dimanche 11 septembre 2011

" La paix indésirable? Rapport sur l’utilité des guerres. " ( 1967 )

« De même que je prends personnellement la responsabilité de l’authenticité de ce document, je puis témoigner en faveur de la justesse de ses conclusions. Mes réserves ne concernent que l’imprudence avec laquelle il a été mis à la disposition d’un public qui n’était évidemment pas prêt à le comprendre. » 

Préface de John Kenneth Galbraith ( conseiller économique de  John Fitzgerald Kennedy )



Le rapport dit « de la Montagne de fer » est paru en 1967 aux Etats Unis chez Dial Press sous le titre original de:

« Report from the Iron Mountain on the possibility and the desirability of peace » :


 « Rapport de l'Iron Mountain sur la possibilité et l'opportunité de la paix » ( ... )

Les membres du groupe d’étude spéciale étaient parvenus à la conclusion suivante:


« La paix durable, bien que n’étant pas théoriquement impossible, est probablement inaccessible; même dans le cas où il serait possible de l’établir, il ne serait certainement pas dans l’intérêt le mieux compris d’une société stable de parvenir à la faire règner. …/…


La guerre remplit certaines fonctions essentielles à la stabilité de notre société; jusqu’au moment où d’autres procédés susceptibles de remplir les mêmes fonctions n’auront pas été découverts, le système qui repose sur la guerre devra être maintenu – et amélioré quant à son efficacité. » ( ... )


Le groupe part en effet de cette constatation:


« Il n’y a certainement aucune exagération à dire qu’un état de paix générale dans le monde conduira à des changements dans les structures sociales de toutes les nations du monde, changements qui seraient d’une ampleur sans équivalent dans l’histoire, et révolutionnaires.


Les conséquences économiques d’un désarmement général, pour ne parler que de la conséquence la plus évidente de la paix, obligeraient à reconsidérer toutes les modalités de la production et de la distribution dans le monde, dans une mesure qui ferait paraître insignifiants les changements survenus au cours des cinquante dernières années.


Des changements gros de conséquences se produiraient également dans les domaines politique, sociologique, culturel et écologique. » ( ... )


« La guerre, en temps que système social, a non seulement constitué un élément essentiel de l’existence des nations en temps qu’entités politiques indépendantes, mais elle a également été indispensable à la stabilité intérieure de leurs structures politiques. Sans elle, aucun gouvernement n’a jamais été capable de faire reconnaître sa « légitimité », ou son droit à diriger la société. La possibilité d’une guerre crée le sentiment de contrainte extérieure sans lequel aucun gouvernement ne peut conserver longtemps le pouvoir ». ( ... )


« L’existence d’une menace extérieure à laquelle il est ajouté foi est, par conséquent, essentielle à la cohésion sociale aussi bien qu’à l’acceptation d’une autorité politique. » ( ... )


« La guerre est la principale force qui soit à l’origine du développement de la science, à tous les niveaux, depuis la conception abstraite jusqu’à l’application technique. La société moderne accorde une grande valeur à la science « pure », mais il est historiquement indiscutable que toutes les découvertes d’importance majeure qui ont été faites dans les sciences naturelles ont été inspirées par les nécessités, réelles ou imaginaires, de leur époque. Les conséquences de ces découvertes se sont étendues beaucoup plus loin, mais la guerre a toujours fourni le stimulant qui a été à leur origine. » ( ... )


« …pour être efficace, un substitut politique à la guerre devrait nécessiter des « ennemis de remplacement » dont certains risqueraient de paraître un tant soit peu « tirés par les cheveux » dans le contexte de l’actuel système fondé sur la guerre. Il pourrait consister en ceci, par exemple, que la pollution totale du milieu pourrait remplacer la possibilité de destruction en masse par des engins nucléaires, en tant que principale menace apparente exercée contre la survie de l’espèce. L’empoisonnement de l’air ainsi que des ressources principales de nourriture et d’eau est déjà en bonne voie et, à première vue, pourrait apparaître comme prometteur, vu sous cet angle; cet empoisonnement constitue une menace contre laquelle on ne peut se défendre qu’en utilisant à fond l’organisation sociale et le pouvoir politique.


Mais selon ce que l’on sait aujourd’hui, il faudra encore attendre la vie d’une génération ou d’une génération et demie avant que la pollution du milieu ambiant, si grave qu’elle soit déjà, devienne suffisamment menaçante, à l’échelle mondiale, pour pouvoir offrir une base possible à une solution de ce genre. » ( ... )


« Il est parfaitement possible que la création d’une forme subtile d’esclavage soit une condition préalable absolue à la direction d’une société appartenant à un monde sans guerres. En pratique, la transformation des codes de discipline militaire en une forme d’esclavage, appelée par euphémisme d’un autre nom, ne réclamerait, de façon surprenante, qu’une révision de faible importance… » ( ... )


« …il serait possible de faire des individus asociaux, dont il faut garder en main le contrôle au moyen d’une institution quelconque, « l’ennemi de remplacement » nécessaire à la cohésion de la société. L’impossibilité accrue, inévitable et irréversible pour certains, d’être employés, et l’extension parallèle d’une aliénation généralisée par rapport aux valeurs normalement admises pourrait obliger à envisager de telles mesures, et pourrait faire qu’elles deviennent nécessaires, même en tant que complément au système fondé sur la guerre. » ( ... )


Partant du principe que la guerre est « la base même de l’organisation sur laquelle toutes les sociétés modernes sont construites. » les auteurs du rapport concluent à la nécessité d’avoir recours aux substituts précédemment envisagés afin « de se préparer très soigneusement à l’éventualité de la paix, non que nous pensions que la fin des guerres soit nécessairement souhaitable, si même elle est possible, mais parce qu’elle pourrait nous prendre par surprise, sous une forme à laquelle nous pourrions ne pas être préparés. » ( ... )


Infoguerilla

Le Rapport de la Montagne de fer est un livre satirique, publié en 1967 (sous l’administration Johnson) par Dial Press, qui indique que c’est le rapport d’une commission gouvernementale. Le livre comprend l’affirmation selon laquelle il a été rédigé par un groupe spécial d’étude de quinze hommes dont l’identité devait rester secrète, et qu’il n’était pas destiné à être rendu public. Ce best seller est une parodie de think tanks militaires au cours de la guerre du Vietnam. Il prétend détailler les analyses et les conclusions d’un groupe spécial du gouvernement qui indique que la guerre, ou un substitut crédible à la guerre, est nécessaire aux gouvernements pour se maintenir au pouvoir. ( ... )

US News and World Report a affirmé dans son numéro de Novembre 20, 1967, avoir obtenu confirmation de la réalité du Rapport par un fonctionnaire anonyme du gouvernement, qui a ajouté que lorsque le Président Johnson a lu le Rapport, il a littéralement bondi au plafond et ordonné qu’il soit interdit de publication de façon permanente. En outre, des sources auraient révélé que des ordres ont été donné aux ambassades des Etats-Unis, leur enjoignant d’insister sur le fait que le livre n’avait pas de rapport avec la politique du gouvernement américain. ( ... )


Il a été inscrit au Livre Guinness des records en tant que « faux littéraire le plus réussi. » ( ... )


l’idée du Rapport est venu de Victor Navasky. En 1966, Navasky, alors rédacteur en chef du magazine satirique Monocle, lut un article dans le New York Times au sujet d’un sell-off sur le marché boursier en raison d’une « peur de la paix ». Ce qui lui donna une idée: un Rapport qui amènerait les gens à réfléchir sur une économie de paix, et sur la futilité de la course aux armements. ( ... )


Infoguerilla

" L’art d’ignorer les pauvres" par John Kenneth Galbraith

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