L'ancienne alliance est rompue; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres.
En trois siècles, la science, fondée par le postulat d'objectivité, a conquis sa place dans la société : dans la pratique, mais pas dans les âmes. Les sociétés modernes sont construites sur la science. Elles lui doivent leur richesse, leur puissance et la certitude que des richesses et des pouvoirs bien plus grands encore seront demain, s'il le veut, accessibles à l'Homme.
Mais aussi, de même qu'un "choix" initial, dans l'évolution biologique d'une espèce, peut engager l'avenir de toute sa descendance, de même le choix, inconscient à l'origine d' une pratique scientifique a-t-il lancé l'évolution de la culture dans une voie à sens unique ; trajet que le progressisme scientiste du XIXe siècle voyait déboucher infailliblement sur un épanouissement prodigieux de l'humanité, alors de nous voyons aujourd'hui se creuser devant nous un gouffre de ténèbres.
Les sociétés modernes ont accepté les richesses et les pouvoirs que la science leur découvrait. Mais elles n'ont pas accepté, à peine ont-elles entendu le plus profond message de la science : la définition d'une nouvelle et unique source de vérité, l'exigence d'une révision totale des fondement de l'éthique, d'une rupture radicale avec la tradition animiste, l'abandon définitif de l' "ancienne alliance ", la nécessité d'en forger une nouvelle.
Armées de tous les pouvoirs, jouissant de toutes les richesses,qu'elles doivent à la Science, nos sociétés tentent encore de vivre et d'enseigner des systèmes de valeurs déjà ruinés, à la racine, par cette science même.
Ou donc alors retrouver la source de vérité et l'inspiration morale d'un humanisme socialiste réellement scientifique sinon aux sources de la science elle-même, dans l'éthique qui fonde la connaissance en faisant d'elle, par libre choix, la valeur suprême, mesure et garant de toutes les autres valeurs ? Ethique que fonde la responsabilité morale sur la liberté même de ce choix axiomatique. Acceptée comme base des institutions morales et politiques, donc comme mesure de leur authenticité, de leur valeur, seule l'éthique de la connaissance pourrait conduire au socialisme.
Elle impose des institutions vouée à la défense, à l'extension, à l'enrichissement du Royaume transcendant des idées, de la connaissance, de la création. Royaume qui habite l'homme et où, de plus en plus libéré des contraintes matérielles comme des servitudes mensongères de l'animisme, il pourrait enfin vivre authentiquement,défendu par des institutions qui, voyant en lui à la fois le sujet et le créateur du Royaume, devraient le servir dans son essence la plus unique et la plus précieuse.
C'est peut-être une utopie. Mais ce n'est pas un rêve incohérent. C'est une idée qui s'impose par la seule force de sa cohérence logique. C'est la conclusion à quoi mène nécessairement la recherche de l'authenticité.
L'ancienne alliance est rompue; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres.
http://en.bookfi.org/book/1453578
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