samedi 25 février 2012

" Éloge de la fuite " par Henri Laborit






 Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape ( le foc bordé à contre et la barre dessous ) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l'arrière avec un minimum de toile. 

La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgirons à l'horizon des calmes retrouvés. 

Rivages inconnus qu'ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévus imposée par les compagnies de transport maritime.

 Vous connaissez sans doute un voilier nommé " Désir ".  



Imaginaire, fonction spécifiquement humaine qui permet à l'Homme contrairement aux autres espèces animales, d'ajouter de l'information, de transformer le monde qui l'entoure. Imaginaire, seul mécanisme de fuite, d'évitement de l'aliénation environnementale, sociologique en particulier, utilisé aussi bien par le drogué, le psychotique, que par le créateur artistique ou scientifique. ( ... )

Se révolter, c'est courir à sa perte, car la révolte si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l'intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la suppression du révolté par la généralité anormale qui se croit détentrice de la normalité. Il ne reste plus que la fuite. ( ... )

Dans notre monde, ce ne sont pas des hommes que vous rencontrez le plus souvent, mais des agents de production, des professionnels. Ils ne voient pas non plus en vous l'Homme, mais le concurrent, et dès que votre espace gratifiant entre en interaction avec le leur, ils vont tenter de prendre le dessus, de vous soumettre. Alors, si vous hésiter à vous transformer en hippie, ou à vous droguer, il faut fuir, refuser la lutte si c'est possible. Car ces adversaires ne vous aborderons jamais seuls. Ils s'appuieront sur un groupe ou une institution. L'époque de la chevalerie est loin où l'on se mesurait un à un, en champ clos. Ce sont les confréries qui s'attaquent aujourd'hui à l'homme seul, et si celui-ci a le malheur d'accepter la confrontation, elles sont sûres de la victoire, car elles exprimeront le conformisme, les préjugés, les lois socio-culturelles du moment. Si vous vous promenez seul dans la rue, vous ne rencontrerez jamais un autre homme seul, mais toujours une compagnie de transport en commun. ( ... )

L'homme primitif avait la culture du silex taillé qui le reliait obscurément, mais complètement, à l'ensemble du cosmos. L'ouvrier d'aujourd'hui n'a même pas  la culture du roulement à billes que son geste  automatique façonne par l'intermédiaire d'une machine. Et pour retrouver l'ensemble du cosmos, pour se situer dans la nature, il doit s'approcher des fenêtres étroites que, dans sa prison sociale, l'idéologie dominante, ici ou là, veut bien entrouvrir pour lui faire prendre le frais. Cet air est lui-même empoisonné par les gaz d'échappement de la société industrielle. C'est lui pourtant que l'on appelle la Culture. ( ... )

Comment être libre quand une grille explicative implacable nous interdit de concevoir le monde d'une façon différente de celle imposée par les automatismes socio-culturels déterminés par notre niche environnementale ? comment être libre aussi quand on sait que ce que nous possédons dans notre système nerveux, ce ne sont que nos relations avec les autres ? Quand on sait qu'un élément n'est jamais séparé d'un ensemble ?  Qu'un individu séparé de tout environnement social devient un enfant sauvage qui ne sera jamais un homme ? Que l'individu n'existe pas en dehors de sa niche environnementale à nulle autre pareille qui le conditionne entièrement à être ce qu'il est ? ( ... )

Si les connaissances de l'Homme à travers les siècles se sont enrichies pour déboucher sur notre monde moderne, c'est bien que le message s'est complexifié depuis les origines. Cela, nous le devons à quelques hommes qui ont ajouté à ce que leur avaient donné les autres une part sortie d'eux-mêmes et que le message ne contenait pas avant eux. Les autres sont morts, bien morts, alors qu'eux vivent encore en nous, souvent inconnus mais présents. Ils vivent encore en nous puisque ce qu'ils ont apporté au monde humain continue sa carrière au sein de notre système nerveux. Nous savons que ce qu'ils ont apporté au monde, c'est une construction neuve qu'ils ont fait naître des associations rendues possibles par les zones associatives de leur cortex orbito-frontal. Ne sont-ils pas les seuls en réalité à pouvoir assumer pleinement le nom d' " Homme " ? ( ... )





mardi 7 février 2012

" AU NOM DE LA CIVILISATION " par René Vautier



“Déjà le sang de Mai ensemençait Novembre” Film de René VAUTIER ( 1982 )

" Afrique 50 " René Vautier: un an de prison pour un documentaire


"Presque tous les hommes savent lire et compter,(en France on compte à l'époque 40% d' analphabètes)
ainsi les soldats qui débarquent sont en général moins instruits que les sauvages qu'ils viennent civiliser "

Capitaine Claude Antoine Rozet  ( 1833 )


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106605k


« Le pays des Beni-Menasser est superbe et l’un des plus riches que j’ai vu en Afrique. Les villa­ges et les habitants sont très rapprochés. Nous avons tout brûlé, tout détruit. Oh la guerre, la guerre ! Que de femmes et d’enfants, réfugiés dans les neiges de l’Atlas, y sont morts de froid et de misère !... Il n’y a pas dans l’armée cinq tués et quarante blessés. » (Région de Cherchell, avril 1842)


« Tu m’a laissé chez les Brazes, je les ai brûlés et dévastés. Me voici chez les Sindgad, même répétition en grand, c’est un vrai grenier d’abon­dance... Quelques-uns sont venus pour m’amener le cheval de soumission. Je l’ai refusé parce que je voulais une soumission générale, et j’ai commencé à brûler. » (Ouarsenis, Octobre 1842)


Lettres du Maréchal Saint-Arnaud


« Vous me demandez, dans un paragraphe de votre lettre, ce que nous faisons des femmes que nous prenons. On en garde quelques-unes comme otages, les autres sont échangées contre des chevaux, et le reste est vendu à l’enchère comme bêtes de somme. » (Lettre datée de Mascara, 31 mars 1842.)


« Apportez des têtes, des têtes ! Bouchez les conduits crevés avec la tête du premier Bédouin que vous rencontrerez. »

(Harangue citée par le baron Pichon : Alger sous la domination française, p.109.)

 Tous les bons militaires que j’ai l’honneur de commander sont prévenus par moi-même que s’il leur arrive de m’amener un Arabe vivant, ils recevront une volée de coups de plat de sabre...


Colonel de Montagnac "Lettres d’un soldat"




 1) Tout Français capturé au combat sera considéré comme prisonnier de guerre et sera traité en conséquence jusqu’à ce qu’une occasion s’offre pour son échange contre un prisonnier algérien.
2) Interdiction absolue de tuer un prisonnier désarmé.
3) Tout Arabe qui amènera un soldat français captif sain et sauf aura une récompense de 8 douros.
4) Tout Arabe ayant un Français en sa possession est tenu de le bien traiter. Dans le cas où le prisonnier aura à se plaindre de mauvais traitement, la récompense prévue pour l’avoir fait prisonnier sera supprimée sans préjudice d’autres sanctions.

Décret de l’Emir Abdelkader ( 1837 )

 La même année ( 1841) eut lieu à Sidi Khelifa , un échange de prisonniers entre les deux armées. Cette opération ne fût malheureusement pas renouvelée. La magnanimité de l’Emir a semé le doute au sein des officiers de l’Armée Française, allant  jusqu’à éviter la procédure des échanges des prisonniers. Un des officiers supérieur (le colonel de Géry), a confié à Monseigneur Dupuch : « Nous sommes obligés de cacher, autant que nous le pouvons, ces choses à nos soldats, car s’ils le soupçonnaient, jamais ils ne combattraient avec autant d’acharnement ». 


L'islam, l'émir Abdelkader et le droit humanitaire