lundi 25 avril 2011
La division du travail et le retour à l'aristocratie par Alexis de Tocqueville ( 1840 )
une théorie industrielle plus puissante que les mœurs et les lois l'a attaché à un métier, et souvent à un lieu qu'il ne peut quitter. Elle lui a assigné dans la société une certaine place dont il ne peut sortir. Au milieu du mouvement universel, elle l'a rendu immobile.
«Que doit-on attendre d'un homme qui a employé vingt ans de sa vie à faire des têtes d'épingles? et à quoi peut désormais s'appliquer chez lui cette puissante intelligence humaine, qui a souvent remué le monde, sinon à rechercher le meilleur moyen de faire des têtes d'épingles !
Lorsqu'un ouvrier a consumé de cette manière une portion considérable de son existence, sa pensée s'est arrêtée pour jamais près de l'objet journalier de ses labeurs; son corps a contracté certaines habitudes fixes dont il ne lui est plus permis de se départir. Et, un mot, il n'appartient plus à lui-même, mais à la profession qu'il a choisie. C'est en vain que les lois et les mœurs ont pris soin de briser autour de cet homme toutes les barrières et de lui ouvrir de tous côtés mille chemins différents vers la fortune; une théorie industrielle plus puissante que les mœurs et les lois l'a attaché à un métier, et souvent à un lieu qu'il ne peut quitter. Elle lui a assigné dans la société une certaine place dont il ne peut sortir. Au milieu du mouvement universel, elle l'a rendu immobile.
À mesure que le principe de la division du travail reçoit une application plus complète, l'ouvrier devient plus faible, plus borné et plus dépendant. L'art fait des progrès, l'artisan rétrograde. D'un autre côté, à mesure qu'il se découvre plus manifestement que les produits d'une industrie sont d'autant plus parfaits et d'autant moins chers que la manufacture est plus vaste et le capital plus grand, des hommes très riches et très éclairés se présentent pour exploiter des industries qui, jusque-là, avaient été livrées à des artisans ignorants ou malaisés. La grandeur des efforts nécessaires et l'immensité des résultats à obtenir les attirent.
Ainsi donc, dans le même temps que la science industrielle abaisse sans cesse la classe des ouvriers, elle élève celle des maîtres.
Tandis que l'ouvrier ramène de plus en plus son intelligence à l'étude d'un seul détail, le maître promène chaque jour ses regards sur un plus vaste ensemble, et son esprit s'étend en proportion que celui de l'autre se resserre. Bientôt il ne faudra plus au second que la force physique sans l'intelligence; le premier a besoin de la science, et presque du génie pour réussir. L'un ressemble de plus en plus à l'administrateur d'un vaste empire, et l'autre à une brute.»
DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, tome II, 2e partie, chap. XX ( agora.qc.ca )
DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, tome I ( wikisource )
vendredi 15 avril 2011
" L’obsolescence programmée "
Quelques exemples sont cités par Cosima Dannoritzer dans son documentaire Prêt à jeter :
Le bas nylon : mis sur le marché par DuPont dans les années 1940, il était si résistant que les ventes se sont effondrées, faute de besoin de renouvellement. En modifiant la formulation (notamment en réduisant le dosage de certains additifs destinés à protéger le polymère des UV), les bas se remirent à filer.
L'ampoule électrique à incandescence : sa durée de vie a été « harmonisée » et maintenue par les industriels à 1 000 heures, dans le monde entier, alors que des brevets existaient sur des ampoules d'une durée de vie allant jusqu'à 100 000 heures. Le reportage présente une ampoule de 1901, qui brille sans interruption depuis plus d'un siècle dans une caserne de pompier à Livermoore (centenaire fêté en 2001 par le « comité de l'ampoule », qui la surveille. Deux des webcams qui l'ont filmée sont tombées en panne, alors que l'ampoule fonctionne toujours, commente C. Dannoritzer dans le documentaire).
L'automobile : pour concurrencer Henry Ford et sa Ford T volontairement vendue comme modèle unique, à portée du consommateur moyen, fiable, facile à réparer et très robuste, Alfred P. Sloan a inventé pour General Motors une Chevrolet conçue avec un châssis et un moteur uniques, mais selon le concept du changement de gamme à raison de trois nouveaux modèles de carrosserie, formes, couleurs et accessoires par an. En démodant rapidement les produits par la publicité, il pousse l'automobiliste à sans cesse abandonner son véhicule « démodé » au profit d'un modèle plus à la mode. C'est ainsi que General Motors a forcé Ford à changer de stratégie pour se lancer dans la course aux nouveaux modèles.
Il semble qu'il s'agisse là du début du modèle d' obsolescence programmée par l'esthétique et le design.
La batterie de l'iPod des première, deuxième et troisième générations (et non l'iPod dans son ensemble) : elle est prévue pour durer 18 mois. Une fois la panne survenue, les services de soutien technique d'Apple suggéraient de remplacer l'appareil tout entier, ne proposant pas de vendre séparément une nouvelle batterie. À la suite du procès en recours collectif intenté par Elizabeth Pritzker devant la justice américaine, Apple mit en place un service de remplacement des batteries obsolètes.
Les imprimantes : certaines sont équipées d'une puce compteur, bloquant l'impression au-delà d'un nombre convenu de feuilles. Ces données figurent bien souvent dans le cahier des charges de l'imprimante. Certaines cartouches d'encre sont également équipées d'une puce comptant le nombre d'impressions, indiquant alors un faux niveau d'encre dans le logiciel d'impression, ce qui amène à jeter des cartouches contenant encore de l'encre
Obsolescence programmée - Wikipédia.
La véritable histoire de l’ampoule de Livermore
Alors comment se fait-il que l'ampoule centenaire de Livermore fonctionne toujours ? C'est très simple : cette ampoule utilise un filament en carbone dont la résistance a augmenté avec le temps. Conçue pour une puissance de 60W, elle ne consomme plus que 4W aujourd'hui. Sur toutes les photos de l'ampoule on voit distinctement que son filament est rouge, "froid". D'après les formules mentionnées ci-dessus, cette ampoule ne produit plus qu'environ 0.3% de sa luminosité originelle pour 7% de sa puissance électrique originelle. Son rendement a donc chuté d'un facteur 24 : la caserne de pompiers de Livermore paie donc sa lumière 24 fois plus cher que la normale. Et ça risque de durer, parce que cette baisse de rendement correspond à une multiplication de la durée de vie par 700 millions ! Si on admet que l'ampoule de Livermore était conçue pour durer 1000h, elle produira des infrarouges encore 80 millions d'années !
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Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ?
L'optimiste pense que l'on vit dans le meilleur des mondes possibles.
Le pessimiste pense que malheureusement c'est vrai.
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