort dépasse de loin celui de la droite et de la gauche.

QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE ?

En Europe et en Amérique du Nord, le soutien à la démocratie est en déclin. Pour expliquer cette tendance, la sagesse conventionnelle pointe vers les extrêmes politiques. À la fois l’extrême gauche et l’extrême droite sont, selon ce point de vue, prêtes à contourner les institutions démocratiques pour parvenir à un changement radical. Les modérés, au contraire, sont censés défendre la démocratie libérale, ses principes et ses institutions.
Les chiffres indiquent que ce n’est pas le cas. Alors que les démocraties occidentales tombent dans le dysfonctionnement, aucun groupe n’est à l’abri de l’attrait de l’autoritarisme – et encore moins les centristes, qui semblent préférer un gouvernement fort et efficace à une politique démocratique désordonnée.
Dans le monde en développement, les hommes forts ont trouvé un soutien au centre : du Brésil et de l’Argentine à Singapour et l’Indonésie, les modérés de la classe moyenne ont encouragé les transitions autoritaires pour obtenir la stabilité et assurer la croissance. La même chose pourrait-elle se produire dans les démocraties établies comme celles de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis ?
https://lemediapresse.fr/politique-fr/les-centristes-sont-les-plus-hostiles-a-la-democratie-pas-les-extremistes/

dimanche 1 juillet 2018

" Le Cinquième Empire " par Dominique de Roux

Mon secret, je vous le révèle aujourd'hui, est celui du Portugal. Nous autres nous attendons quelque chose depuis toujours... Plus grand sera le désastre irrémédiable, plus le Cinquième Empire sera proche. C'est notre promesse, notre blessure. 



« Il n'y a de grande écriture que d'agonie » 

je songeais à mes rencontres et conversations avec Humberto Delgado à Montréal, à Washington, à Lisbonne, au Brésil.

Le négociateur de l'utilisation des bases des Açores par les Anglais pendant la dernière grande guerre, représentant du Portugal à l'Organisation de l'aviation civile internationale et à l'OTAN, candidat à la présidence de la République, condamné par la droite et probablement exécuté par la gauche par le truchement de la fameuse P.I.D.E. (Police internationale de défense de l'Etat), était un soldat et un compagnon incomparable. 

Je me souviens de nos promenades par les rues et venelles au long des vieux hôtels et palais de Lisbonne,au pied des remparts et de la forteresse, face à la rade du Tage, au débouché de la mer de Paille, du Tage «qui largement mêle ses âges morts à la solitude de la mer... » « sobre a solidao do m ar », de nos conversations dans les jardins et bosquets riches en ancolies, en bougainvillées, en lauriers, en figuier Sienglycines, en menthe embaumée, de nos déjeuners à Cascais, à l'extrême pointe de la frange de l'extrême Occident, dans un bistrot sur la plage où les langoustes et le vin vert ne manquaient point et où mon hôte vitupérait Salazar qu'il avait dans sa jeunesse défendu dans les combats de rue, torse nu, les armes à la main, avec les cadets de la marine. Comme le temps passe! (...)

 Les communistes n'ont pas de sexe [...] 

Oui, Monsieur, les serviteurs de la Révolution n'ont pas plus de sexe que de cœur. Le communisme a tout rétréci en eux. Ils sont la mécanique d'un système de police, de psychiatres et de pénitenciers. Le mot peuple, dans la bouche des membres du parti, est une farce. À ce point de mensonge, ils ne savent plus ce que c'est que le mensonge. L'esprit de négation a aplati en eux toute spiritualité. Il les rabaisse, les matérialise et les enferme dans la mentalité petite-bourgeoise avec ses hiérarchies à rebours. Si vous voulez, le communisme, c'est le côté cour du nazisme. (...)

L’histoire repose sur les décisions et les migraines d’une centaine d’individus moyens, idiots, qui peuvent imposer leurs idées, lubies, tocades, gadgets, hold-up, après des conversations de trois minutes. (...)

Le passé était mort. A jamais perdu le Portugal impérial et l'Afrique dans son immensité lusitane. Dorénavant les limites portugaises s'arrêtent aux sables de la mer ibérique. La corne de brume de Sagres ponctue de ses mugissements la disparition de l'Ancien Monde. 

Et le roi qui errait depuis des siècles sur les cinq océans à la recherche de l'embouchure du Tage, frappé à mort, a sombré avec l'Esprit. Il n'appartiendra jamais plus au rêve. Tout est fini. Et les croyances. Et les mouettes trompées par l'odeur des engrais qui suivaient les charrues de l'Algarve recherchent à leur tour le poisson dans la terre. (...)



Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ?

L'optimiste pense que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles.
Le pessimiste pense que malheureusement c'est vrai.