vendredi 26 juillet 2019

" MOBY DICK" par Herman Melville

ÉTYMOLOGIE

(fournie par un pion de collège qui mourut tuberculeux) 

Je le revois, ce blême surveillant usé jusqu’à la transparence depuis ses vêtements jusqu’au cœur, au cerveau. Il époussetait éternellement ses vieux lexiques et ses grammaires avec un étrange mouchoir ironiquement égayé de tous les joyeux drapeaux de toutes les nations connues du monde. Il aimait à épousseter ses vieilles grammaires ; d’une certaine manière, cela lui rappelait avec douceur qu’il était mortel.

  Quand vous assumez d’enseigner les autres et de leur apprendre comment appeler la baleine (whale-fish) en notre langue, omettant par ignorance la lettre H qui à elle seule contient presque tout le sens du mot, vous ne respectez pas la vérité.

                                                             Hackluyt

 Wahle… suéd. et dan. Hval. Sa rondeur et sa nage en roulis valent son nom à cet animal ; car en danois hvalt signifie : en arche, en voûte.

                                 Dictionnaire de Webster
  
Wahle… plus directement du hollandais et de l’allemand. Wallen ; A. S. Walw-ian : rouler, se vautrer.

                              EXTRAITS

(fournis par un très obscur bibliothécaire)
Tout semble prouver que ce personnage falot, fouineur acharné, ce pauvre diable de très obscur bibliothécaire parcourut d’interminables galeries de la Bibliothèque vaticane et tous les étalages de livres de la terre, glanant au hasard les moindres allusions qu’il pouvait tant bien que mal trouver dans n’importe quel livre tant sacré que profane. 

Aussi ne devez-vous pas tenir indifféremment dans cette cueillette toute assertion pour parole d’un évangile de cétologie. Loin de là. En ce qui concerne les auteurs anciens et les poètes en général, les extraits, cités ici, n’ont d’autre valeur et d’autre attrait que ceux que leur confère une vue d’ensemble sur les pièces et morceaux de ce qu’ont dit, pensé, imaginé et chanté sur le Léviathan de nombreuses nations et de nombreuses générations dont la nôtre.

Alors, adieu, porte-toi bien, pauvre diable de bibliothécaire très obscur dont je suis le commentateur. Tu appartiens à la race blafarde et incurable qu’aucun vin de ce monde ne saurait jamais réchauffer ; et pour qui le pâle Xérès aurait une trop capiteuse rutilance ; mais, auprès de toi, l’on aime à s’asseoir parfois et à se sentir un identique pauvre diable, à communier dans les larmes et, les yeux noyés et secs les verres, étreint d’une tristesse non point absolument déplaisante, affirmer carrément : Renonce, sous-fifre !

 Car plus tu te donnes de peine pour faire plaisir au monde, plus tu grossiras le nombre de ceux qui ne t’en auront jamais de reconnaissance. Je voudrais pouvoir pour toi vider Hampton Court et les Tuileries ! Mais ravalez vos larmes et hissez vos cœurs jusqu’au sommet du mât de cacatois ; car les amis vous y ont précédés font reluire à votre intention les sept demeures célestes et, en vue de votre arrivée, mettent au ban Gabriel, Michel et Raphaël si longuement choyés. Ici-bas l’on ne trinque qu’avec des cœurs déjà brisés, mais là-haut vous lèverez des verres d’un cristal infrangible !

Et Dieu créa les grandes baleines.
Genèse.

Léviathan laisse derrière lui un sillage lumineux
l’abîme semble couvert d’une toison blanche.
Job.

L’Éternel fit venir un grand poisson qui engloutit Jonas
Jonas.

Là se promènent les navires
Et ce Léviathan que tu as formé pour se jouer dans les flots.
Psaumes.

Ce jour-là, Yahvé châtiera de son épée dure, grande et forte
Léviathan, serpent fuyard,
Léviathan, serpent tortueux ;

Et il tuera le dragon de la mer.
Isaïe.

Et toute chose quelle qu’elle soit, venant à s’approcher du gouffre de la gueule de ce monstre, bête, navire ou roc, sombre tout aussitôt dans son gosier horrible et périt dans l’antre sans fond de sa panse.
PLUTARQUE, Trad. Holland.

L’océan Indien enfante les poissons les plus divers et les plus grands qui soient, dont les cétacés et les tourbillons d’eau dits baleines dont la longueur atteint quatre acres ou arpents de terre.
PLINE L’ANCIEN, Trad. Holland.

Nous n’étions pas en mer depuis deux jours qu’au lever du soleil apparurent des baleines et d’autres monstres marins. Parmi les premières, il y en avait une d’une taille monstrueuse… Elle avançait sur nous, la gueule ouverte, soulevant des vagues de tous côtés et creusant devant elle, un sillon écumant.
LUCIEN : De la manière d’écrire l’histoire. Trad. Tooke.

Il visita ce pays avec l’arrière-pensée de prendre des chevaux marins qui ont au lieu de dents des os de grand prix dont il offrit quelques-uns au roi… Les meilleures baleines furent prises dans son propre pays, certaines mesuraient environ 48 à 50 mètres de long. Il disait avoir été l’un des six hommes qui en avaient tué soixante en deux jours.
Le Périple d’Other ou Othere, récit recueilli par le Roi Alfred le Grand. A. D. 890.

… au lieu que tout autre chose, soit beste ou vaisseau, qui entre dans l’horrible chaos de la bouche de ce monstre (la baleine), est incontinent perdu et englouti, ce petit poisson (le gayon de mer) s’y retire en toute seureté et y dort…
MONTAIGNE, Apologie de Raimond Sebond.

« … c’est, par la mort bœuf, léviathan descript par le noble prophète Moïse en la vie du saint homme Job ! Il nous avalera tous, et gens et naufz comme pillules. »
RABELAIS.

Le foie de cette baleine remplissait deux tombereaux.
Annales de Stowe.

Le grand Léviathan faisait bouillonner les mers comme une chaudière.
Traduction des Psaumes par Bacon.

Nous n’avons rien appris de certain au sujet du volume énorme de la baleine ou orque. Elles deviennent si grasses qu’on extrait une quantité incroyable d’huile d’une seule baleine.
Ibid. Histoire de la Vie et de la Mort.

Le remède souverain par excellence pour une contusion interne était le blanc de baleine.
Le Roi Henri.

Tout à fait comme une baleine.
Hamlet.

Aucun art médical n’aurait su guérir cette blessure
Il lui fallait retourner à celle qui, d’un dard exquis,
Lui avait transpercé la poitrine, engendrant cette douleur lancinante
Pareille à celle qui pousse, à travers l’Océan, la baleine au rivage.
SPENSER, La Reine des Fées.

Immenses comme les baleines qui, par le mouvement de leurs corps énormes, troublent jusqu’au bouillonnement la plus paisible mer d’huile.
SIR WILLIAM DAVENANT, Préface à Gondibert.

C’est à juste titre que les hommes peuvent demeurer dans le doute et ignorer ce qu’est le spermaceti, puisque le savant Hosmannus, dans son œuvre de trente années, dit clairement : Nescio quid sit.
SIR T. BROWNE : Du Sperma Ceti et de la baleine à sperma ceti.

Pareil au Talus de Spenser avec son fléau moderne
Sa puissante queue est menace de désastre
Il porte leurs javelots fichés dans ses flancs
Et un bouquet de piques fleurit sur son dos.
WALLER, La Bataille des îles de Summer.

Ce grand Léviathan fut créé artificiellement qui a nom État (civitas en latin) et n’est rien de plus qu’un homme artificiel.
Introduction de HOBBES à son Léviathan.

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