Les dommages causés par un « échange » nucléaire international ne sont pas nécessairement limités aux belligérants, puisque l'hypothèse d'un brusque changement climatique, même relatif à une guerre nucléaire réduite à l'échelle régionale, pourrait menacer la production alimentaire dans le monde entier ; ce scénario est connu sous le nom de famine nucléaire.
Malgré un apaisement des tensions liées à l'arme atomique après la fin de la guerre froide, les réserves d'ogives nucléaires sont estimées à environ 15 000 dans le monde en 2017 ; les États-Unis et la Russie détiennent 90 % du total.
Bien qu'il soit difficile de trouver les détails exacts sur de nombreuses explosions ou attaques nucléaires évitées in extremis, l'analyses de plusieurs cas particuliers a permis de mettre en évidence l'importance de multiples facteurs dans la prévention de ces accidents. Au niveau international, cela comprend l'importance du contexte et de la médiation extérieure ; au niveau national, l'efficacité dans les communications du gouvernement et de l'implication des décideurs clés et au niveau de l'individu, le rôle décisif de personnes qui suivent leur intuition et leur capacité à prendre des décisions prudentes, souvent en transgressant le protocole. (...)
25 octobre 1962
Aux alentours de minuit, un garde de la base aérienne de Duluth, dans le Minnesota, voit un homme tenter de grimper par dessus la clôture de sécurité. Il tire dessus et active l'alarme de sabotage, ce qui active toutes les alarmes de toute les bases du secteur.
Dans le Wisconsin, à la Base de la garde nationale aérienne de Volk Field Air l'alarme est mal câblée : immédiatement, des avions d'interception F-106A sont chargés de décoller. Le niveau d'alerte Defcon 2 étant en cours, les pilotes savaient qu'il ne pouvait pas s'agir d'un exercice et étaient persuadés que la troisième guerre mondiale avait commencé. L'erreur fut rapidement corrigée, avant que les avions ne puissent prendre l'air. L’événement aurait pu avoir des conséquences graves... alors même que l'homme aperçu en train de grimper sur une clôture, après enquête, s'est avéré être un ours. (...)
27 octobre 1962
Au plus fort de la crise des missiles de Cuba, un sous-marin patrouilleur soviétique B-59, alors harcelé par les forces navales américaines, a été sur le point de lancer une torpille équipée d'une tête nucléaire. L'un des submersibles soviétiques fut encerclé par les destroyers américains près de Cuba et a plongé afin d'éviter d'être repéré mais fut incapable de communiquer avec Moscou durant plusieurs jours. L'USS Beale a commencé par larguer des grenades anti-sous-marines, normalement destinées à l’entraînement, dans le but de signaler au B-59 de faire surface.
Cependant, le sous-marin soviétique a pris ces explosions comme
provenant de véritables charges de profondeur. Avec un niveau de batteries faible, affectant les systèmes de support de vie du sous-marin et sans ordre de Moscou, le commandant du B-59 a cru que la guerre avait peut-être déjà débuté et a ordonné l'utilisation d'une torpille nucléaire de dix kilotonnes contre la flotte américaine. L'officier politique du sous-marin a donné son accord mais l'officier de la sous-flottille Vassili Arkhipov a pu persuader le commandant de faire surface et d'attendre les ordres.(...)
9 novembre 1965
Le Centre de commandement de l'Office de la gestion des secours d'urgence fut placé en état d'alerte après une gigantesque panne d'électricité dans le nord-est des États-Unis. Plusieurs détecteurs de bombe nucléaire (utilisés pour distinguer les pannes de courant « normales » des pannes de courant causées par une explosion nucléaire) à proximité des grandes villes des États-Unis ont été défectueux en raison d'erreurs de circuits électriques, créant l'illusion d'une attaque nucléaire. (...)
9 novembre 1979
Un message d'erreur informatique au quartier général du NORAD a conduit au déclenchement d'une alarme et à la préparation complète contre une inexistante attaque soviétique à large échelle. Le NORADa prévenu le conseiller à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, que l'Union soviétique avait lancé 250 missiles balistiques vers les États-Unis, en indiquant que la décision de riposter devait être prise par le président dans les trois à sept minutes. Les ordinateurs du NORAD ont ensuite indiqué que le nombre de missiles lancés était de 2 200. Le SAC fut prévenu, les bombardiers nucléaires préparés au décollage et les équipes des missiles balistiques intercontinentaux furent placés en alerte. Dans les six à sept minutes de la réponse initiale, les systèmes de satellites et de radars ont été capables de confirmer que l'attaque était une fausse alerte. Il a été démontré qu'un scénario d’entraînement avait été chargé par inadvertance dans le système informatique opérationnel. (...)
26 septembre 1983
Il est minuit quinze quand Stanislav Petrov, l'officier de garde sur la base d'alerte stratégique de la force de défense anti-aérienne soviétique de Serpoukhov-15, à une centaine de kilomètres au sud de Moscou, reçoit une alerte sur son moniteur. Le système informatique de la base militaire russe vient de lui annoncer que cinq missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III viennent d'être envoyés depuis la Malmstrom Air Force Base, aux Etats-Unis.
Stanislav Petrov n'a que quelques minutes pour prendre une décision. "J'avais toutes les données nécessaires. Si j'avais envoyé mon rapport à la chaîne de commande, personne n'aurait remis en question ce que je disais, avait-il raconté à la BBC. Tout ce que j'avais à faire était d'attraper le téléphone, de composer la ligne directe jusqu'au commandement - mais j'étais incapable de bouger. J'avais le sentiment d'être assis sur une poêle à frire brûlante."
Le système d'alerte anti-missiles soviétique, Krokus, a beau affirmer que cinq missiles sont en chemin vers la Russie, Stanislav Petrov analyse rapidement la situation : il estime que si les Etats-Unis attaquaient l'URSS, ils ne se contenteraient pas de cinq missiles mais lanceraient une attaque globale, avec toute la puissance de leur arsenal nucléaire. Il désobéit donc au protocole et informe ses supérieurs d'une fausse alerte. Son avis fait sens et aucune riposte soviétique n'est lancée.(...)
En novembre 1983 : un exercice trop réaliste
A peine trois mois plus tard, du 7 au 11 novembre 1983, l'OTAN mène une série d'exercices militaires extrêmement réalistes : l'exercice Able Archer 83. Durant la simulation, des nouvelles procédures de tir nucléaire sont mises en oeuvre et plusieurs milliers de soldats déployés.
Selon un compte-rendu de l'exercice effectué en 1990 par le Conseil consultatif du renseignement étranger de la Maison-Blanche, déclassifié en 2015, le réalisme des exercices fut tel que "les Soviétiques menèrent des actions militaires et de renseignement qui n'avaient jusqu'ici été observées que durant de réelles crises". En réponse au déploiement de l'OTAN, les Soviétiques exécutèrent ainsi trente-six vols de renseignement afin de déterminer si les forces navales allaient appuyer ou non les troupes au sol. Ils transportèrent également des armes nucléaires depuis les sites de stockage jusqu'à leurs sites de lancement. Le rapport précise ainsi qu'il est possible que "les chefs militaires soviétiques aient été sérieusement préoccupés par l'idée qu'Able Archer 83 ait été un faux exercice, camouflant la préparation d'une véritable attaque".
L'escalade aurait pu continuer sans l'intervention d'un agent du
exercices Able Archer 83, il remarque que les forces soviétiques augmentent leur propre niveau d'alerte, en réponse à l'exercice. Il choisit cependant de ne pas transmettre l'information et donc de ne pas faire relever le niveau d'alerte au niveau européen, ce qui aurait pu amener les Soviétiques à imaginer que l'exercice n'en était finalement pas un. (...)
25 janvier 1985
Le président russe, Boris Eltsine, est devenu le premier chef d'État au monde à activer une mallette de tir nucléaire après que les systèmes de radar russes aient détecté le lancement d'une Black Brant, fusée norvégienne de recherche pour étudier les aurores boréales. Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins russes ont été mis en état d'alerte en prévision d'une possible frappe de représailles. Quand il est devenu clair que la fusée n'était pas une menace pour la Russie et ne faisait pas partie d'une vaste attaque, l'alarme a été annulée. La Russie avait été en fait l'un des pays précédemment informés du lancement ; toutefois, l'information n'avait pas atteint les opérateurs de radars russes. (...)
23 octobre 2010
Les commandants de la base de l'Armée de l'air américaine dans le Wyoming ont perdu la plupart des formes de commandement, de contrôle et de surveillance de la sécurité de plus de cinquante missiles balistiques nucléaires durant environ 45 minutes. Les missiles ont été mis hors ligne après que l'on ait soupçonné un problème matériel causant de multiples erreurs sur les ordinateurs de contrôle. Bien que des représentants de l'armée maintiennent que les missiles étaient restés sous contrôle et n'étaient pas exposés à des tentatives de prise de contrôle extérieur, l'ancien officier de lancement de l'Armée de l'air, Bruce G. Blair, a exprimé ses inquiétudes selon lesquelles, dans ce cas de figure, les missiles pourraient être vulnérables à des tentatives de lancement par des pirates informatiques ou des équipes de missiles corrompues. (...)
MENACE DE MISSILE BALISTIQUE SUR HAWAÏ. METTEZ-VOUS IMMÉDIATEMENT À L'ABRI. CECI N'EST PAS UN EXERCICE.
Le 13 janvier 2017, à Hawaï, ce message s'est affiché sur les écrans de smartphones. La cause ? Une erreur humaine : un fonctionnaire a cru qu'il s'agissait d'une réelle attaque, quand il ne s'agissait que d'un exercice.
https://www.franceculture.fr/histoire/crises-nucleaires-cinq-fois-ou-lhumanite-a-failli-disparaitre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_nucléaire_évitée_de_justesse