samedi 16 mai 2009
La Russie dans l'ombre (1920) par H. G. Wells
Certains diront : Cet amoncellement de misères, cette agonie de l´énergie d´un peuple est l´œuvre, précisément, du système bolchevique de gouvernement. Pour ma part, je n'en crois rien. Mais qu´on me permette de dire que la désolation de la Russie actuelle n´est nullement le résultat d´attaques contre un bon système social, battu en brèche par une force malfaisante mais manifeste, bien plutôt l'usure et l´effondrement d´un système qui était défectueux.
Ce n´est pas le communisme qui a construit ces villes monstrueuses ou la vie, toujours précaire, peut devenir à tout moment soudainement impossible par suite d´une crise quelconque. C´est le capitalisme qui les a édifiées.Ce n´est pas le communisme qui a plongé dans les horreurs d' une guerre de six ans cet immense empire menacé de faillite, dont depuis longtemps le monde entier percevait les craquements sinistres. Cette guerre est née de l´impérialisme européen.Ce n´est pas non plus le communisme qui, la grande guerre terminée, a continué à harceler sans relâche la Russie souffrante - mourante peut être - en soudoyant des bandes d´envahisseurs, des insurrections, et en lui infligeant ce honteux blocus de tortionnaire.Le créancier français vindicatif, le journaliste anglais imbécile sont bien plus responsables du désordre et des souffrances russes que le plus farouche des communistes.(...)
Et maintenant, qui sont ces bolchevistes qui ont sur la Russie une emprise si réelle? Si l'on en croit la fraction la plus sotte de a presse britannique, ils seraient les agents l'une mystérieuse conspiration raciale, d'une association secrète où juifs, francs-maçons et Allemands se mélangent de la façon la plus insensée. En réalité, rien ne fut jamais moins secret que les idées, les buts, les méthodes des bolchevistes. Rien ne ressemble moins à une société secrète que leur organisation. Mais, dans nos pays, nous nous complaisons à une certaine façon de penser si étrangère aux idées générales que nous en sommes réduits à imaginer des complots pour expliquer les réactions les plus simples de l'esprit humain. Un journalier s'agite-t-il parce qu'il trouve que le prix des souliers de ses enfants s'est accru d'une façon disproportionnée à son salaire de semaine ; proclame-t-il que lui et ses camarades sont volés et insuffisamment payés : immédiatement, les rédacteurs de nos grands journaux feront doctement remonter la cause du ressentiment de ce pauvre bougre à l'insidieuse propagande de quelque mafia de Kœnigsberg ou de Pékin. Ils ne peuvent concevoir, sans cela, que de pareilles idées aient pu lui venir en tête. Cette manie de la conspiration est si répandue que je me vois obligé d'affirmer ici que je n'en suis pas atteint. Les bolchevistes me paraissent être tout à fait les hommes qu'ils font profession d'être. Et je crois de mon devoir de les traiter comme des gens habituellement sincères. Je ne partage leurs vues, ni n'approuve leurs procédés; mais ceci est une autre affaire.(...)
En somme, le marxisme n'est point dû aux doctrines de Marx, mais bien plutôt au fait que notre système économique est stupide, égoïste, gaspilleur et anarchique. L'organisation communiste a muni les rebelles de certains apophtegmes et mots de passe : « Travailleurs du monde, unissez-vous !... », etc. Elle a implanté en ses adeptes la notion d'une grande conspiration fomentée contre le bonheur de l'humanité par quelque corps mystérieux de méchants hommes appelés capitalistes. Car, dans le monde à mentalité affaiblie où nous vivons, cette manie de la conspiration que je signalais tout à l'heure chez les partisans de l'ordre établi, trouve sa contrepartie chez les récalcitrants ; et il est difficile de convaincre un marxiste que les capitalistes ne sont au total qu'une masse confuse d'hommes à courtes vues et collectivement d'esprit mesquin.
La Russie dans l'ombre (extrait)
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