mercredi 12 décembre 2018

Mix & Remix : Je ne cherche pas à choquer gratuitement dans mes dessins.


Vous signez des dessins sur l’actualité suisse et internationale dans l’hebdomadaire helvétique l’Hebdo. Quel a été votre parcours auparavant ?

J’ai toujours apprécié dessiner. Lorsque j’étais étudiant, je participais déjà à un journal réalisé dans mon collège. J’ai ensuite étudié la peinture aux Beaux-arts de Lausanne. Mais je ne me voyais pas continuer et percer dans cette voie. Je me suis orienté vers le dessin publicitaire. J’ai illustré de nombreuses affiches et autres plaquettes de communication. J’ai aussi réalisé des dessins pour des événements plus « underground » : des affiches pour des groupes de rock, etc. Je me suis mis au dessin de presse tardivement… vers mes 40 ans !

Comment avez-vous été amené à réaliser des dessins de presse ?

Entre 1988 et 1992, j’ai réalisé des strips pour l’HebdoCrittin, un de mes amis, écrivait ses Histoires mécaniques. Nous mettions en scène des robots d’une manière assez surréaliste. L’Hebdo nous a demandé d’arrêter cette série. Je voulais continuer à travailler pour ce journal et je leur ai proposé de faire du dessin d’actualité. Cela me semblait logique d’aller dans cette voie car L’Hebdo est un hebdomadaire d’actualité. Auparavant, je n’avais jamais pensé faire ce métier-là. J’ai commencé à leur fournir des sujets et je me suis aperçu que le dessin de presse me convenait très bien. Les idées venaient facilement.
J’ai changé mon trait pour l’occasion. Le dessin d’actualité demande une certaine humanisation du dessin. J’ai dessiné des petits bonhommes simplifiés avec des pattes et des bras filiformes, tout en accentuant leur nez pour être plus dans le registre humoristique.

C’est aussi une manière de représenter les gens d’une manière neutre, de faciliter l’identification des lecteurs à vos personnages.

Oui, bien sûr. Je ne suis pas caricaturiste. Je n’en ai pas le talent. Je préfère dessiner des personnages neutres. C’est assez rare quand je dessine un personnage existant. Je le fais de temps en temps avec les grands de ce monde : Nicolas Sarkozy, Barack Obama, etc.
 
Votre trait a évolué vers plus de synthèse.

En effet. Je m’en aperçois lorsque je regarde des dessins que j’ai réalisés il y a quelques années. En 2004, j’ai commencé à travailler pour la télévision. Je dessine en direct pour un débat politique. Je dois aller très vite pour partager mes idées dans l’instant. J’en ai acquis une spontanéité, proche du croquis. Je collabore à l’émission politique Infrarouge sur la Télévision suisse romande. Depuis dix-huit mois, je réalise un strip par jour pour l’application iPhone du journal l’Hebdo. Je réalise depuis lors cinq strips par semaine. Ces deux expériences ont eu une incidence sur mon graphisme.
Quels sont vos maîtres dans l’humour ?

J’apprécie particulièrement Voutch, mais ce n’est pas vraiment une influence. Quand j’étais plus jeune, j’étais un grand lecteur des œuvres de Mandryka, de Gotlib, de Reiser. J’aime aussi beaucoup le trait de Charles Schulz.
Pourquoi avez-vous eu envie de réaliser des strips ?

J’évoque l’actualité dans le dessin de presse et il y a toujours du grain à moudre dans ce domaine ! Les idées viennent facilement en lisant les journaux ou en regardant les informations à la télévision. Tandis que pour les strips, la recherche des idées est plus délicate, plus difficile. Je m’assieds à ma table en espérant avoir une idée rapidement. Il faut aussi sans cesse garder à l’esprit qu’il faut se renouveler, tant dans le propos que dans l’atmosphère. C’est à chaque fois un challenge de boucler un strip.
Les dessins de presse vieillissent aussi terriblement vite, car on colle à l’actualité. En Suisse, un éditeur publie chaque année un recueil de mes dessins de l’année. Les lecteurs ont ainsi une sorte de livre d’archives avec les moments-clefs de l’année écoulée. Il m’est arrivé de regarder des dessins quelques années après les avoir réalisés. Je ne les comprenais plus. Et pour cause : ils n’étaient plus d’actualité.

Votre travail est peu connu en France et en Belgique. Comment l’expliquez-vous ?

Je suis publié dans Lire et le Courrier International. Mais c’est vrai que je travaille essentiellement pour la Suisse. Je ne recherche pas spécialement à me faire connaître au-delà des frontières. Je laisse évoluer tout cela gentiment. Un livre reprenant mes strips vient cependant de paraître chez Buchet-Chastel.

Ne souhaitez-vous pas travailler sur un format narratif plus long ?

Non. J’apprécie ce rythme synthétique, ramassé et immédiatement efficace. Mon dessin est trop limité pour que je trouve mes marques en bande dessinée.
Vous traitez des problèmes actuels, comme par exemple la burqa ou la position de l’Église sur l’usage du préservatif. Est-ce difficile de garder un juste ton ?

La plupart des problèmes de société sont moins sensibles en Suisse qu’en France. Même si c’est vrai, l’Union Démocratique du Centre, un parti politique, a mené une campagne contre les minarets. Les Suisses se sont exprimés et on voté contre. Mais c’est un faux problème. Les différentes communautés sont apaisées dans notre pays. Comme on le dit chez nous : il n’y a pas le feu au lac !



Je ne cherche pas à choquer gratuitement dans mes dessins. J’ai horreur de la provocation gratuite. Mais si une idée me fait rire, j’y vais. Je veille à rester en dehors de la politique. C’est pour cette raison que je ne réalise pas d’affiche pour des partis politiques ou pour les campagnes accompagnant les consultations populaires. Je suis ainsi libre de pouvoir taper à droite, comme à gauche. J’accorde encore plus d’importance à l’objectivité dans mon travail depuis que je travaille pour cette émission télévisée politique. D’autant qu’elle est diffusée par le service public. Je suis politiquement détaché, ce qui me permet de ne pas taper sur le même clou !


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