dimanche 24 mars 2013

" Plutôt la tête bien faite que bien pleine." Michel de Montaigne ( 1580 )


"Lorsque j'ai appris son passé médical, je lui ai naturellement conseillé de passer un scanner, et c'est alors que nous avons découvert ce spectacle peu commun : un cerveau réduit à une bande de quelques centimètres d'épaisseur, contre la paroi crânienne. "

En 2007, la découverte de l'équipe du docteur Feuillet, publiée dans The Lancet, a stupéfié le monde entier. L'examen d'un patient "normal" avait révélé une particularité extraordinaire: sa boîte crânienne était pratiquement vide! Comment cet homme était-il parvenu à vivre normalement, sans  troubles neurologiques ?

C'est un homme "normal": la cinquantaine, marié, deux enfants et employé dans l'administration. En 2007, cet homme consulte un médecin à cause d'une trouble de la marche. L'équipe du docteur Feuillet apprend que, depuis son enfance, son patient prend des barbituriques pour traiter une hydrocéphalie. Ce n'est pas vraiment qu'il avait de l'eau dans la tête, mais presque.

 Chez tout individu normalement constitué, le cerveau et la moelle épinière baignent dans un liquide, constitué à 99% d'eau, appelé liquide céphalo-rachidien (ou liquide cérébro-spinal). Une accumulation anormale de ce liquide dans la boîte crânienne est appelé hydrocéphalie. Cette pathologie cause parfois une compression des tissus cérébraux mais peut être traitée en évacuant le liquide en plantant une sorte de paille dans le crâne. 

Petit, ce patient avait donc subi une opération durant laquelle on avait installé un tube qui reliait l'intérieur du cerveau à l'abdomen, permettant ainsi l'écoulement et l'élimination du liquide. Au fil des années, le tuyau était devenu trop court et il avait fallu le remplacer. Le neurologue Jean Pelletier raconte, dans Cerveau et psycho:

"Lorsque j'ai appris son passé médical, je lui ai naturellement conseillé de passer un scanner, et c'est alors que nous avons découvert ce spectacle peu commun : un cerveau réduit à une bande de quelques centimètres d'épaisseur, contre la paroi crânienne. "

Manifestement, le nouveau tuyau s'était bouché et le patient avait vécu 30 ans sans s'apercevoir que le liquide s'accumulait graduellement dans son cerveau, remplissant sa boite crânienne et repoussant les structures cérébrales contre les parois, comme on peut le voir sur l'image ci-dessous :


A gauche; le crâne au cerveau creux, à droite; un cerveau "normal"



 Mike le poulet sans tête


Le jeudi 10 Septembre 1945, Lloyd le fermier décida qu'il était temps de passer Mike à la casserole et lui trancha la tête. Il est connu que les poulets peuvent parfois gambader encore plusieurs minutes après qu'on leur coupe la tête, aussi Lloyd prit son mal en patience pendant que le poulet décapité continuait à déambuler chaotiquement.

 Mais à sa stupéfaction, Mike ne mourut pas! En fait, le coup de hache avait épargné une partie du cerveau et une oreille. Lloyd avait maintenant un poulet sans tête et l'estomac dans les talons. Il ne parvint pas à récupérer la tête, sûrement emportée par un chat. Le coq semblait perplexe mais n'avait pas l'air de souffrir. 

Quelques temps après, l'histoire du poulet sans tête parvint aux oreilles de Hope Wade, un agent artistique qui encouragea les Olsen à présenter Mikecomme phénomène de foire. Pour démentir les rumeurs de supercherie, Lloyd l’emmena à Salt Lake City se faire examiner dans une université. 

Par la suite, surnommé Miracle Mike, le poulet sans tête fut la star de plusieurs foires et fit quelques unes dans les journaux (dont le New York Times et le magazineLife). Il rapportait 4 500 dollars par mois à son heureux propriétaire qui le bichonnait comme une poule aux œufs d'or et qui l'avait assuré pour 10 000 dollars. Il le nourrissait avec une pipette, directement dans l’œsophage dont l'extrémité du conduit affleurait au niveau du cou. 



samedi 16 mars 2013

" Le faux principe de notre éducation" par Max Stirner ( 1842 )



Comme notre époque est en quête du mot qui exprime l’esprit qui l’habite, nombreux sont les noms qui envahissent le devant de la scène et tous prétendent être le bon.

 De toutes parts se manifeste le plus divers grouillement de partis et, autour de l’héritage pourrissant du passé, se rassemblent les aigles de l’instant.


Les cadavres politiques, sociaux, religieux, scientifiques, artistiques, moraux et autres, abondent en tous lieux et tant qu’ils ne seront pas tous consumés l’air ne deviendra pas pur, le souffle des vivants en restera oppressé.


Sans apport de notre part, notre époque ne trouvera pas le mot juste ; nous devons tous y travailler. Mais, si c’est bien là notre tâche ; nous pouvons raisonnablement demander ce qu’on a fait et ce que l’on compte faire de nous ; nous nous enquérons de l’éducation qui doit nous rendre capable d’être les créateurs de ce mot. Notre Disposition à devenir des créateurs, la développe-t-on consciencieusement, ou ne nous traite-t-on que comme des créatures dont la nature n’admet qu’un dressage ? La question est aussi importante que peut l’être l’une, quelconque, de nos questions sociales ; elle est en réalité la plus important, parce que celles-ci reposent sur cette base ultime. Soyez accomplis, ainsi effectuerez-vous quelque chose d’accompli ; sois « en toi-même ton propre achèvement », ainsi votre communauté et votre vie sociale seront-elles achevées. Voilà pourquoi nous nous préoccupons avant tout de ce que l’on fait de nous au temps de notre malléabilité à l’éducation ; la question de l’éducation est une question vitale. ( ... )

Oui, c’est bien ainsi, le savoir lui-même doit mourir pour, dans la mort, s’épanouir à nouveau comme volonté. Les libertés de pensée, de croyance, de conscience, ces fleurs magnifiques de trois siècles, retourneront dans le sein maternel de la terre afin qu’une liberté nouvelle, celle du vouloir, se nourrisse de leur sèves les plus nobles. Le savoir et sa liberté a été l’idéal de cette époque, enfin atteint sur les hauteurs de la philosophie. Ici parvenu, le héros édifiera son propre bûcher et sauvera sa participation éternelle à l’Olympe. Avec la philosophie notre passé se ferme sur lui-même, et les philosophes sont les Raphaëls de la période de la pensée, en qui le vieux principe trouve, dans le flamboiement d’une magnificence multiple, son achèvement, pour devenir, par rajeunissement, de temporel éternel. Qui veut maintenir le savoir le perdra, mais celui qui y renonce le gagnera. Seuls les philosophes sont appelés à ce renoncement et à ce gain. Ils se tiennent devant le feu déjà allumé et il leur faut, tel le héros mourant, consumer leur enveloppe terrestre s’ils veulent que l’esprit qui ne passe pas devienne libre.

Il faut, dans la mesure du possible, rendre nos paroles plus intelligibles. Le défaut de notre époque se perpétue en ce que le savoir n’est pas achevé et n’est pas amené à sa transparence, en ce qu’il demeure quelque chose de matériel et de formel, de positif, mais ne s’élève pas jusqu’à l’absolu, en ce qu’il noue pèse comme un fardeau. Comme cet ancien, il nous faut désirer l’oubli, boire à l’est du Léthé qui rend bienheureux : sinon on ne s’atteint pas soi-même. Tout ce qui est grand doit savoir mourir et trouver sa transfiguration dans l’abandon à la mort ; seul ce qui est misérable entasse, identiquement à la rigide cour suprême, dossiers sur dossiers, et met en scène les millénaires en de décoratives figures de porcelaine, à la manière des Chinois et de leur indéracinable enfantillage. Le vrai savoir trouve son achèvement tandis qu’il cesse d’être savoir et redevient simplicité d’une pulsion en l’homme – Volonté. (... )

Un savoir qui ne se purifie ni ne se concentre jusqu’à s’arracher vers le vouloir, ou, en d’autres termes, un savoir qui m’alourdirait, réduit à être mon avoir et ma possession au lieu de s’être si intimement uni à ce que je suis que le Moi, se mouvant librement, en rien entravé par un fardeau qu’il aurait à tirer, parcourerait le monde en préservant la fraîcheur de ses sens, un savoir qui n’est pas devenu personnel ne permet qu’une pauvre préparation à la vie. On ne veut pas laisser aller les choses jusqu’à l’abstraction : elle seule pourtant confère à tout savoir concret sa vraie consécration, car par elle la matière est véritablement supprimée et spiritualisée tandis que l’homme en reçoit son authentique et ultime libération. Dans l’abstraction seule est la liberté : l’homme libre seul celui qui a surmonté le donné et repris ce qu’il lui a arraché en le questionnant dans l’unité du Moi.

Si le besoin de notre temps, après la conquête de la liberté de pensée, est de poursuivre celle-ci jusqu’à l’achèvement qui la transformerait en liberté de la volonté et la réaliser comme le principe d’une nouvelle époque, alors le savoir ne peut plus être le but ultime de l’éducation ; mais ce rôle appartient au vouloir né du savoir, et l’expression parlante de ce à quoi l’éducation doit tendre s’énonce : l’homme personnel ou libre. L’essence de la vérité est de se révéler elle-même ; cette révélation passe par la découverte de soi, la libération de tout élément étranger, l’abstraction extrême ou liquidation de toute autorité, la naïveté reconquise. De tels êtres absolument vrais, l’école n’en livre point. ( ...)

 infokiosques.net 


" L’Unique et sa propriété " par Max Stirner (1845)