vendredi 22 mai 2009

"Peur de la jeunesse et de l'excès de liberté"


"Nous sommes aujourd'hui en pleine décadence. Les jeunes ne respectent plus leurs parents. Ils sont grossiers et impatients. Ils ont souvent élu domicile dans des tavernes et ne savent plus se contrôler".

Gravure sur une tombe égyptienne ( - 4000 av J.C. )

Des bassines et du zèle

Que, répondis-je, le père s'habitue à devoir traiter son fils d'égal à égal et à craindre ses enfants, le fils s'égale à son père, n'a plus honte de rien et ne craint plus ses parents, parce qu'il veut être libre ; le métèque s'égale au citoyen et le citoyen au métèque, et la même chose pour l'étranger.

C'est bien ce qui se passe, dit-il.

À tout cela, dis-je, s'ajoutent encore ces petits inconvénients : le professeur, dans un tel cas, craint ses élèves et les flatte, les élèves n'ont cure de leurs professeurs, pas plus que de tous ceux qui s'occupent d'eux ; et, pour tout dire, les jeunes imitent les anciens et s'opposent violemment à eux en paroles et en actes, tandis que les anciens, s'abaissant au niveau des jeunes, se gavent de bouffoneries et de plaisanteries, imitant les jeunes pour ne pas paraître désagréables et despotiques.

C'est tout à fait ça ! dit-il.

Mais en fait, dis-je, le comble, mon très cher, de l'excès de liberté, tel qu'il apparaît dans une telle cité, c'est quand ceux et celles qui ont été achetés ne sont en rien moins libres que ceux qui les ont achetés. Et dans les relations des hommes avec les femmes et des femmes avec les hommes, le point où en arrivent l'égalité des droits et la liberté, nous étions près de n'en quasiment rien dire !

Platon, La République, VIII, 562b-563e ( - 372 av J.C. )

"Ils n'ont aucun respect pour les parents ou les personnes âgées. Ils s'impatientent contre toute contrainte. Ils parlent comme s'ils savaient tout, et ce qui nous semble sage à nous est folie pour eux. En ce qui concerne les filles, elles sont effrontées, impudiques et sont mal élevées en paroles, en comportement et en habillement."

Sermon de Pierre l'Hermite ( 1274 )

Le réflexe professionnel du sociologue est de rappeler que les divisions entre les âges sont arbitraires. C'est le paradoxe de Pareto disant qu'on ne sait pas à quel âge commence la vieillesse, comme on ne sait pas où commence la richesse. En fait, la frontière entre jeunesse et vieillesse est dans toutes les sociétés un enjeu de lutte. 

Par exemple, j'ai lu il y a quelques années un article sur les rapports entre les jeunes et les notables, à Florence, au XVIème siècle, qui montrait que les vieux proposaient à la jeunesse une idéologie de la virilité, de la virtú, et de la violence, ce qui était une façon de se réserver la sagesse, c'est-à-dire le pouvoir. De même, Georges Duby montre bien comment, au Moyen Age, les limites de la jeunesse étaient l'objet de manipulations de la part des détenteurs du patrimoine qui devaient maintenir en état de jeunesse, c'est-à-dire d'irresponsabilité, les jeunes nobles pouvant prétendre à la succession. "

la jeunesse n’est qu’un mot par Pierre Bourdieu

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