Observons à ce propos que, sur le plan physiologique, le berdache n'est pas un sous-homme ou une femmelette. Au contraire, il apparaît souvent, selon les chroniqueurs et les anthropologues, comme un sur-homme :
plus fort, plus musclé, plus grand, plus prospère, plus intelligent (« génial »), plus généreux, plus doué (art et politique), et sauf exception, il ne semble pas particulièrement impuissant sur le plan sexuel.
« Je ne sçay par quelle superstition quelques Illinois, aussi bien que quelques Nadoüessis, estant encore jeunes prennent l’habit de femme qu’ils gardent toute leur vie : il y a du mystère, car ils ne se marient jamais, & font gloire de s’abaisser à faire tout ce que font les femmes ; ils vont pourtant en guerre, mais ils ne peuvent se servir que de la massuë & non pas de l’arc & de la flèche, qui sont les armes propres pour les hommes ;
ils assistent à toutes les Jongleries & à toutes les Dances solennelles qui se font en l’honneur du Calumet, ils y chantent mais ils n’y peuvent pas dancer ; ils sont appelez au Conseil, où l’on ne peut rien décider sans leur avis : enfin la profession qu’ils font d’une vie extraordinaire les fait passez pour des Manitous, c’est-à-dire de grands genies, ou personnes de consequence. » (...)
Transgression et désordre dans le genre : les explorateurs français aux prises avec les “ berdaches ” amérindiens
Observons à ce propos que, sur le plan physiologique, le berdache n'est pas un sous-homme ou une femmelette. Au contraire, il apparaît souvent, selon les chroniqueurs et les anthropologues, comme un sur-homme : plus fort, plus musclé, plus grand, plus prospère, plus intelligent (« génial »), plus généreux, plus doué (art et politique), et sauf exception, il ne semble pas particulièrement impuissant sur le plan sexuel.
(Ainsi, mis à part l'hermaphrodite navajo, le nadle* pouvait épouser une femme, et il redevenait homme.) Physiologiquement, rien ne semble le prédestiner à être femme (bien que parfois la voix « change », les indices sont peu évidents), mais malgré tout, il devient efféminé, dans le bon sens du terme, au niveau du comportement et des attitudes. Ces derniers rentrent à leur tour dans des ensembles homogènes et cohérents. (…)
Deux ans après le massacre des Cheyennes qui, en 1864, campaient à Sand Creek, 2 000 Arapahos, Cheyennes et Sioux attaquèrent Fort Phil Kearney. Cet épisode est connu sous le nom de « Massacre de Fetterman » Par les Américains, et « Bataille des Cent Morts » par les Indiens.
À l'époque, malgré le traité de Fort-Laramie qui garantissait aux Indiens la libre disposition de leurs territoires, ces derniers étaient de plus en plus envahis par les Américains qui utilisaient les pistes Bozeman et Oregon, le long desquelles des forts avaient été érigés par l'armée.
Le 21 décembre 1866, des guerriers décidèrent d'attaquer Fort Phil Kearney. Dix braves, dont aurait fait partie Crazy Horse, appartenant aux tribus Cheyenne, Arapaho, Sioux minneconjou, oglala et brûlé, furent chargés de tendre une embuscade. Celle-ci consistait à attirer en dehors du fort les soldats pour les amener au lieu où les autres guerriers étaient cachés 85.
Cette bataille se solda par une victoire des alliés indiens sur les soldats américains, bien qu'ils eussent aussi des morts.
Mais ce qu'on ignore le plus souvent en rapport avec cet épisode, c'est que, avant la bataille, une cérémonie avait pris place parmi les guerriers rassemblés. Et c'est la raison pour laquelle le 21 décembre 1866 fut choisi comme « un bon jour pour mourir » par les chefs et les medicine-men.
Voici cette cérémonie telle qu'elle a été rapportée par un informateur à G. B. Grinnell qui l'a consignée dans son livre The Fighting Cheyennes :
« Bientôt un mi-homme mi-femme ( heemaneh )86, la tête recouverte d'un linge noir, sortit des rangs des Sioux. Il conduisait un alezan qui zigzaguait pendant qu'il avançait sur une colline. Il avait un sifflet dans lequel il soufflait au fur et à mesure qu'il conduisait sa monture. Au moment où l'heemanch atteignait le haut de la colline, des Sioux firent savoir à des Cheyennes qu'il cherchait l'ennemi, c'est-à-dire les soldats.
Mais bientôt il revint en chevauchant, et s'approcha de l'endroit où les chefs étaient réunis. Il dit alors : « Je tiens dix hommes, cinq dans chaque main. Les voulez-vous ? » Les chefs sioux, lui répondirent :
— « Non, nous ne les voulons pas. Regarde tous ces guerriers qui sont rassemblés ici, crois-tu donc que dix hommes soient suffisants ? (…)
Le heemaneh s'éloigna de nouveau. Il revint une quatrième fois en conduisant rapidement, et à l'instant où son cheval marquait un arrêt brutal, il tomba et ses deux mains heurtèrent le sol.
— « Répondez-moi vite, dit-il, j'en tiens une centaine et plus. » Et lorsque les Sioux et les Cheyennes entendirent cela, ils se mirent tous à crier. C'était ce qu'ils désiraient. Des guerriers allèrent frapper le sol près des mains de l'heemaneh, en comptant les coups.
Tous s'en allèrent et campèrent à la rivière Tongue, juste à l'embouchure du petit cours d'eau qu'ils se proposaient de remonter ».
85 Pour plus de détails sur ce qu'on appelle « la guerre de Red Cloud », le lecteur pourra consulter Dee Brown, Bury My Heart at Wounded Knee, Bantam Book, 1970, et qui a été traduit en français.
86 En fait il s'agit d'un winkte* sioux.
http://classiques.uqac.ca/contemporains/desy_pierrette/homme_femme_berdache/homme_femme_berdache.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bispiritualité