mardi 27 août 2019

" Guerre des images à Hong Kong: Twitter et Facebook accusent la Chine de désinformation. " par Véronique Kiesel

Comptes fermés pour cause de manipulation, publicités des médias chinois refusées : Twitter a fait le ménage. Pékin ne comprend pas cet acharnement.


Cette capture d’écran d’un compte fermé par Facebook compare les manifestants de Hong Kong aux terroristes de Daesh en demandant : « Quelle différence ? »  


Dans la crise en cours cet été à Hong Kong, les mots et les images jouent un rôle de plus en plus important. Tant du côté des militants pro-démocratie, dont les parapluies et les slogans inondent les rues, que du pouvoir communiste qui exhibe ses forces et ses chars. 

Actions massives de désinformations

Les géants des réseaux sociaux Twitter et Facebook viennent d’ailleurs de dénoncer des actions massives de désinformation liées au pouvoir chinois. Twitter a précisé sur son blog avoir suspendu « 936 comptes originaires de la République populaire de Chine qui cherchaient de façon délibérée et spécifique à semer la discorde politique à Hong Kong et notamment à saper la légitimité et les positions politiques du mouvement de protestation sur le terrain ».

« Après avoir mené des enquêtes en profondeur », poursuit Twitter, « nous avons obtenu des preuves fiables indiquant qu’il s’agit d’une opération coordonnée et appuyée par l’État (chinois). Nous avons identifié un large faisceau de comptes agissant de façon coordonnée pour amplifier les messages liés aux protestations de Hong Kong ».

Alors que Twitter est bloqué en Chine, des agents chinois ont dû utiliser un VPN (réseau virtuel permettant de contourner les interdictions), mais d’autres ont utilisé des adresses IP chinoises débloquées. Plus de 200.000 autres comptes suspects dormants ont été fermés de manière préventive.

De son côté, Facebook a supprimé sur son réseau, pour les mêmes raisons, sept pages, cinq comptes et trois groupes « liés à des individus associés au gouvernement de Pékin ». Sur ces comptes, les manifestants étaient traités de « cafards » et comparés à des terroristes de Daesh. Des images de dégradations dues aux manifestants étaient mises en exergue.

Et alors que ces dernières semaines, l’agence de presse chinoise Xinhua et la télévision publique avaient payé pour que soient diffusées sur Twitter de vidéos décrivant les manifestants comme étant particulièrement violents, le réseau a indiqué qu’il n’accepterait plus de publicité de médias contrôlés par l’État chinois.

Des pratiques organisées ?

Après la Russie, qui a via les réseaux sociaux influencé l’élection américaine de 2016, la Chine, qui a déjà utilisé les réseaux sociaux pour tenter de décrédibiliser le gouvernement de Taïwan, est-elle le nouveau champion en la matière ? « C’est beaucoup dire », analyse Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information à l’université de Nantes. « Visiblement, les comptes qui ont été suspendus n’étaient pas très élaborés, les commentaires étaient rédigés dans un anglais rudimentaire, et ils ont été aisément détectés.

Ce qui est particulier, c’est que le pouvoir chinois a dû utiliser des réseaux qu’il a interdits sur son territoire dès 2008 et 2009. Mais Pékin s’inscrit dans une tendance internationale, celle d’utiliser Facebook et Twitter pour décrédibiliser des opposants. »

Par la voix du porte-parole des Affaires étrangères, Geng Shuang, Pékin a défendu le droit des citoyens et des médias chinois à exprimer leur point de vue sur Hong Kong. « Je pense qu’il est tout à fait raisonnable que les médias chinois utilisent les réseaux sociaux pour expliquer au public les politiques chinoises et raconter l’histoire vue de Chine. Pourquoi la vision des médias officiels serait-elle nécessairement fausse ? Je ne comprends pas pourquoi certaines entreprises ont réagi de façon si dure », a estimé M.Geng.

Censure ou protection ?


Y a-t-il un risque de censure ? « Sans vouloir particulièrement défendre l’État chinois, il est vrai qu’on laisse à des entreprises privées la tâche très complexe de réguler la prise de parole sur ces réseaux », commente Olivier Ertzscheid. « Et toute décision qui intervient dans un contexte de crise est forcément considérée comme une entrave par la partie qui perd le droit de s’y exprimer. 

Si l’on veut pouvoir progresser de façon consensuelle et cohérente sur ce thème, il faudrait travailler sur trois niveaux : les réseaux sociaux devraient être plus transparents sur leur fonctionnement et celui de leurs algorithmes, les États devraient légiférer et arriver à établir des règlements transnationaux. Et les utilisateurs, jeunes ou moins jeunes, devraient être plus conscients des enjeux, apprendre à se protéger des risques de manipulations. »


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