jeudi 11 avril 2019

" MES PETITES AMOUREUSES " par Arthur Rimbaud


Un hydrolat lacrymal lave
Les cieux vert-chou :
Sous l’arbre tendronnier qui bave, 
Vos caoutchoucs.

Blancs de lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères, 
Mes laiderons !

Nous nous aimions à cette époque, 
Bleu laideron :
On mangeait des œufs à la coque
Et du mouron !

Un soir, tu me sacras poète, 
Blond laideron.
Descends ici que je te fouette
En mon giron ;

J’ai dégueulé ta bandoline
Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
Au fil du front.

Pouah ! mes salives desséchées
Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
De ton sein rond !

Ô mes petites amoureuses, 
Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses, 
Vos tétons laids !

Piétinez mes vieilles terrines
De sentiment ;
Hop donc soyez-moi ballerines
Pour un moment !…

Vos omoplates se déboîtent, 
Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent
Tournez vos tours.

Et c’est pourtant pour ces éclanches
Que j’ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
D’avoir aimé !

Fade amas d’étoiles ratées, 
Comblez les coins
— Vous creverez en Dieu, bâtées
D’ignobles soins !

Sous les lunes particulières
Aux pialats ronds
Entrechoquez vos genouillères, 
Mes laiderons !

https://fr.wikisource.org/wiki/Poésies_(Rimbaud)/éd._Vanier,_1895/Mes_petites_amoureuses

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