dimanche 18 décembre 2022

Chaval « Attention, Danger d'Explosion »

 

Yvan Francis Le Louarn, dit Chaval, dessinateur humoriste français, né à Bordeaux le 10 février 1915 et mort à Paris le 22 janvier 1968. Il évoque ainsi ses premiers instants de vie : 

« Je naquis moche mais pas plus que la majorité de ceux de ma génération.

Heureusement, ma mère avait du lait et m'en refilait en douce... ». 

Né dans une famille bourgeoise de Bordeaux, le gamin a toujours un crayon à  la main. Il griffonne, croque, esquisse et ébauche à longueur de journée. Souvent, l'enfant demande à son grand-père de lui dessiner " des enterrements gais ", pourvus de " détails excentriques ", lesquels déclencheront le rire. Le grand-père s'exécute. On ne refuse rien à ce gamin  jamais turbulent.

L'oncle Raphaël est son parent préféré. Ce Grand prix de Rome, misanthrope et farceur, lui offre pour ses 14 ans une caméra Bell et Howell. Avec cet engin,  le jeune Yvan réalisera ses premiers films courts.

 L'inspiration des films est surréalisante. Par le jeu du montage, il détourne les lieux les plus banals. Pleut-il abondamment sur la ville ? Voici le Grand Théâtre de Bordeaux immergé dans un aquarium où évoluent des poissons rouges.


Ses idoles se nomment Max Linder, Chaplin, Buster Keaton.Demain, ce sera Pierre Etaix.

Chaval intègre l'école des Beaux-Arts.
Il y rencontre Annie Fourtina, une étudiante qu'il épouse en 1936.
« Les beaux-Arts mènent à tout, même au mariage ! » s'exclame sa mère, ravie.
Est-il heureux ? On peut en douter. Sa mère le sauve in-extremis d'une tentative de suicide quelques temps après. A son réveil, à l’hôpital, le jeune désespéré lui reproche  de " l’avoir remis dans la vie ". Quelques jours après, il  assure à ses amis qu’il " va tenter de vivre ".

Promesse tenue jusqu'en 1968.

Dans le milieu artistique, il n'est encore personne et personne ne l'attend. Le voici donc, pendant trois ans, représentant en produits pharmaceutiques.



Il essaye, sans succès, de placer ses dessins. Les revues parisiennes ne lui répondent même pas. 


Épaulé par sa femme, toujours attentive,  qui sait le talent de son mari, il ronge son frein. Et commet quelques imprudences durant ces années noires.


Selon le Centre international de recherche sur l’anarchisme (Cira) " entre décembre 1941 et le début de l'année 1943, Yvan Le Louarn (le futur Chaval) a participé activement au journal collabo bordelais Le Progrès.


Ses dessins attaquaient les Anglais, les Américains, les Russes..". Sur l'un d'eux, il " se moque des Juifs obligés de porter l'étoile jaune. "


Un épisode peu glorieux qu'il n'évoquera guère. Il n'existe d'ailleurs que très peu de documents sur lui. Aucune interview télévisuelle. 

Le bonhomme abhorrait les confidences. Il se méfiait des snobs autant que des journalistes.
« Actuellement, et de plus en plus, vivre signifie gagner de l’argent. » Chaval
Chaval est  un misanthrope qui aime pourtant ses amis.  A sa mort, l'un d'eux évoquera

 « Un homme authentique, sans détour,  d'une sensibilité absolue. »
Un autre dira de lui : 

« C'était un être profondément triste qui ne pouvait pas se supporter longtemps avec lui-même. Les autres le sortaient sans doute de lui-même... »



Des amis lucides.
Chaval, homme discret, parfois blagueur, capable d'improviser des sketchs pour mettre les rieurs dans sa poche est un être complexe.



Cet anarchiste semble  être la proie d'orages intérieurs particulièrement violents. Il se méfie de l’ordre établi et aime à dénoncer le ridicule des conformismes sociaux. Nulle grimace de politesse en société, aucun vernis de convenance chez cet artiste dégagé. Si la conversation tombe, il la laisse tomber. Tout lui semble dérisoire. A commencer par le succès qui ne vient toujours pas.


Un oncle bohème et fantaisiste, peintre et décorateur, toujours habillé en clochard, ami d’Alfons Mucha, l’initie aux œuvres des humoristes Mark Twain, Alphonse Allais, Jerome K. Jerome. 

Il pratique la gravure et c’est à la demande d’un éditeur d’illustrer des livres qu’il s’installe à Paris. Il exerce ensuite divers métiers, et travaille pour la publicité, illustrant notamment une longue campagne pour les produits en tube, tout en publiant ses dessins d’humour.




Dans les Entretiens avec Chaval de Pierre Ajame, il dit avoir eu « mentalement un côté collabo », ajoutant : « La chose publique ne m'intéresse pas, je n'ai jamais milité. Je suis toujours resté seul. »

 C'est seulement dans les années 1950 que Chaval connaît la notoriété. Il dessine alors dans de nombreux journaux à grand tirage où son humour décalé est diversement apprécié. Il obtient en 1953 la coupe internationale du meilleur dessinateur.

 Utilisant jeux de mots et calembours, ses dessins sont remplis de dérision.

 

Son pseudonyme est choisi en hommage au facteur Cheval, qui fut transformé en Chaval après une erreur de transcription.

 Cinéaste amateur, il réalise lui-même plusieurs courts métrages à partir de ses dessins, notamment Conte médiocre et Les oiseaux sont des cons. 




Son ami Mario Ruspoli réalise deux courts métrages sur lui après son décès : Chaval et Le Chavalanthrope.

Il devient neurasthénique après la mort de sa femme, qui se suicide en mai 1967 après qu'il lui a avoué la tromper régulièrement depuis plusieurs années.

 Il finit lui aussi par se suicider le 22 janvier 1968 dans son domicile à Paris, en allumant le gaz après avoir calfeutré la porte et affiché l'avis « Attention, Danger d'Explosion » .


 

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